Ports du Maroc : Mais qui vole les embarcations et pourquoi ?

Ports du Maroc : Mais qui vole les embarcations et pourquoi ?

Au cours de ces derniers mois, plusieurs vols de barques de pêche artisanales ont été enregistrés au niveau de l’ensemble des ports de pêches au Maroc.

Du déjà vu. Puisque ce n’est pas la première fois que des barques de pêche sont dérobées par des inconnus dans différents points de pêche, affirment des sources professionnelles. Ces derniers évoquent un «problème récurrent des vols de barques».

Comme beaucoup de propriétaires, approchés cette semaine par Le Reporter, le président de la Confédération nationale de la pêche artisanale, Abdellah Lablihi s’inquiète de ces tentatives de vol. «Il y a une urgence, il faut traiter ce problème», affirme Lablihi.

Alors que les services du département de la pêche évoquent des cas isolés et se refusent à tout commentaire sur cette affaire, le président de cette Confédération nationale soutient qu’aucun port n’est à l’abri de ce phénomène de «vol». D’ailleurs, dit-il, «Dans plusieurs sites de pêche, les représentants de la pêche artisanale ont pris leurs précautions: engager des gardiens pour empêcher les voleurs de dérober leurs barques».

Un phénomène qui devrait s’aggraver

Et les déclarations de ce même responsable, n’en sont que plus alarmantes. En effet, il a laissé entendre que «malheureusement, ce phénomène devrait encore s’aggraver», mettant ainsi en avant les risques de plus en plus grands de voir de nouvelles barques ciblées, particulièrement dans certaines zones.

Notre interlocuteur évoque une affaire de plus de vingt vols ayant été portés, ces derniers mois, devant la justice. «Après un vol, les suspects restent inconnus. Ce sont les propriétaires qui sont poursuivis devant la justice», précise Abdellah Lablihi.

Une chose est sûre. Le sujet inquiète la profession. A El Jadida, par exemple, les affaires de vol sont si nombreuses que les pêcheurs propriétaires dont les barques ont été ciblées ne s’y retrouvent plus, selon des sources bien informées. Rien qu’au cours de l’année 2019, avancent celles-ci, une quinzaine d’embarcations ont été dérobées dans ce port.

Dans ce port, les propriétaires se disent mécontents. «Au début, c’était de l’inquiétude et puis ça s’est accentué. Il y a aussi du mécontentement», racontent des pêcheurs.

Ces vols ont un impact important sur le travail, déjà dur, des pêcheurs, lancent ces derniers. «Les propriétaires victimes de vol subissent des préjudices importants. C’est beaucoup de problèmes, et une perte de chiffre d’affaires pour eux», expliquent les mêmes sources.

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Les victimes de vol, en arrêt d’activité

La situation serait critique. Nos sources nous ont appris que, dans certains ports, les propriétaires victimes de vol sont en arrêt d’activité depuis plusieurs mois, si ce n’est plus de deux ans. «Depuis que des inconnus ont volé, il y a deux ans, nos barques, nous sommes en chômage technique», témoignent des représentants de la pêche artisanale victimes de vol, ayant requis l’anonymat.

Après le vol de nos barques, on devait suivre certaines procédures (sécuritaire, judiciaire et administrative) pour reprendre notre activité, expliquent-ils. Mais, disent-ils, les choses traînent toujours à cause du retard enregistré dans la mise en œuvre de ces procédures. «Alors que certains attendent toujours que le tribunal rende son délibéré, d’autres par contre – ayant été innocentés- voient leur dossier toujours bloqué au niveau du département de la pêche. C’est ce qui fait que ces gens ont aujourd’hui des difficultés et n’arrivent pas à payer leurs crédits», assurent nos interlocuteurs, qui se disent inquiets.

Le sujet, au cœur d’une rencontre à Asilah

A Asilah, un autre port de pêche qui connaît ce phénomène, l’inquiétude est aussi là. «Les professionnels sont de plus en plus vigilants. Pour empêcher le vol de leurs embarcations, ils ont fait appel aux services de gardiens ; et on compte même en engager d’autres très prochainement», témoigne Zoubeir Bensaadoun, président de l’Association des pêcheurs et des propriétaires de barques de la pêche artisanale à Asilah. Il ajoutera: «Le phénomène est général. Tous les ports sont concernés par ce problème. Les services de l’Etat doivent intervenir pour y mettre un terme».

Ce professionnel affirme que des affaires similaires avaient défrayé la chronique dans les milieux professionnels, ces trois dernières années dans ce petit port. Et, semble-t-il, le problème continue de préoccuper les professionnels, mais aussi les autorités locales. Puisque le sujet a été au cœur d’une rencontre qui a réuni, mardi 4 février 2020 à Asilah, le Pacha, les représentants des services extérieurs, le délégué régional de la pêche maritime et les représentants de la pêche artisanale et côtière, indique une source bien informée.

Demande des professionnels? Accélération de la mise en œuvre des procédures suivies après un vol d’une embarcation. Et davantage de surveillance.
«On va mettre en œuvre certaines mesures pour faire en sorte que le vol des embarcations soit le plus difficile et faire échouer ces tentatives», explique une source ayant participé à cette rencontre. Parmi elles: la vidéosurveillance du quai et un poste de police au port.

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En cause, l’immigration clandestine

Mais qui vole les embarcations des pêcheurs ? Dans les milieux de la pêche, on pointe surtout les filières des passeurs voulant faire traverser la Méditerranée aux migrants clandestins. Pour nos sources, tous les éléments permettent de relier ces vols à une éventuelle filière de passeurs. «La tentation est très grande quand on sait que certaines zones, notamment celles situées dans le nord du pays, sont très proches de la rive sud de l’Europe. Parmi elles, entre autres, Asilah, Tanger, Benyiounech à Nador et Fnideq. Mais il y a aussi les zones du sud qui connaissent également ce phénomène de vol, comme Tarfaya, Boujdour ou encore Sidi Ifni», souligne Abdellah Lablihi, président de la Confédération nationale de la pêche artisanale.

Mais ce qui préoccupe encore plus les autorités, ce sont les marins –pêcheurs qui se transforment en migrants clandestins. A Dakhla, un autre port ciblé, des marins-pêcheurs sont soupçonnés d’avoir volé la barque de leur employeur pour l’utiliser ensuite pour rejoindre Las Palmas. «Ces pêcheurs font croire aux propriétaires qu’ils vont sortir en mer pour pêcher. Mais en réalité, ces marins voulaient parvenir à Las palmas», indique une source bien informée.

Au cours de ces dix derniers mois, ajoute celle-ci, cinq réclamations ont été déposées auprès des services de la délégation régionale de la pêche maritime à Dakhla. Elles évoquent, toutes, un vol de barques de pêche artisanale.

«La mer n’emploie plus autant de pêcheurs qu’auparavant. Plusieurs raisons expliquent cela, dont la baisse des ressources halieutiques», explique un professionnel de la pêche artisanale à Dakhla.

«Les barques vont de plus en plus loin pour trouver des eaux poissonneuses», lance un professionnel. C’est ce qui pousse, dit-il, ces marins-pêcheurs à franchir le large entre Dakhla et Las Palmas à bord de barques de pêche artisanales volées.

Naîma Cherii

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