Chez nous, pas comme chez eux…

Ayman, 20 ans, étudiant universitaire, nous raconte les raisons de son retour forcé au pays. Il voudrait l’étudiant marocain mieux loti. Voici son récit.

«Dans quelques jours, ce sera la rentrée pour moi. Bien qu’ayant eu des résultats satisfaisants, je me sens blasé, pas vraiment motivé. En plus, faire mes adieux à mes amis et camarades qui se sont envolés pour poursuivre leurs études sous d’autres cieux ne m’a pas réjoui. J’en suis tout retourné et même jaloux.

Forcément! Deux ans auparavant, moi aussi, mes parents, fiers de mes résultats du baccalauréat, m’avaient accordé toute leur confiance et leurs économies, en me permettant d’aller poursuivre mes études supérieures à l’étranger. Je ne suis finalement qu’un sombre imbécile qui n’a pas su profiter de l’aubaine qui s’était offerte à lui. Je n’avais pas mesuré l’ampleur des conséquences de mon manque de maturité…
Une fois hors du pays, bien installé et affranchi du souci du manque de moyens, je me suis permis de jouer à la starlette. Alors que tous mes amis et camarades savaient comment organiser leur emploi du temps pour réussir leur année scolaire, moi, je m’offrais sans remords le luxe de ‘‘glandouiller’’ et de faire la fiesta non-stop. Je sais maintenant que je n’étais qu’un idiot qui n’a pas su gérer sa liberté. Le contrôle parental a du bon pour les irresponsables de ma trempe, vous pouvez me croire. Je n’avais accordé à mes examens que 2 ou 3 jours de révision. Mes déplorables résultats ne m’étonnèrent pas le moins du monde. Et ce n’était pas tout, j’avais eu le culot de pousser le bouchon en m’octroyant le droit de pleurer mon échec. Je jouais la comédie parce qu’il me fallait attendrir mes parents afin de garantir mon retour. Mais mes desseins furent contrariés par l’intervention de mon cousin, celui qui m’avait accueilli à mon arrivée et qui m’avait aidé à m’installer. Il avait jugé trop risqué pour lui de mentir à mon père. Il m’avait prévenu pourtant, mais je l’avais sous-estimé, celui-là… Je ne l’en croyais pas capable.
La réaction de mes parents a été immédiate: ils me firent rapatrier et m’obligèrent à m’inscrire à l’université marocaine de ma ville. Quelques mauvaises langues firent circuler la rumeur que mon retour précipité et définitif était dû au fait que mes parents avaient des problèmes financiers. Mon ego en prit un sacré coup. Quelle honte auprès de mes amis, surtout!
J’avais tenté des stratagèmes pitoyables afin que les miens changent d’avis, mais ils sont restés inflexibles. Mon père me boude encore, m’interdisant de lui demander quoi que ce soit, pas même de lui emprunter sa voiture. Ma mère, quant à elle, s’emporte au quart de tour chaque fois que je tente de remettre le sujet sur le tapis, affirmant qu’elle aurait mieux fait de s’assurer une petite rente supplémentaire pour ses vieux jours avec l’achat d’un bien immobilier.
Me pardonneront-ils un jour? Je l’espère, je m’y applique d’autant que je ne suis plus du tout le même.
Et puis, pour être honnête, ce que je regrette au fond, ce n’est pas la vie à l’étranger, mais toutes ces facilités et avantages octroyés aux étudiants: Transports, logements, espaces, bibliothèques, cantines, buvettes, réductions, loisirs, informations, cellules d’assistance, conseils, mutuelle et assurance… Tout cela et bien plus encore, offert exclusivement aux étudiants, avec des tarifs à la portée de leur bourse. J’avoue que la différence est énorme. Chez nous, le logement, le transport et la nourriture sont les premiers problèmes auxquels se heurtent tous les étudiants, sans exception. A cela s’ajoutent plusieurs anomalies.
Je ne m’attarderai que sur la plus anodine. Je l’ai vécue dernièrement pendant les vacances. S’il est vrai que les résultats scolaires de tout élève marocain sont enregistrés aujourd’hui sur le système de gestion scolaire «massar» jusqu’au baccalauréat, il n’en reste pas moins qu’il est quasi-impossible que votre numéro d’identification soit suffisant pour valider une préinscription online dans un établissement d’études supérieures étatique. Elle doit obligatoirement et immédiatement être suivie d’une enveloppe postale volumineuse contenant une demande manuscrite, des copies certifiées conformes aux originales, des relevés de notes trimestriels de deux années et de l’attestation de réussite au baccalauréat. Inutile de vous raconter l’encombrement des bureaux de légalisation, d’actes de naissance où votre CIN et carte d’étudiant ne serviront à rien, pas même pour une exonération de timbre. Et si vous postulez pour plusieurs établissements à la fois, c’est un joli pactole que vous devez prévoir de débourser. J’en ai vu qui, après des heures interminables d’attente, se sont fait houspiller au guichet, parce qu’ils n’avaient pas prévu une telle dépense. De la perte de temps et d’argent, sans compter que toute cette paperasse finira à la poubelle, puisqu’il faudra renouveler tout le dossier au moment de l’inscription définitive. Pourquoi est-ce ainsi chez nous?
Quant à moi, je n’ai plus le choix. Je dois faire plus que mon possible pour réussir mon année tout en gardant espoir que la vie estudiantine marocaine s’améliore».

La maîtresse de mon père…

Mariem Bennani

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