Je ne suis ni folle, ni dépensière… | Juste une mère !

Oumayma, 30 ans, secrétaire dans un cabinet dentaire, est mariée et mère de trois enfants. L’époux de cette femme est contre l’inscription de leurs enfants dans les établissements scolaires du privé. D’où… Gros problèmes au sein du couple… Elle raconte.

«Cette rentrée scolaire, marquera d’un sceau le grand retour des conflits dans mon foyer. Sans mentir, ces jours derniers, je les ai très mal vécus. En plus, à chaque fois que j’accompagne mes gamins à leur école, je me sens sous l’emprise d’un incontrôlable sentiment de jalousie envers les autres mamans que je rencontre. Attendez, elles ne m’ont rien fait et je sais que c’est mal, mais c’est plus fort que moi. Il y a seulement que comparer ma situation avec celle de ces femmes qui affichent une allure sereine et comblée, m’étouffe vu mon trop plein de frustrations. C’est que je trouve injuste qu’elles et leurs bambins soient logés à meilleure enseigne que moi et les miens.  

Mon époux et moi pensions qu’avoir un enfant le plus vite possible en rajouterait à notre bonheur. D’ailleurs quand nous avions eu notre premier garçon, nous étions aux anges. Cet enfant étant le premier petit-fils dans nos familles respectives fut accueilli avec une extraordinaire jubilation. Nous n’avions pas notre mot à dire quand mes parents et les siens s’arrachaient sa garde et se disputaient sa totale prise en charge. Vraiment nous n’avions pas déboursé le moindre sou pour meubler sa chambre, lui procurer des jouets, du matériel de puériculture, ou pour l’alimenter, l’habiller, lui assurer ses visites médicales, ses vaccins, etc. Aussi, je n’avais pas eu de problèmes pour reprendre mon boulot puisque sa garde était assurée. Il faut rajouter que toute cette avalanche d’avantages nous avait même permis de nous engager dans l’achat d’un logement à crédit. Et pendant trois ans nous avions nagé dans la félicité absolue. Aucun nuage n’était venu assombrir notre quotidien. 

Mais notre conte de fée fut stoppé net à l’annonce de ma nouvelle grossesse. Mon époux, comme frappé par une foudroyante intuition, s’y était opposé. Mon opposition à ce que je jugeais comme étant un blasphème fut tenace et il m’en voudra beaucoup par la suite. Sauf que pour ma pomme mes prévisions d’être soutenue par la famille tombèrent à l’eau. Je n’étais pas la seule à attendre l’arrivée d’un bébé dans la famille. Très vite, les parents s’étaient lavé les mains de notre devenir et de celui de notre gosse pour aller aider les autres «nouveaux parents» dans la famille, pouponnant leurs nouveaux descendants. 

C’est ainsi que mon enfant, l’ainé de la nouvelle génération, fut détrôné par l’arrivée de ses cousines et cousins. Ce changement fut difficile à accepter pour lui tout autant que pour nous. Notre autorité parentale avait eu beaucoup de mal à s’instaurer. Malheureusement, face à nous qui perdions notre sang froid, notre gamin se métamorphosait en un insupportable démon. Mon époux paniquait et fuyait l’ambiance à la maison. Quant à moi, sous l’emprise de mon dérèglement hormonal, je ne cessais de pester avec hystérie sur ce qui me vexait. Nous n’arrivions plus à protéger les fondations de notre foyer qui menaçaient de s’écrouler. Et cerise sur le gâteau, les résultats de mon échographie annonçaient la gestation dans mon ventre de jumeaux. Je crois bien qu’il n’y avait pas eu de pire nouvelle que celle-là pour mon époux. 

Moi, femme, addict à l’alcool…

Après la naissance de mes jumeaux, nous ne connaitrons pas de véritable descente aux enfers sur le plan financier comme le prédisait mon époux. Même que nous cesserons de nous disputer vu qu’ils étaient là maintenant. D’autant que l’importance d’élever correctement trois garçons primait sur des futilités. Il faut comprendre que ce ne sont pas les premières années qui furent difficiles. Le glas a sonné quand il a fallu scolariser, aujourd’hui, tous nos enfants. Et me revoilà encore une fois à me farcir des disputes quotidiennes avec mon époux qui refuse catégoriquement mon choix d’inscrire nos enfants dans des écoles du privé. 

La rengaine que je subis en boucle est la suivante: «Cela ne te vas pas du tout d’être perchée, revient sur terre et à ta place. Tu n’es qu’une femme folle qui ne veut pas vivre dans sa réalité.  Ce combat que tu mènes à essayer de te mesurer à des gens qui ont les moyens finira plus tôt que prévu par se solder par un échec cuisant et tous nous nuire. Es-tu au moins consciente que les principales victimes de ton acharnement seront nos enfants qui risquent de s’imaginer être des gosses de nantis, alors que cela ne sera jamais possible ? Si au moins tu avais l’intelligence de comprendre qu’il vaut mieux pour eux de leur inculquer d’ores et déjà que nous sommes des gens avec un niveau de vie moyen sans chance aucune qu’il y ait du changement dans l’immédiat,ni avant longtemps. Je ne te pardonnerai jamais de les avoir bernés pour finalement les livrer sur un plateau d’argent à la délinquance. Tu peux y compter sur la vente de notre maison pour leur assurer des études supérieures dans le privé… Tu ferais mieux d’écouter mes conseils, au lieu de t’accrocher comme une malade à un statut social qui ne sera jamais le nôtre !».

Que des mots qui recouvrent de noir les couleurs du bonheur ! 

En ce moment même, mon mari boude et refuse la nourriture que je sers.  Il me maudit de n’en avoir fait qu’à ma tête. Eh bien oui, malgré son pathétique verbiage, j’ai été inscrire mon ainé dans une école privée des environs. La mensualité pour le CE3 s’élève à 800 DH par mois, sans compter les frais d’inscription et d’assurance qui sont obligatoires. Pour l’heure, j’ai déboursé 1500 DH pour ses fournitures et ses livres. Et hop dans la foulée, j’ai été placer à la crèche les petits jumeaux ! Ici, la mensualité s’élève à 400 dhs pour chacun. Sincèrement, je n’ai aucun regret à y laisser plus de la moitié de mon salaire. Même si ce ne sont pas des établissements scolaires de renom dans notre ville, j’y ai vu l’avantage de la proximité.  Il faut savoir que je gagne 3000 dhs net par mois en tant que secrétaire dans un cabinet médical. Mon époux, lui touche 5000 dhs en travaillant pour son père. C’est lui qui s’occupe de régler la traite de notre logement, ainsi que les autres dépenses fixes de notre ménage. Pour se tirer d’affaire, il m’a toujours remis entre les mains ce qui lui restait. En fait, depuis cette rentrée des classes, je vais devoir me débrouiller avec la somme de 1800 DH par mois. Soit 60 DH par jour pour gérer un foyer composé de deux adultes et trois enfants. Et si mon époux compte m’alléger de la moitié pour payer ses recharges de téléphone et ses indispensables cafés, je suis foutue. 

On veut me marier mon fils !

Mais qu’importe, je ne suis pas le genre à me laisser faire. Aussi, pour m’en sortir, j’ai déjà commencé à tenter d’écouler quelques articles de marchandises cédés par une adorable patiente du cabinet. Je me sers des réseaux sociaux et de mon répertoire téléphonique pour toucher un maximum de personnes sans les démarcher. Je n’ai pas encore réussi à conclure une vente, mais je reste patiente. Peut-être que je dirai oui à la proposition de me métamorphoser en «semsara». Le promoteur immobilier qui vient se soigner les dents chez nous me promet que je peux réaliser de bons bénéfices tout en restant à ma place. 

A cause du manque de soutien de mon époux et de ses paroles, je suis attaquée de jour comme de nuit par des idées noires. J’ai des sueurs froides à imaginer mes gosses réinscrits à l’école publique faute de moyens suffisants. Souvent je pleure parce que je me sens seule, incomprise et abandonnée à mon sort. Je suis extenuée par mon quotidien qui est très laborieux. Pour me requinquer le moral et me redonner des forces, il n’y a pas mieux que cette ambition qui m’anime pour le bien de mes enfants. Mais aussi l’espoir de faire ravaler un jour à mon époux ses insanités. 

Et d’ailleurs, puisque nous nous sommes déclarés la guerre, pourquoi ne pas commencer par l’obliger lui aussi à coopérer, pardi ?! Je ne vois pas pourquoi il nous imposerait son choix, ainsi que les repas frugaux et les tas d’autres économies drastiques, pour pouvoir, lui, aller en taxi siroter son petit «kahwa» dehors tout en louchant sur l’écran de son portable».

Mariem Bennani

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