Et moi qui me croyais aguerri en Amour… !

Kamal, 40 ans, travaillant pour son compte, est divorcé sans enfants. Il a été victime d’une duperie dans le domaine sentimental. Il explique comment cette duperie a duré si longtemps, alors qu’il se croyait blindé contre ce genre de mésaventure… 

«Je croyais être quelqu’un de futé, mais plus maintenant. Je vous assure que c’est vrai. Parce que sinon, comment ai-je pu mettre autant de temps à comprendre qu’on me menait en bateau? Je rajouterai même qu’on se fichait royalement de moi et tel un imbécile heureux, je n’y voyais que du feu. Elles se déroulent souvent comme ça malheureusement les relations amoureuses sur internet. «Kat kamar ou nta aref zahr klil» qui veut dire que c’est une sorte de jeu de poker dans lequel sortir la bonne carte est presque impossible. Pas la peine d’épiloguer plus, je vous raconte vite comment malheureusement je suis tombé sur les dents. 

Quand j’avais épousé ma première femme et je vous rassure que c’était mon premier mariage, l’unique et peut être le dernier, j’avais été saisi d’un contentement absolument divin. Mon cœur avait fait tilt dès que j’avais vu cette jeune fille. Et elle fut rapide notre invasion dans le monde de ceux qui, par amour, disent adieu au célibat. Nous étions tous les deux fraichement diplômés, avec chacun un job et beaucoup d’ambitions dans la tête. Sauf que ces dernières étaient beaucoup trop individualistes de part et d’autre. Nous étions mariés certes, mais nous ne parlions jamais de projet commun, comme par exemple l’achat d’une maison ou d’une voiture et encore moins d’avoir des enfants. Nous carburions au fifty-fifty pour tout, un tue l’amour sans pareil. D’ailleurs, je n’en ai vraiment pris conscience qu’avec le temps. Dommage que personne n’avait pensé à nous offrir en cadeau de mariage un guide de conseils pour les jeunes qui se marient, nous serions peut être encore ensemble. N’ayez crainte ce n’est qu’une boutade vu que je ne sais même pas s’il en existe.  

Bref, notre relation de couple qui était tout à fait mignonne au début, avait fini par s’étioler et s’amocher à la fin. Faut dire aussi que j’y suis resté planté quand même cinq années. Pourquoi avoir divorcé alors, il y avait de l’amour dans cette histoire? Qu’est ce qui s’est passé? Me demanderez-vous. Mais c’est très simple, nous avons été victimes de notre propre immaturité. Surtout quand elle était constamment titillée par les satanées corvées ménagères que l’on refusait de partager équitablement. Ah! Aussi et surtout les foutues prises de tête, pour du menu fretin, de la jalousie, le stress (dû au boulot, ou dû au comportement minable de quelques collègues) rapporté à la maison et enfin pour l’intrusion des parents dans notre vie conjugale… Je vous jure que c’était des bombes à retardement! 

Mes parents, qui ne voyaient aucun épanouissement espéré de notre couple au bout de trois années, s’étaient mis à me poser des questions sur nos projets. Vu que je m’entêtais à les mettre hors circuit avec des réponses évasives pour qu’ils me fichent la paix, ils devinrent diaboliquement plus curieux qu’il n’était permis d’imaginer. J’étais foutu! Pour eux il était inconcevable d’avoir tant bataillé pour moi et que la crevette de femme que j’avais épousée puisse me mener à la baguette pour un avenir qui sombrerait dans le naufrage. Ils avaient tout faux bien sûr mais bon, je préférais les avoir dans mon camp pour me soutenir le jour J que je voyais déjà arriver en gros plan. 

Aux parents de ma femme, à leur tour, de commencer à nous pomper l’air à tous les deux à chaque invitation à déjeuner dominicale. Leurs interrogatoires à eux, toujours empreints d’un humour détestable sur ma religion m’agaçaient vraiment. J’en prenais pour mon grade d’insinuations jusqu’à avaler de travers sans que je puisse bouger d’un iota. C’était normal pour moi, par politesse, d’éviter d’affronter mes beaux-parents et surtout dans le domaine de la théologie que je ne maitrisais pas. Oui, j’oubliais de préciser que ma première femme était une «gaouria» de confession chrétienne et que moi mes parents sont des enfants d’émigrés, nés dans un pays européen et que nous sommes de religion musulmane mais pas pratiquants.   

La dégringolade totale et absolue de notre couple s’était manifestée le jour de la fête de notre quatrième année de mariage. Une fois seuls, sous l’emprise d’une excessive consommation de breuvages alcoolisés, nous nous étions battus comme des chiens enragés. Nous nous sommes aboyés tout ce que l’on se reprochait et que l’on taisait. Après cet échange de mots infects, il était irrémédiablement inenvisageable de se réconcilier. Même qu’après, nous avions cimenté notre rupture définitive à coup d’infidélités. J’avais commencé le premier et elle l’avait su. Pour se venger, elle en avait fait autant et avait tenu à ce que je sois mis au courant. Résultat, je ne pouvais plus la voir en peinture, elle ne pouvait plus me sentir. Notre histoire s’était terminée ainsi.  Nous nous sommes séparés, mais nous sommes quand même restés amis. 

Sans mentir, je n’avais pas eu l’impression d’être heureux après avoir divorcé. Il m’avait fallu beaucoup de temps pour panser mon cœur meurtri, parce que malgré tout je l’aimais cette femme. Ce fut difficile de me retrouver à vivre seul. Ce qui m’avait beaucoup aidé à oublier mon échec sentimental, c’était de m’attaquer férocement à ma carrière professionnelle et au sport. Pendant quinze ans, je n’ai plus laissé la moindre chance à une quelconque relation amoureuse de me faire divaguer au point qu’elle devienne sérieuse et durable. Quand j’avais le temps, donc pas souvent, j’essayais les sites de rencontres en restant sur mes gardes. A vrai dire, je ne m’habituerai jamais à ces jeux où pullulent des milliers de tarés de toutes les sortes et dont je fais partie à mes heures. Et un soir, voilà que la perle rare, ou du moins l’avais-je pressentie ainsi, me tacle sur un avis donné dans un réseau professionnel qui me plait. Ne vous inquiétez pas, il y aura tentative d’arnaque mais vous devez attendre la fin de mon histoire pour en connaitre les détails.

Avec cette inconnue nos échanges par écrit seront nombreux, on se suivra, on s’attendra, on s’épiera et je tomberai dans le panneau. La fille de mon bled d’origine en question était très instruite, intéressante à tous points de vue, même sa physionomie sur les photos qu’elle finira par m’envoyer m’envoûteront. Je deviens alors accro à cette personne sortie du virtuel. Essayer de ne plus penser à elle se confirmera, au fur et à mesure, impossible. Je décide donc de vouloir lui parler pour avoir une idée du timbre de sa voix et cela m’est permis. Je ne m’imaginais pas, aller jusqu’à oser lui demander de la voir en chair et en os alors qu’elle vivait à l’autre bout de la terre. Pourtant, je l’avais fait. Je saute dans le premier avion, un peu dans le doute de cette rencontre mais le besoin d’en avoir le cœur net primait sur tout le reste. Etait-elle cette personne qui manquait à ma vie ?  Je voulais le croire et puis c’est tout.

Nous avons eu de merveilleux moments ensemble. Et à chaque fois que je la quittais, je n’avais qu’une seule envie, c’était de la revoir et de la tenir dans mes bras. Ce qui m’a conduit à me métamorphoser en globetrotter, devenant un habitué des aéroports et cela me rendait dingue que cette femme ne soit pas à mes côtés. Quand j’ai fini par craquer et la demander en mariage, elle n’avait pas dit non et elle n’avait pas dit oui. Elle avait avancé qu’il lui fallait du temps pour prendre une décision, que ce que je lui proposais était un énorme bouleversement dans son train de vie. J’ai attendu, attendu, tout en faisant des allers retours constants d’un continent à un autre. Et à chaque fois que je revenais à la charge pour un oui, elle m’inventait des histoires. 

Je la comprenais quand elle m’expliquait qu’elle avait du mal à laisser tomber ce pourquoi elle s’était battue pendant des années. Egalement quand elle disait avoir peur de ce qui l’attendait comme nouvel investissement personnel pour un redémarrage dans un environnement qui lui était inconnu. Ce qui ne passait pas, en revanche, c’est quand elle disait avoir le désir de tout plaquer pour moi, tout en réclamant ma patience et ne rajoutant rien d’autre qui colmaterait la douleur justement de mon impatience. Vous pouvez me croire, rien n’évoluera comme je le souhaitais, je resterai en l’état durant neuf mois.

D’abord, elle avait su m’émouvoir avec le topo de sa situation familiale. J’allais savoir qu’elle vivait encore sous le toit de ses parents. Ces derniers à l’aube de la retraite comptaient soi-disant, sur son aide pour intervenir dans des démêlés de justice liés à des problèmes d’héritage. Que sa mère avait des troubles mentaux que son père refusait de la voir. Ensuite, elle avait avoué son immense embarras de devoir abandonner sa fidèle clientèle. De toute les façons, à chaque fois qu’elle terminait de m’expliquer les détails d’une complication, elle rechargeait avec une autre et ça n’en finissait pas. Mon pathétique refus de voir qu’il y avait anguille sous roche, m’avait fait gober moults prétextes pour ne pas rencontrer ses parents afin d’officialiser notre relation. 

A un moment, quand cette personne s’était rendue compte que sa supercherie était en danger d’être découverte, elle avait alors attaqué avec plus costaud. Elle me fit croire que son père avait fait un AVC. Que son état de santé était tellement inquiétant qu’il était désormais impossible de discuter avec lui de notre projet ou de quoi que ce soit d’autre. Moi, secoué par cette triste nouvelle, je crus bon de venir l’aider à surmonter cette épreuve qu’elle disait encore une fois, être seule à gérer. Cette fois, je lui ordonnais de me présenter à sa famille et qu’on en finisse avec les cachoteries. Le choc pour moi avait été de l’entendre me dire de rester chez moi, qu’elle avait besoin de faire un break et qu’elle n’était plus sure de vouloir se marier pour l’instant. 

Mes amis qui en avaient marre de mes jérémiades d’amant repoussé, m’invitèrent à vite lancer une petite enquête sur elle. En fait, ils m’y ont obligé. J’étais peu fier de moi d’en arriver là, mais il le fallait parce comme je vous l’avais déjà dit, j’étais sous la coupe de la passion. Ce qui est dingue c’est qu’il m’avait juste suffi de lancer la recherche sur les réseaux sociaux d’amies de cette personne de discuter un peu avec eux pour la forme et de leur confier que je voulais me marier avec elle… Je vous jure que de surprenantes infos sont tombées comme la pluie, alors que j’étais tranquillement assis dans mon salon. J’ai enfin su que j’avais un indétrônable rival, quant au reste je m’en balançais complètement parce que j’y avais décelé de la pure médisance. 

En reprenant mes esprits, la mort dans l’âme, je l’ai bloquée de partout, je ne voulais plus jamais entendre parler d’elle. Cependant, je continue de m’en vouloir d’avoir apprécié si facilement et si longtemps tout ce foin qu’on me donnait à bouffer»

Mariem Bennani

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