Et je reviens dans mon patelin !

Ines, une célibataire de 35 ans est gérante de société. Par fougue, elle avait quitté son patelin pour aller s’installer dans la capitale économique du Royaume. Refroidie par les désillusions, elle décide de rentrer au bercail. Voici ce qu’elle raconte. 

«Cette femme que j’ai rencontrée par hasard, ce n’est pas de sitôt que je l’oublierai. D’ailleurs, je suis restée longtemps perplexe à méditer sur cet exemple de courage, d’optimisme déterminé, d’acceptation intègre de son sort, d’attachement loyal envers sa mère et de vraie bonté du cœur. Elle va devenir ma muse! A vrai dire, quelques bribes de son histoire ont été suffisantes pour m’avertir que la cata dans ma vie n’était pas nuisible mais salvatrice. Il me fallait accepter ce bouleversement, passer à autre chose, au lieu d’essayer de lui résister par vanité. C’est vrai qu’en étant sous l’emprise du mal de mon âme souillée, je planais dans la totale obscurité bernée par mes propres illusions. Décidément, ce retour dans mon patelin, il était programmé… 

Il y a 6 ans, mon installation fut relativement facile grâce à l’aide pécuniaire de mes parents. Je dois avouer qu’au début et à de nombreuses reprises, je croyais rêver. Enfin, j’avais réussi à échapper à cette lourdeur que je goutais stérile. Ouf, c’est que je n’en pouvais plus de cette condamnation à végéter dans notre village sous cet œil inquisiteur de gens de la parenté, du voisinage, amical, bref de tout le monde. Se sentir tout le temps dans le viseur de personnes incapables de se mêler de leurs affaires qui ne fatiguent jamais avec leurs interrogatoires, y en avait marre! C’est marrant comme les gens qui surveillent ou qui médisent ne s’imaginent jamais que d’autres font pareil derrière leur dos. He bé, me voilà bien à singer ceux que je dénigre. Et, je vais vous dire autre chose. Ce que j’ai fui, j’ai fini par le retrouver ici. Exactement, c’est kif kif partout ailleurs. Il n’y a que le décor et les protagonistes qui changent. 

La curiosité, l’espionnage, la malveillance gratuite ou calculée et la jalousie, cela faisait un bon moment que j’en soupais. Ma première année dans la métropole, qu’est-ce que je la regrette! Cataloguée d’emblée de bouseuse provinciale, mais inconnue de ce petit monde qui a fini par graviter autour de moi, je l’avais croquée à pleines dents ma liberté. Voilà, il y a quelques semaines à peine, j’avais divorcé et au boulot ça se passait mal. On jasait en veux-tu en voilà, comme au tout début de ma relation avec mon ex-époux. Après deux ans de vie commune, je vais découvrir qu’il me trompait depuis toujours avec une collègue, une amie de surcroit. Une sale histoire, un scandale qui explosera! Je n’avais pu me la boucler face à ce genre de monstruosité.  Sauf que l’hypocrisie environnante m’avait désignée du doigt comme étant la coupable. Ces sieurs et ces dames m’en voulaient parce qu’ils auraient préféré me voir dégager, moi, plutôt que leurs deux meilleurs potes. Ne cherchez pas à comprendre un monde qui tourne à l’envers! 

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Entre temps, ma situation va perturber ma mère qui vit seule depuis le décès de mon père. Elle va glisser dans sa chambre. Il lui en coûtera un tibia brisé mais je ne volerai pas à son secours. C’est ça, misère de misère ! Son indigne de fille unique, qui ne l’avait pas vue depuis des lustres, va juste prendre de ses nouvelles par téléphone! D’ailleurs, durant des heures, au lieu de la ménager un petit peu, je rajoutais à son mauvais état en lui débitant mes déboires avec les foutus collègues, les news des deux traitres, les montants de mes dettes et j’en passe et des meilleures. Je vous raconte la stricte vérité. Ce qui m’importait le plus, c’était moi, moi et rien que moi. Une vraie barge! Heureusement, qu’il y avait eu quelques jours de chômés à l’occasion de la fête pour m’obliger à ficher le camp et aller me calmer. La tête complètement saturée de montages de scénarios de vengeance, c’est en pilotage automatique qu’elle avait roulé 300 km ma vielle guimbarde. L’incroyable c’est qu’elle m’avait conduite saine et sauve jusqu’à la porte de la maison familiale. Bien sûr que c’était très grave mais je vous l’avais dit que je n’étais pas bien du tout.

Revoir les miens, changer d’ambiance, respirer la sécurité affective qui émanait de partout et dont j’avais besoin, fut tellement bienfaisant. Vraiment, les miens ont tous été très compréhensifs. Ma mère était là pour veiller à ce que tous soient aux petits soins avec moi. Pourtant dès que nous avions eu l’occasion de rester en tête à tête, toutes les deux nous avions passé les reviews de ma bouillabaisse et nous avions inévitablement beaucoup pleuré. Une fois, puis deux fois, mais la troisième fois fut définitivement la dernière. C’était ainsi que j’ai été libérée de ce qui me torturait le cœur. Plus tard, après ma rencontre avec cette inconnue, je réussirai à stopper le flop dans mon mental. Je vous raconte.   

Avant de reprendre le chemin du retour, je vais dans mon salon de coiffure préféré du quartier pour me faire un brushing. Je peste parce qu’il est fermé, cependant je n’en démords pas, je vais plutôt voir ailleurs. Je pousse la porte du premier qui se trouve sur mon chemin puis m’assois face à une cliente qui se fait une pédicure. Pendant que la coiffeuse s’active à lui poncer les talons, la dame me sourit et m’explique que ses pieds et ses mains avaient pris un sale coup ces derniers temps. A l’autre alors de lui demander si elle continuerait de travailler pour le compte du grand café pâtisserie de la ville. Elle lui répond que non tout en exhibant ses mains parsemées de taches violacées. Elle avoue avoir accepté cette offre bénie pour deux mois afin de permettre à sa mère malade de faire des radios.

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Intriguée par le sort de cette très jolie femme qui n’a pas eu d’autre choix que de bosser en tant que femme de ménage dans un lieu public dans notre village, je m’aventure à lui poser des questions. Je vais alors savoir que cette blonde aux yeux clairs, vêtue d’une djellaba noire en coton sans artifice mais nickel sur sa personne a 45 ans. Elle n’avait jamais été mariée et n’y songeait plus pour ne pas avoir à laisser tomber sa vieille mère malade. Également qu’elle n’avait jamais eu d’emploi fixe, à cause de son peu d’instruction et de ce don du Très Haut, son imperceptible handicap physique de naissance qu’elle va me montrer. Par contre, elle avait manifesté une  reconnaissance de folie vis-à-vis d’une commerçante qui lui permettait depuis 7 ans d’installer à sa porte un petit présentoir pour vendre des foulards et des dessous féminins. Aussi, que cette même personne lui avançait 200 dhs par semaine pour assurer la surveillance et l’entretien de son magasin. Avec cet argent, elle remplissait le frigo de sa mère mais elle rajoutait parfois les petits plus assurés par ses ventes. A aucun moment, cette femme, je ne l’avais entendue se plaindre ou dire en avoir marre de sa vie, ou quelque chose d’autre de semblable. Pas même quand, elle a dit être restée cloitrée à la maison depuis son adolescence à s’occuper de l’entretien de leur maison, de sa mère et à élever les bébés de ses frères, les uns après les autres. Apparemment, ils les lui ramenaient à 6 mois pour les reprendre à deux ou trois ans. 

Que dire de plus sinon que quelques jours plus tard, décontractée et la mine radieuse, sans surjouer, j’avais été présenter ma démission. Pareillement, au plus vite, je quittais cette grande ville. Oui, il fut un temps où il me semblait qu’il se trouvait là, le bonheur mais plus maintenant. J’ai compris que ce n’était qu’un passage pour me forger d’expérience et de résistance pour mon futur dans mon patelin. Déjà avec ma mère, notre projet de business est en cours et je sais déjà qui mettre à l’accueil !».

Mariem Bennani

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