Vive la famille quand elle est comme ça !

Mehdi, 35 ans, cadre informaticien, est un Marocain né à l’étranger et qui y demeure. Une famille et des fiançailles ont été des cadeaux complètement inespérés, raconte ce jeune homme qui souffrait tant…

«Je suis très heureux parce que, tout récemment, on m’a offert une cérémonie de fiançailles dans mon pays d’origine. Pour ma compagne et moi, ce fut un rêve majestueux, comme j’aimais l’imaginer autrefois. Ma fiancée n’en revient toujours pas d’avoir été traitée comme une princesse. Nous avons eu une belle démonstration de la sacralité des liens d’une famille et de comment tous les membres se comportent pour que ces liens demeurent indéfectibles. Je me sens vraiment soulagé. Rien à voir avec le modèle parental qui nous a donné la vie, à ma conjointe et à moi.

C’est terrible à avouer, mais nos pères et mères, ce ne sont que des irresponsables qui n’ont jamais été dignes de leur statut de parents. Finalement, ce n’est pas plus mal qu’ils nous aient dispensés de leur présence aujourd’hui, en cette heureuse occasion. En lieu et place, nous avons eu de beaux exemples devant nous de vrais parents et dignes de l’être. Tandis qu’eux avec nous, ils nous auraient sûrement gâché le décor avec leur égoïsme et leurs éternelles jérémiades et disputes.

Ma fiancée et moi vivons ensemble depuis pas mal de temps. Nous travaillons tous les deux et nous avons commencé par acheter une grande maison pour y voir grandir nos futurs enfants dans la sérénité et l’Amour avec un grand A. Je suis d’origine marocaine, né à l’étranger et j’y ai grandi. Mon rêve a toujours été de fonder une famille comme me le racontaient mes grands-parents maternels, ceux que j’aime. Mes autres grands parents, ceux du côté de mon père, je ne sais pratiquement pas d’où ils viennent… De la racaille que je n’ai pas rencontrée plus de quatre fois et, avec ça, je n’ai jamais été bien accueilli. On ne peut qu’imaginer de quel bois se chauffe cette maudite espèce. Chez eux, ma présence avait été perçue comme suspecte, alors que je n’étais qu’un enfant. Je me souviens très bien aussi, de comment ils m’avaient bien fait comprendre que leur verre d’eau avait un prix. 

De toute façon, c’est mon père que ça arrangeait. Sinon, il aurait imposé ma légitime présence, tout comme ses frangins et frangines l’ont fait pour leurs enfants.  Bref, ni mon père, ni ma mère n’ont été un cadeau pour moi. Pareil pour ma compagne. De nos parents, nous ne sommes pas fiers du tout. Nous en avons vécu des choses quasi identiques, des épisodes dramatiques avec les visites d’assistantes sociales, les cris, les coups, les insultes, les placements, les retours. Il y avait également ce flippant défilé de partenaires; d’ailleurs, beaucoup n’ont pas été délicats à notre égard.

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Très simple, pour nous deux: ce qui nous a sauvés de la délinquance, c’est d’avoir eu des grands-parents maternels formidables. Même si leurs moyens étaient limités, ils nous ont choyés, surtout en tendresse et affection. Nous en manquions atrocement. Si nous avons réussi notre scolarité et que nous sommes aujourd’hui à ce niveau, c’est en partie grâce à eux et pour eux.

Nos parents étaient complètement perdus dans leurs délires obsessionnels. Tous leurs discours tournaient autour de leurs misères sentimentales ou professionnelles. Comment ne pas éprouver du ressentiment vis-à-vis de mon père ou de ma mère, puisque que ni l’un ni l’autre ne se sont jamais véritablement réjouis de ma présence. Ils ne se gênaient pas pour le dire en me balançant que j’avais gâché leur vie et qu’ils n’en pouvaient plus de cette situation. Je n’oublierai jamais les visages épanouis et heureux de mes camarades de classe et autres enfants rencontrés par hasard, si fiers de leur papas ou mamans. Je pleurais si souvent, jurant qu’un jour, je montrerai à mes bourreaux de parents ce que c’est que fonder une famille.

Lorsque j’ai rencontré ma fiancée, au départ, j’étais très hésitant sur le fait de m’engager sérieusement. J’avais besoin d’un peu de temps. Après quelques rencontres, nous sommes devenus inséparables. Nous nous étions mis d’accord pour ne jamais nous marier. Avec le passif de cauchemars vécus, nous ne pouvions nous y risquer. Cela ne nous a pas empêchés d’être soudés et de planifier l’avenir ensemble. Les seules personnes de notre famille que nous continuons de voir et de chérir, ce sont nos grands-parents maternels.

Ces vacances, pour la première fois, nous avions décidé d’aller tous ensemble les passer dans mon bled. Ma conjointe et sa famille ne sont pas marocains. Les deux couples seniors (mes grands-parents maternels et ceux de ma fiancée) ont fait le voyage par avion, nous les avons rejoints par voiture. Nous étions attendus par les tantes et oncles de ma maman. Honnêtement, cela me stressait: je ne les connaissais que peu. Pourtant, l’accueil qu’ils nous ont réservé était complètement inattendu.

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Nous avons été reçus comme jamais je n’aurais pu l’imaginer. Les frères et sœurs de mes grands-parents, chacun à son tour, nous ont invités dans leurs maisons. Nous avons été chez leurs enfants, nous avons adoré leurs petits-enfants. Tous ont été polis, gentils, adorables, avec un sens de l’hospitalité complètement insensé. Mon grand-père maternel me tirait de temps à autre en aparté pour me chuchoter à l’oreille: «Tu vois, mon fils, j’ai grandi comme ça avec les miens et eux aussi avec les leurs et ainsi de suite. Les liens du sang sont sacrés. Ton père et ta mère sont des fous, ils vieillissent et regretteront tout ça bientôt. Qu’Allah leur pardonne». Je préférais ne pas lui répondre que cela m’était complètement égal, maintenant.

Les grands-parents maternels de ma fiancée étaient conquis et le furent encore plus et nous avec eux, lorsque nous avons eu vent de la surprise qui nous était spécialement dédiée. Dans la maison de mon grand-oncle, l’aîné de la famille, nous avons été invités à célébrer nos fiançailles, un cadeau de l’ensemble de ma famille. Ma fiancée a été apprêtée par une «negaffa» et ses filles. Ces femmes l’ont maquillée, coiffée, habillée, parée de bijoux et l’ont accompagnée pour l’installer à mes côtés. Moi aussi, j’ai eu droit à l’habit traditionnel. Nous avons tournoyé dans les airs, portés sur les épaules de danseurs. Les youyous fusaient de partout, en chœur, avec le rythme battant d’un petit groupe de musiciens et de chanteurs folkloriques. Ma fiancée était sublime, heureuse, moi aussi et l’assemblée également. Un magnifique repas a été servi, ensuite des gâteaux et du thé pour tous. Tout le monde a dansé et chanté jusqu’au petit matin. Je n’ai pas surpris un seul visage crispé, anxieux ou stressé.

De ce voyage, nous avons rapporté de la sérénité. Il a pansé quelques-unes de nos plaies restées béantes. Vive la famille, quand elle est comme ça!».

Mariem Bennani

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