Où nous conduit donc notre individualisme ?

Où nous conduit donc notre individualisme ?

Saïd, retraité, âgé de 70 ans, est marié et père de 2 enfants. A observer les gens autour de lui, maintenant qu’il en a le temps, il est arrivé à une conclusion: il faut arrêter d’être individualiste, si l’on veut sauver ce qu’il reste de bon dans la société.

«Depuis que je suis à la retraite, le tête-à-tête avec mon épouse, je le fuis. Les forces démoniaques qu’échauffe la ménopause ne peuvent qu’exaspérer un condamné à l’oisiveté permanente. J’ai donc été obligé de chercher dare-dare à m’éloigner de la maison. Au lieu de prises de tête domestiques avec ma moitié, qui m’est très chère du reste, je me suis investi dans une mission qui consiste à fixer mon attention sur ce qui se passe dehors, pendant que j’effectue mes marches quotidiennes. Franchement, ce «tberguigue» dont je n’étais jamais adepte, j’y ai pris goût. Justement parce qu’il m’amène à me poser de nombreuses questions, tout en m’inquiétant sérieusement de ce que je vois aujourd’hui et ce que j’entrevois pour demain. Je ne suis plus du tout déconnecté de la réalité.

Pour commencer, je parlerai de moi avant la retraite. J’ai longtemps collaboré avec une grosse entreprise de la place. Ce qui se passait ailleurs, par manque de temps ou par habitude, ne captait pas du tout mon attention. Je me confinais dans l’idée que ce n’était pas important. Ainsi, pendant près d’un demi-siècle, je me suis investi corps et âme dans mon job et ma famille. Eux seuls avaient de la valeur. Mes journées de travail, je les passais toutes dans mon bureau, soit en réunion, soit à traiter mes dossiers, tel un vrai rat de bureau.

Evidemment, je ne pouvais me considérer comme tel à cette époque. C’est marrant de réaliser, avec du recul et surtout avec ma situation actuelle, combien je me la jouais important. Clairement, cette petite auréole de supériorité que me pourvoyait mon job n’était vraiment pas pour me déplaire. Même si, au demeurant, elle restait figée, n’apparaissant qu’aux yeux de mes collègues et famille. Ma loyauté professionnelle ne m’a guère prévalu d’honneurs publics. Mais qu’importe, je n’ai jamais songé à faire briller mon étoile au-delà des murs de mon bureau. 

Ce qui néanmoins était certain, c’est que, du boulot, j’en avais et l’employé que j’étais l’exécutait en toute âme et conscience. Je ne regrette pas de ne pas avoir de château, ni de l’or en barre, caché sous je ne sais quelle façade. Très peu pour moi la magouille qui m’empêcherait de dormir paisiblement chaque nuit. Je ne possède qu’un appartement dans la capitale économique, que j’ai payé à crédit et ma retraite, pour continuer de vivre «juste-juste» avec mon épouse. Ce qui fait tourner mon cerveau actuellement, c’est que je réalise non sans amertume mon manque de citoyenneté.

Pour ce qui relevait de mes responsabilités de chef de famille, pareil. Je m’étais engagé à bien éduquer mes enfants, en leur inculquant le sens du devoir et des valeurs morales. Malheureusement, j’ai échoué en ne leur rendant pas service dans ce sens. Ils passent pour des naïfs, n’arrivant pas à faire face aux attaques très vicieuses de leur entourage, qu’il soit amical ou professionnel. Je n’ai pas pu les coacher pour affronter la réalité du monde actuel, tel que je le vois désormais. De toute façon, était-ce seulement possible? Il m’en coûte seulement de les voir souffrir.

Moi-même, j’étais confiné dans une espèce de bulle, refusant catégoriquement de me frotter à ce qui aurait pu déranger mon train-train quotidien. De ce qui se tramait ailleurs que dans mon petit cercle, je m’en fichais royalement. Je reconnais un peu tard, certes, ma regrettable indifférence tintée d’individualisme. D’ailleurs, je ne suis pas le seul à m’être comporté de la sorte. Une question se pose inévitablement: comment faire pour y remédier?

Parce que le laisser-couler-égoïste est devenu un sport national que nous pratiquons tous, toutes couches sociales confondues. Et paradoxalement, nous tous, ces derniers temps, nous déblatérons en continu sur le manque de notions de civisme, sur le travail bâclé, sur la dégradation d’un bon nombre de valeurs traditionnelles, sur la délinquance des jeunes, sur la recrudescence de la violence dans la rue, etc. Pourtant, si nous étions fraîchement débarqués d’une autre planète, ça se saurait! Nous sommes dans l’urgence de changer d’attitude en accordant une sérieuse importance à tout cela. Les fondations de notre mentalité ont une structure rigide et archaïque qui ne sert qu’à embrouiller, voire zapper les décisions modernes et efficaces. Notre génération future n’a pas à trinquer. Il faut bouger! Disons ensemble «Stop» au nuisible individualisme et travaillons pour le mieux vivre ensemble!

Maintenant que j’ai le temps de marcher, je constate amèrement l’ampleur des dégâts. Cela se reflète même sur les visages qui défilent sur mon chemin. Les gens paraissent tristes, déprimés, stressés, méfiants; certains paraissent pas loin du burn out. Ceux à l’allure gaie, bienveillante, optimiste, il n’y en a plus!».

Mariem Bennani

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