Saïd Tahiri, acteur associatif

«Le malaise est profond à Jerada»

Saïd Tahiri, acteur associatif

La colère monte à Jerada depuis la mort de deux jeunes dans une mine de charbon désaffectée. Des manifestations contre le chômage et la marginalisation y sont organisées quotidiennement. Saïd Tahiri, acteur associatif, explique les vraies raisons de ce mouvement de protestation.

Comment expliquez-vous la colère des habitants de Jerada qui manifestent depuis plusieurs jours contre la marginalisation de leur province?

L’extraction du charbon représentait la source principale de revenus, pour les habitants de Jerada. Elle créait des emplois indirects et participait à une certaine dynamique socio-économique aux niveaux local et de la région. Certes, un plan de sauvetage social a été mis en place au lendemain de la fermeture des mines de charbon à Jerada. Cependant, ce plan n’a pas eu l’effet escompté, laissant la place à la précarité qui s’est installée petit à petit parmi des habitants. En l’absence de débouchés, des centaines de jeunes ont été contraints d’extraire du charbon clandestinement, avec la complicité des autorités locales, au profit d’intermédiaires véreux. Le malaise est profond à Jerada qui enregistre le taux de chômage le plus élevé au Maroc.

A Jerada, des centaines de mineurs risquent leur vie pour extraire clandestinement du charbon, alors que l’Etat affirme avoir fermé l’une des plus importantes mines de charbon dans la province, en 1998. A quoi est due cette contradiction?

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C’est le résultat d’un manque flagrant de coordination entre les intervenants au niveau local et ceux au niveau central, ainsi que d’un amateurisme dans le processus de prise de décision. Cela fait que les responsables n’agissent qu’à la dernière minute et jouent les pompiers de service, plutôt que d’accomplir leur rôle en tant que stratèges et gestionnaires de la chose publique. Aucun effort pour le désenclavement de Jerada n’a été fait. Il est donc tout à fait logique que des formes d’économie parallèle fleurissent dans cette province.  

Le ministre de l’Energie, des Mines et du Développement durable, Aziz Rebbah, a promis de mettre en place un nouveau modèle de développement propre à Jerada. Est-ce suffisant pour calmer la colère de la population locale?

Les acteurs publics doivent jouer leur rôle. Il est temps d’élaborer et de mettre en application des stratégies concrètes de développement durable et de présenter des solutions de développement inclusif qui commenceraient par le désenclavement de la région et la mise en place d’une véritable dynamique économique, sociale et culturelle. Les solutions d’urgence calmeront la grogne pour un certain temps. Personnellement, je n’ai pas encore vu dans les propos du ministre et encore moins chez le gouvernement la moindre ébauche d’un projet de développement, si ce n’est des solutions provisoires et de colmatage, comme la baisse du tarif de l’eau et de l’électricité dans la province et quelques petites mesures relatives à l’emploi des jeunes. Jerada, à l’instar d’autres régions du Royaume, souffre d’enclavement et d’absence de débouchés pour les jeunes. Jerada, avec ses 45.000 habitants, doit concevoir son propre modèle de développement inclusif.

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Après Al Hoceima en octobre 2016, c’est autour de Jerada de s’insurger contre la pauvreté et la marginalisation. Doit-on s’attendre à des manifestations dans d’autres villes du Maroc?  

Effectivement, hier, c’était Al Hoceima, aujourd’hui, c’est Jerada. Car il y a un véritable malaise né d’une frustration grandissante, au sein d’une jeunesse qui a entendu parler d’un modèle de développement économique et social qu’elle ne voit pas se concrétiser. Le Maroc a besoin d’une politique nouvelle, mais aussi d’une répartition équitable des richesses nationales et d’une volonté réelle de la part des responsables, pour combattre les disparités entre les villes et les autres régions du Royaume.

Propos recueillis par Mohcine Lourhzal

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