Rachid Lazrak, professeur de droit à l’Université Ibn Tofail

Peut-on parler d’un engouement des Marocains pour la chirurgie esthétique? Quels recours pour les victimes en cas d’opération ratée ou de décès? Quels enseignements tirer de l’affaire du Dr. Tazi? Quid du cadre légal qui encadre la collecte de dons au Maroc? Le Reporter répond à ces questions avec Rachid Lazrak, professeur de droit à l’Université Ibn Tofail de Kenitra. Entretien.

«Personne ne peut se soustraire à la loi, quel que soit son statut social»

Incarcéré à la prison d’Oukacha, le chirurgien plasticien, Hassan Tazi, est soupçonné d’avoir utilisé des photos de certains de ses patients nécessiteux pour soutirer de l’argent à des bienfaiteurs. Comment est encadrée la collecte de dons au Maroc, d’un point de vue légal?

L’affaire du Dr. Tazi a remis au goût du jour le débat autour de la collecte et de la distribution des dons. Le Maroc dispose d’un cadre juridique qui régit cette opération. Il s’agit de la loi 004.71 du 12 octobre 1971 relative aux appels à la générosité publique. Le texte stipule dans son article 1, qu’il ne peut être organisé, effectué ni annoncé d’appel à la générosité, par quelques personnes ou sous quelque forme que ce soit, sans autorisation du gouvernement, en la personne du Secrétaire général de l’Exécutif. Force est de constater que ladite loi est aujourd’hui obsolète du fait de l’apparition de nouveaux moyens utilisés de bonne ou de mauvaise foi, pour collecter des fonds en nature ou en espèces. D’ailleurs, la loi 004.71 n’autorise la collecte de fonds qu’à travers des associations légalement constituées et reconnues d’utilité publique, ce qui n’est à ma connaissance, pas le cas du Dr. Tazi. Afin de mieux organiser les campagnes de distribution des aides à des fins caritatives, le gouvernement a approuvé en novembre 2018, le projet de loi 18.18. Parmi ses dispositions, figure l’interdiction de la collecte des dons quand elle vise à exploiter une ou plusieurs personnes se trouvant dans une situation précaire ou de détresse.

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L’affaire du Dr. Tazi a alerté sur l’engouement des Marocains pour la chirurgie esthétique qui donne parfois lieu à de véritables drames. Où se limite la responsabilité du médecin en cas d’opération chirurgicale ratée?

Un patient est considéré comme consommateur, ce qui implique son droit à des prestations de qualité. C’est au médecin qu’incombe la charge de prouver qu’il n’est pas fautif, en cas de complications inattendues ou en cas de décès du patient.

Quels sont les recours possibles en cas de décès d’un patient lors d’une opération chirurgicale à visée esthétique?

Il est possible d’engager la responsabilité civile et/ou pénale d’un médecin chirurgien quelle que soit sa spécialité. La responsabilité délictuelle d’un chirurgien plasticien, peut résulter soit d’une faute directe, soit d’une imprudence, conformément aux dispositions de l’article 78 du Dahir des Obligations et des Contrats. Normalement, toutes les informations sur le patient doivent figurer dans son dossier médical. Lequel dossier, doit impérativement contenir les antécédents médicaux, les médicaments prescrits, les résultats d’examens pré et post-opératoires, les comptes-rendus d’hospitalisation et de consultation entre autres informations. Le dossier médical est l’exclusive propriété du patient et devrait lui être remis avec un compte-rendu opératoire détaillé. Toute omission de la tenue de ce dossier est considérée comme une preuve de la négligence du praticien. Il s’agit là, d’un outil qui peut l’inculper ou l’innocenter. En pratique, le patient ou ses ayants droit, peuvent choisir la voie pénale ou civile en cas de litige avec le chirurgien plasticien. De nos jours, on remarque que de plus en plus de Marocains vont jusqu’au bout pour défendre leurs droits. Personne ne peut se soustraire à la loi quelque soit son statut social.

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Propos recueillis par Mohcine Lourhzal

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