Au Maroc, est-il nécessaire de le préciser ?- la Présidentielle française a été suivie avec le plus grand intérêt. Comment a été suivie cette Présidentielle, depuis les primaires jusqu’au 2ème tour qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir ? Comment est perçu le nouveau Président français dans les sphères politico-médiatiques et au-delà…? Quelle réaction officielle ? Et quelles perspectives de coopération ?
Soyons francs, au Maroc comme ailleurs, lorsque la primaire des «Républicains» a ouvert le bal de la Présidentielle, personne n’imaginait un seul instant qu’Emmanuel Macron pouvait avoir une chance de l’emporter. Le jeune ex-ministre des Finances venait de créer son Mouvement «En Marche ! ». Il n’avait pas de base populaire (nombre insignifiant d’adhérents), pas de soutiens déclarés, pas de programme, pas d’expérience électorale… Le scénario alors était simple. Pour tous les observateurs, il y avait l’inexorable montée de la lame de fond de l’extrême droite qu’incarne le «Front National» de Marine Le Pen. Face à cela, il y avait un PS (parti Socialiste) essoufflé par ses tumultueuses 5 années du mandat finissant. Et il y avait la droite qui revenait en force et qui était assurée de la victoire, la tradition, en France, voulant que chaque fois que le Front National se rapproche du pouvoir, le «Front républicain» (alliance de tous contre l’extrême droite) lui barre la route. C’est ce qui s’était passé avec jacques Chirac en 2002, lorsque Jean Marie Le Pen s’était retrouvé au second tour de la Présidentielle…
Au Maroc, dans les milieux politico-médiatiques, la question était de savoir qui, à droite, l’emportera ? Nicolas Sarkozy, grand ami du Maroc ? Ou Alain Juppé, également ami du Maroc, quoique plus réservé que Nicolas Sarkozy ? A ce stade, François Fillon n’était crédité d’aucune chance…
La primaire de la droite a eu son 1er lot de surprises. Nicolas Sarkozy a été durement battu et Alain Juppé, grand favori des sondages, a été éliminé par celui que personne n’attendait de voir en tête: François Fillon.
Ce n’était cependant pas une mauvaise nouvelle pour le Maroc officiel, François Fillon y comptant aussi de nombreux amis.
Et puis, une double angoisse…
L’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy était donc quasiment sûr d’occuper l’Elysée pour les 5 prochaines années.
Notamment, lorsque la Gauche, déchirée entre Socialistes, Mélenchonnistes et Ecologistes, s’est présentée en rangs dispersés. Et, surtout, lorsque la Primaire du PS a donné pour gagnant un Benoît Hamon trop peu charismatique pour pouvoir rassembler les courants de Gauche.
De son côté, Emmanuel Macron avait annoncé sa candidature. Mais si, comme Mélenchon, il refusait de participer à la primaire des Socialistes, aux yeux de l’opinion publique, il n’avait pas la moindre chance de devancer le leader de la France insoumise…
La Droite jubilait…
Lorsque, patatras, les «affaires» de François Fillon ont déferlé sur la place publique, changeant la donne du tout au tout !
C’est alors que l’irrésistible ascension d’Emmanuel Macron a commencé. Mais au Maroc, comme en France-même, rares encore étaient ceux qui envisageaient une possible victoire du jeune chef d’un Mouvement qui n’existait même pas il y a un an.
Par contre, le plus grand des doutes s’installait. Face aux déboires des deux partis traditionnels (PS et Les Républicains), Emmanuel Macron et son tout nouveau Mouvement «En Marche !» ne semblaient pas faire le poids devant Marine Le Pen et son très contesté mais bien enraciné «Front National».
La cote de Macron grimpait, mais pas aussi spectaculairement que celle de Jean Luc Mélenchon. Le curseur oscillait entre les quatre favoris du 1er tour -Marine Le Pen, François Fillon, Jean Luc Mélenchon et Emmanuel Macron- s’arrêtant tour à tour sur deux d’entre eux, jamais les mêmes… Jusqu’à la dernière ligne droite où Marine Le Pen et Emmanuel Macron ont définitivement dominé la course.
Au Maroc, les milieux politico-médiatiques se sont retrouvés face à une situation inédite. Quel que soit le gagnant de ce duel final, ce ne serait pas un habitué du Maroc.
Une double angoisse était même ressentie.
Avec Marine Le Pen, le Maroc aurait comme partenaire une France qui serait contre la délocalisation, alors que les deux pays ont mis en place de grands projets en la matière (l’usine Renault à Tanger, le projet Peugeot à Kénitra, etc). Il aurait aussi à traiter avec une France qui comptait quitter l’Union européenne et changer totalement de politique en ce qui concerne les échanges commerciaux et la circulation aux frontières.
Et avec Emmanuel Macron, ce serait le grand saut dans l’inconnu, vu que même les Français affirment ne pas savoir à quoi s’attendre avec l’homme qui dit n’être ni de gauche, ni de droite…
Plus que cela, pour le Maroc, Emmanuel Macron-candidat a donné des signes qui ont soulevé quelques interrogations.
Macron a-t-il déjà choisi l’Algérie ?
La 1ère rumeur qui a circulé, lorsque Emmanuel Macron a annoncé sa candidature à la présidence, c’est que l’un de ses plus proches conseillers était pro-algérien et poussait le candidat à développer des relations privilégiées avec le pouvoir algérien, plutôt qu’avec les responsables marocains comme les dirigeants français en avaient jusqu’à présent.
Le déplacement du candidat Macron en Algérie -où il a fait sa déclaration sur la colonisation qualifiée de crime de guerre- est venue corroborer la rumeur.
Et pour compléter le tableau, Emmanuel Macron, qui s’est rendu en Algérie et en Tunisie, a annulé un voyage initialement prévu au Maroc en mars dernier.
Certains de ses amis, ainsi que les représentants de son Mouvement au Maroc, ont tenté de rassurer l’opinion publique marocaine, assurant que leur leader avait l’intention, dès qu’il serait élu Président, d’effectuer un voyage officiel en bonne et due forme au Maroc.
Quoiqu’il en soit, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, la majorité des Marocains binationaux ont choisi le candidat d’«En Marche ! ». Les Français expatriés au Maroc –c’est la plus forte communauté française à l’étranger- ont également massivement voté Macron (92,22% des voix). Idem pour les Marocains résidents en France. Quant aux Marocains en général, s’ils se posent beaucoup de questions au sujet des intentions du nouveau Président français, ils n’en ont pas moins, dans leur grande majorité, une préférence pour lui, ne serait-ce qu’au vu de son programme, de loin plus rassurant que celui de Marine Le Pen, pour ce qui est des questions qui intéressent le Maroc.
Sahara et atouts du Maroc
Les milieux politico-médiatiques marocains, eux, attendent Emmanuel Macron sur la question de l’intégrité territoriale du Maroc, autrement dit sur la question du Sahara. Tous leurs commentaires convergent vers la même conclusion. A savoir que la France qui soutient devant les instances de l’ONU la solution que propose le Maroc pour mettre fin à ce conflit anachronique, continuera de le faire. Non pas pour faire plaisir au Maroc. Mais d’abord, parce que, quels que soient ses dirigeants, la France est le pays par excellence qui sait (voire qui a les preuves) que le Sahara a toujours été marocain ; et que, durant la colonisation espagnole, ce territoire a toujours été revendiqué par le Maroc… Ensuite, parce que la France, qui a suivi ce dossier depuis le début, est consciente que dans ce conflit, le Maroc a moins de problèmes avec ses séparatistes qu’avec l’Algérie qui abrite, entretient et anime ce séparatisme depuis plus de 40 ans… Et puis, parce que la France est membre permanent du Conseil de Sécurité lequel, dans toutes ses résolutions depuis 2007, qualifie la proposition du Maroc de «crédible et sérieuse, pouvant servir de base à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable».
Enfin, la France qui est le 1er partenaire commercial du Maroc (une place que lui dispute l’Espagne) ; et qui a développé ces dernières années un partenariat multiforme de la plus haute importance, aux niveaux de la Sécurité, de la lutte contre le terrorisme, de l’immigration clandestine, du développement durable (COP21, COP22), etc, ne peut pas jeter aux orties un tel partenariat.
Quant au Maroc, lui, il est clair qu’il n’a aucune intention de renoncer à quoi que ce soit qui le lie à la France.
En témoigne l’immédiateté du message de félicitation adressé par le Roi Mohammed VI à Emmanuel Macron, dès l’annonce de sa victoire (moins d’une demi-heure après l’annonce). En témoigne aussi l’entretien téléphonique du mardi 9 mai (moins de 48 heures après la victoire du nouveau Président français) dans lequel le Roi du Maroc a dit, de vive voix, à Emmanuel Macron, tout le bien qu’il lui souhaitait pour les 5 années de présidence qui l’attendent, ainsi que tous les vœux de développement et d’approfondissement du partenariat franco-marocain (voir encadré).
Reste à espérer que, malgré les fissures constatées dans le «Front républicain», lors du 2ème tour de cette Présidentielle sans précédent, les électeurs français fassent les choix qu’il faut, afin que la France puisse être gouvernée dans la stabilité.
Ce qui ne sera pas le cas si les législatives de juin prochain imposaient à Emmanuel Macron une majorité faite de Le Penistes et de Mélenchonnistes…
Bahia Amrani
SM Mohammed VI félicite Emmanuel Macron SM le Roi Mohammed VI a adressé, dimanche 7 mai, un message de félicitations et de vœux à Emmanuel Macron, dès l’annonce de son élection président de la république française. Dans ce message, le Souverain a exprimé, en son nom propre et au nom du peuple marocain, ses félicitations les plus chaleureuses au nouveau président français et ses vœux sincères de réussite dans la haute mission que les Français lui ont confiée. «Votre élection couronne Votre parcours politique. C’est aussi un hommage rendu à Vos hautes qualités humaines et intellectuelles par le peuple français qui, fidèle aux nobles valeurs qui fondent l’identité de Votre pays, a fait le choix du progrès, de l’ouverture et de la confiance en l’avenir», a souligné SM le Roi dans Son message. Le Souverain a tenu à rappeler que les peuples marocain et français, qui sont liés par une amitié séculaire, fondée sur l’estime mutuelle et une communauté de valeurs humaines, ont su, au fil des années, construire un partenariat fort et multiforme qui s’illustre par sa pérennité et sa stabilité. «C’est un choix stratégique, voulu et assumé, que les deux pays ont pu constamment renouveler et consolider face aux multiples défis politiques, humains et socio-économiques qu’ils ont eu à relever des décennies durant», a soutenu SM le Roi. SM le Roi s’est dit persuadé que le partenariat entre le Maroc et la France, sous la présidence du Président. Macron, «s’inscrira dans cette dynamique et gagnera en profondeur et en intensité». Le Souverain a fait part de sa détermination à œuvrer, de concert avec le président français, pour aller de l’avant dans la mise en valeur des potentialités qui s’offrent à la coopération économique entre les deux pays, pour conforter la convergence de leurs points de vue sur différentes questions régionales et internationales d’intérêt commun et pour renforcer leur action en faveur de la cause climatique et d’un développement humain et durable profitable à tous. «Le partenariat franco-marocain s’inscrira comme toujours dans la poursuite des mêmes idéaux: la paix, la sécurité, l’ouverture à l’Autre et le dialogue entre les cultures et civilisations», a assuré le Souverain qui s’est félicité de l’alliance entre les deux pays dans la lutte contre le terrorisme et l’obscurantisme. SM le Roi a tenu aussi à assurer de sa volonté de travailler avec le président Macron pour «consolider cette coopération exemplaire afin que nous relevions les multiples défis qui interpellent notre espace euro-méditerranéen et la région sahélo-saharienne».
Entretien téléphonique entre SM Mohammed VI et Emmanuel Macron SM le Roi Mohammed VI a eu, mardi 9 mai, un entretien téléphonique avec le Président élu de la République Française, Emmanuel Macron, indique un communiqué du Cabinet Royal, dont voici le texte intégral: «Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a eu, ce jour, un entretien téléphonique avec M. Emmanuel Macron, président élu de la République Française. Au cours de cet entretien, le Souverain a réitéré ses vives félicitations à M. Macron pour son accès à la magistrature suprême, qui a été marqué par un large soutien à sa vision pour l’avenir de la République Française et le bien-être de l’ensemble de ses concitoyens. L’entretien a été l’occasion pour relever le caractère singulier des relations qui lient les deux pays dans l’ensemble des domaines, ainsi que la volonté partagée de consolider et d’enrichir ce partenariat d’exception».