Pain La profession va augmenter les prix

majoration du prix du pain

La majoration du prix du pain, inévitable quoi qu’il en soit, est estimée entre 20 et 30 centimes. Lhoucine Azaz, président de la FNBPM, assure que sa concrétisation sera effective dès que la nouvelle équipe gouvernementale prendra place. Détails.

Après la hausse des prix du lait et des produits pétroliers, c’est au tour du pain de subir le même sort. Et puisque un malheur ne vient jamais seul, la majoration prévisible, inévitable quoi qu’il en soit, est estimée entre 20 et 30 centimes pour le pain, suivant la techniques et la qualité des matières utilisées dans le processus de fabrication de ce produit de grande consommation.
A l’origine de ces informations, Lhoucine Azaz, président de la Fédération nationale de la boulangerie et pâtisserie du Maroc (FNBPM). «Lors de notre dernière réunion du 11 septembre avec le chef de gouvernement, on a convenu de concrétiser sur le terrain la revalorisation dès que la nouvelle équipe gouvernementale serait aux commandes. Le nouveau prix fixe du pain basique n’est pas encore arrêté officiellement, mais on s’est mis d’accord sur une fourchette allant de 1,42 à 1,67 dirham au lieu de 1,20 aujourd’hui», annonce-t-il. La promesse de Benkirane, ajoute-t-il, vaut une signature.
Confiant, Azaz rejette tout scénario contraire, similaire à ceux vécus sous le mandat de Driss Jettou, ancien Premier ministre. Pour la petite histoire, il nous rappelle que la profession avait convenu avec Jettou de réévaluer le prix du pain standard à hauteur de 10 centimes par an, successivement en 2004, 2005 et 2006. Dans la réalité, il n’en était rien, atteste Azaz, soulignant que cette fois-ci sera la bonne et que rien ne peut empêcher Benkirane de manquer à ses engagements.

Le coup fourré

«En tout cas, que le patron de l’exécutif tienne ses promesses ou non, nous sommes déterminés cette fois à réagir, quoique unilatéralement», assure-t-il. Le verbe haut, il confirme que la décision de majoration est inévitable, voire irrévocable. «Et si jamais on nous forçait à rebrousser chemin, d’ailleurs option peu probable, on serait dans l’obligation de brandir notre dernière carte: cesser de travailler», menace-t-il. Il pense que le gouvernement n’aurait rien à gagner de cet éventuel «coup fourré». Mais qu’est-ce qui presse la profession à réviser les prix en ces temps sensibles?
Azaz explique qu’avec un prix de 1,20 dirham, les boulangers-pâtissiers vendent à perte, d’autant plus que la loi exige un poids de 200 grammes l’unité. «Je vous assure qu’il est impossible de respecter ces termes juridiques», assure-t-il. Il avance que le coût de revient d’un pain pesant 200 grammes dépasse le prix de vente actuel sur le marché. Cela est d’autant plus vrai que le pain contient bien des composants ayant subi au moins deux à trois révisions à la hausse durant les dernières années. Sans compter les autres charges courantes comme la main-d’œuvre, le transport… Plus encore, l’essentiel du chiffre d’affaires de l’activité (au moins 70%) est drainé par les ventes du pain, étaye-t-il. Quoique cette denrée alimentaire n’est qu’un produit d’appel, pour reprendre les termes d’Azaz.
A noter qu’en politique commerciale, un produit d’appel est celui qu’on vend à très faible marge, voire à perte, mais dans l’objectif d’attirer plus de clients via l’appel à d’autres produits à plus forte marge à l’exemple des viennoiseries, des pâtisseries ou encore des gâteaux. Le professionnel fait remarquer que les consommateurs, essentiellement de la classe moyenne, s’orientent davantage vers les autres variétés de pain non subventionnées, comme le pain complet ou celui à base d’autres céréales (maïs, orge…). Cela voudrait-il dire pour autant que la pression sur le pain courant marocain se serait atténuée un peu? Non, tranche Azaz qui souligne que le gros lot est consommé par les classes sociales inférieures et les déshérités. Chaque personne relevant de ces catégories sociales consomme au moins 3 pains par jour, soit plus de 180 kg par an, d’après la profession. Qui dit mieux?
Selon une étude du cabinet international Euromonitor, les Marocains consomment chacun de nos jours une moyenne de 322 kg de céréales dites principales (blé, orge et maïs) par an, contre une moyenne mondiale de 104 kg/an, soit une consommation totale de plus de 10 millions de tonnes. Avec ce niveau, le Maroc est classé premier consommateur d’orge à l’échelle mondiale. Tout cela pour démontrer à quel point cet aliment à sensibilité politique est décisif dans la paix sociale. Raison pour laquelle, les professionnels, aux dires de leur patron, suivent attentivement la voie du débat et de la concertation.

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Pour la réalité des prix!

Lhoucine Azaz invite le gouvernement à agir en accélérant la mise en place du contrat-programme qui traîne depuis un bon bout de temps, étant donné que les boulangers-pâtissiers sont le maillon faible de la chaîne. Il met en avant le fait que «tous les niveaux de la filière de blé tendre sont subventionnés (production, stockage, transformation, distribution), sauf nous», déplore-t-il. Et de réclamer qu’ils ne profitent en aucun cas du Fonds de soutien des prix des produits alimentaires, estimé à 1 milliard de dirhams. Allant encore plus loin, il met à nu le soutien de l’État qui demeure entaché d’anomalies au niveau de la fabrication et de la distribution de la farine aux bénéficiaires, pour s’interroger enfin sur la partie ou les parties qui profitent réellement de la subvention. Le département de Boulif reconnaît lui-même l’inefficience du système de compensation existant. D’où l’appel de la profession à appliquer la vérité des prix à travers la libéralisation de la filière du blé tendre. Pour rappel, la libéralisation des céréales, en général, a été instaurée depuis l’adhésion du Maroc aux accords de l’Organisation mondiale du commerce. Plus encore, cette libéralisation des prix céréaliers, comme le stipule la loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence, s’inscrit dans le cadre de la stimulation des principes de l’économie de marché. À ce titre, une question de taille s’impose: comment trouver la bonne combinaison entre la vérité des prix et le pouvoir d’achat? Surtout que l’application de cette vérité des prix aura des impacts de redistribution non négligeables frappant essentiellement les plus modestes. Les yeux des éventuels perdants se tourneront alors vers l’équité des dispositifs d’accompagnement et des mesures de transfert. Un défi grandiose pour le gouvernement Benkirane, surtout que la correction prévisible des prix des produits subventionnés ne manquerait pas de peser sur le budget des populations nécessiteuses dont le duo pain-thé est présent presque à tous les repas quotidiens. Curieusement, les Marocains ne sont pas conscients de l’importance de ce pain béni. En atteste Azaz qui alerte que le gaspillage alimentaire bat son plein au Maroc. «Nous sommes le seul pays au monde qui sert le pain comme aliment aux animaux. C’est anormal», se désole-t-il.

Le consumérisme aux abonnés absents

Encore en herbe, le tissu associatif, censé défendre les intérêts et les attentes des consommateurs, est encore loin de se tailler une place au sein du champ socio-économique national. Wadi Madih, Secrétaire général de la Fédération des associations de protection des consommateurs, le reconnaît en toute transparence. «Les associations de protection du consommateur sont encore dans l’incapacité de trouver un terrain d’entente à même de les unifier. En témoigne la dernière décision de majoration des prix pétroliers», fulmine-t-il. A son avis, une mesure aussi importante, qui passe comme une lettre à la poste et sans la moindre réaction, prouve que le mouvement consumériste est aux abonnés absents. Le ton ferme, le SG estime que le peuple marocain a le gouvernement qu’il mérite. «Nous ne sommes pas unis, nous ne défendons pas nos droits les plus basiques. Nous méritons donc ce que nous subissons. Tous les lobbies défendent leurs intérêts, sauf les consommateurs», s’emporte-t-il. Au-delà des considérations idéologiques, il faut dire que le consommateur n’a aucun pouvoir pour défendre, voire au moins exprimer ses convictions frappées au sceau du désenchantement.
Madih pense qu’il est grand temps que les composantes de la société civile se serrent les coudes pour assurer les blocages nécessaires à l’instauration des instruments publics correctifs, au risque de distordre les équilibres sociaux. «Ce qui se passe est grave. La gratuité des services publics cède place à la réalité des prix», regrette-t-il.

Quand la CGEM critique le gouvernement

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Ce qu’ils en disent…

La mesure «inappropriée» n’est pas sans s’attirer les foudres des syndicats qui se préparent à une année (2014) très chaude sur fond de tensions sociales exacerbées. Mohamed Hakech, membre du Bureau national de l’UMT, est on ne peut plus clair: «C’est très grave ce qui se passe actuellement: des hausses en série, sans concertation, ni consultation des autres éléments de la société civile», avise-t-il. Assurant être réformiste plutôt que révolutionnaire, il avance que le gouvernement Benkirane n’a jamais discuté un papier clair sur la question. Son mot d’ordre: vouloir réformer revient toujours à punir les pauvres. «Au lieu de lutter contre l’économie de rente et de taxer les riches, le gouvernement semble avoir les coudées franches au niveau des classes moyenne et populaire», désapprouve-t-il.
Hostiles à de telles mesures anti-sociales, les centrales syndicales gardent un œil vigilant sur l’intensité des attaques qui menacent sérieusement l’équilibre social déjà fragilisé, ajoute-t-il. Et le Secrétaire général de la Fédération nationale du secteur agricole de s’interroger sur l’essence et la portée de la réforme de la Caisse de compensation en vue. «De quelle réforme parle-t-on, alors que l’économie nationale dans son ensemble a besoin de réformes structurelles?», s’interroge-t-il. La structure de l’économie «à prédominance informelle» informe sur les difficultés auxquelles devrait faire face l’Etat en veillant à jouer son rôle de contrôleur et de régulateur. Un rôle très délicat dans le contexte «d’une économie non structurée, peu ou prou maîtrisée et échappant à la mainmise de l’Etat». Aujourd’hui, les artisans-boulangers représentent plus de 65% du marché. Mais ce qui irrite le plus l’acteur syndicaliste, c’est que les mesures d’accompagnement promises à titre de soutien aux plus modestes sont en déphasage avec la libéralisation des prix.

Le gouvernement refile son déficit…

Voilà ce qui compliquerait la donne et mettrait à mal le pouvoir d’achat des ménages. Touhami Abdelkhalek, enseignant à l’Institut national de statistique et d’économie appliquée (INSEA), nous explique qu’avec la hausse prévisible, c’est la part budgétaire alimentaire qui sera impactée à la baisse. Autrement dit le panier de la ménagère deviendra plus cher. En conséquence, les dépenses alimentaires vont augmenter aux dépens d’autres. L’économiste estime que, face à une telle situation, soit les ménages abandonnent la consommation d’autres biens et services (santé, transport…), soit, pour conserver le même niveau de vie, ils recourent à l’endettement. A son avis, se serait hasardeux de tenter de chiffrer ou quantifier les conséquences. Mais ce qui est sûr, c’est que l’inflation devrait s’accentuer pour avoisiner les 3 à 4%. Et les symptômes de cette spirale ne se manifesteraient que vers l’été.
Qu’en est-il des équilibres macro-économiques? Touhami répond que l’aggravation des tensions inflationnistes n’aurait aucun impact sur ces équilibres. «Puisque le gouvernement ne fait que refiler son déficit au consommateur», conclut-il.

 

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