Oui, je suis la Ninja-psychose Covid-19 !

Soumaya, 50 ans, assistante de direction, est veuve et sans enfants. Cette femme psychosomatise à cause du Covid 19. Voici son récit. 

«En me cuirassant contre le contagieux et criminel Covid 19, je n’ai pas pu éviter le déploiement fougueux de sa phobie et de quelques manies. Cette saleté de virus que je pressens se trémousser dans l’attaque m’a rendue complètement toquée. Je me couche, je me réveille, je mange, je travaille, je cuisine, je repasse, je marche, je ris, je pleure: je pense à lui et j’ai peur de lui. Il y a aussi que désormais mes réflexions, mes gestes, mes manies troublent et dérangent. Est-ce que mon état va s’améliorer avec le déconfinement, je n’en ai pas l’impression. 

Au tout début de l’hécatombe de ces milliers de victimes du Coronavirus, en Europe, je m’étais plongée fébrile dans la recherche sur le net d’un maximum d’infos sur cette pandémie. J’étais en rab d’astuces ou de gestes préventifs ou curatifs. Je découvrais aussi que je n’étais pas la seule au monde à tenter de dénicher «la» recette miraculeuse. Des millions d’internautes m’avaient devancée pour la même raison. En fait, l’agitation était mondiale. Tous en même temps, nous espérions nous saisir de quelque chose de réellement efficace, à portée de main, de peu coûteux, ou, à défaut, au moins quelques nouvelles réconfortantes.

Cependant, je constatais amèrement que le monde scientifique lui-même, avec ses contradictions dans ses mises en garde ou traitements, ramait. Quant aux adeptes de médecine alternative eux, complètement désarmés évitaient de passer pour des clowns. Ils proposaient quand même ce qui boostait l’immunité.  L’incontrôlable virus tournait inlassablement en bourrique la planète! Lui résistaient seulement à la thérapie: confinement et gestes barrière. Face à cette vérité glaçante, il était inutile de me répéter deux fois de rester chez moi et de n’en sortir que par absolue nécessité avec une armure de protection.

C’était dit, compris et appliqué. Mais, ce qui allait me rendre plus cinglée, c’est de voir le manque de rigueur dans l’exécution de ces mesures préventives chez quelques inconscients. Je n’avais pas besoin de lunettes pour remarquer le porteur de masque sur le cou, ou sur la bouche mais pas sur le nez. Et aussi chez certains dont l’esprit était complèment enfumé par les fakes news ou les théories complotistes. Ceux-là, je n’avais pas eu besoin d’aller loin pour en rencontrer. Il y en avait qui se réunissaient dans le hall de mon immeuble. Tout juste devant ma porte puisque je loge au rez-de chaussée. Leurs petites réunions de résistants de pacotille n’étaient pas timides et elles pouvaient perdurer jusqu’au petit matin.  Est-ce qu’ils portaient des masques? Est-ce qu’ils se lavaient les mains en rentrant chez eux? Mon œil!

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Qu’on s’en fiche de sa santé, je veux bien le concevoir, mais adopter une attitude désinvolte vis-à-vis de ceux qui s’entourent de mille et une précautions pour résister à la maladie, pas question. Pour les priver de cette liberté complètement illégale, j’avais eu le déclic de l’idée géniale: faire ressusciter les vieux protocoles traditionnels de purification qui sommeillaient dans ma mémoire. Ainsi, j’avais commencé par forcer sur lavage du seuil de ma porte au grésil comme le faisait mon grand-père pour décimer les tiques des chiens dans sa ferme. J’avais déniché ce miraculeux produit chez un vendeur de détergent en vrac. Ensuite, toujours à l’extérieur de mon entrée, j’avais placé une grande jarre en terre enduite d’huile de cade. Aucun virus d’aucune nature ne pouvait servivre à mon attaque. Je jure que ça ne déménageait pas que dans mes narines. A chaque passage, on râlait très fort contre ces émanations corsées.

Et le must, qui allait fonctionner du tonnerre, je l’avais gardé pour le soir, après la dernière prière, leur moment favori de rassemblement. J’avais allumé du charbon ardent et j’y avais fait bruler le plus soft des mélanges de plantes assainissantes composé d’armoise blanche, de lavande, et de feuilles d’eucalyptus. L’effet radical de mes petits nuages de fumée aromatisée m’avait fait rire jusqu’aux larmes. Je jubilais de la désertification express du hall. Après, je n’étais même pas vexée d’entendre le derviche de pacotille et sa Juanita du premier se plaindre à Judas et sa chouette du deuxième et à d’autres voisins de l’immeuble. Au moins en agissant de la sorte, je les avais obligés à ne pas infester l’espace commun en toute impunité.

Malheureusement, ma phobie du virus ne se limitait plus qu’à cela. Elle s’amplifiait chaque jour un peu plus. Chacune de mes sorties ou retours devenaient un pesant supplice. Il s’en suivait plusieurs douches et trente-six milles lavages des mains. Même que j’avais adopté le voile intégral pour tenue de sortie. Son côté pratique résidait dans le fait qu’il me couvrait de la tête aux pieds et que son rinçage et séchage s’accomplissait en un temps record. D’ailleurs, en fin de compte je vais le garder encore longtemps, du moins jusqu’à ce qu’il n’y ait plus aucune victime du covid19 de déclarée dans le monde.

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Ensuite je m’étais surprise à ne pas hésiter à imposer la désinfection avec ma potion et le port du masque à quiconque se trouvant sur mon chemin ou dans ma file d’attente. Le gel hydro-alcoolique, n’arrangeant ni ma campagne de sensibilisation ni mon porte-monnaie, je lui préférais ma potion. Je me baladais avec un brumisateur d’un litre rempli d’une solution de «vinaigre des quatre voleurs» fabriquée par mes soins. Je braquais mon «pschitt» sur n’importe quoi en vue, et j’aspergeais généreusement. Tout y passait, les façades, les portes, les poignées, les interrupteurs, sans parler de la monnaie, des claviers de guichets bancaire, de mes courses, du contenu de mon sac à main, et même mes semelles de chaussures. Et maintenant ?

Il n’y a eu que le de-confinement pour me claquemurer puissance «n» dans ma phobie et me planter dans le collimateur de mes voisins. La vengeance de ces derniers s’est vite déclarée à travers leurs gamins désormais en liberté. Les morpions en chœur piaillent ma présence. J’ai droit à «elle arrive flip ninja», «elle sort hamaka ninja», «barrez-vous la voilà ninja sehara». C’est ça, qu’ils en fassent même un clip de la voilée flippée, tarée, et sorcière du derb, il serait imperméable sur moi! J’avais eu le dernier mot au moment qui s’imposait et puis toc! En revanche, ce qui me fait rire jaune, c’est l’évolution de mon appréhension maladive du virus. Oublier le bien du confinement tout en laissant tomber les gestes barrière me fait passer des nuits blanches. Que dire alors des histoires de deuxième vague ? On s’en tape ? »

Mariem Bennani

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