On nous avait promis un diplôme!

Moncef, 18 ans, est élève à l’OFPTT. Ce jeune garçon s’attendait à être diplômé à la fin de ses études pour déposer une demande d’emploi recevable par l’ANAPEC, hélas, non… Il s’est confié au Reporter.

«Une année avant le bac, j’ai stoppé mes études et je m’en mords les doigts. Mes parents, les pauvres, n’ont jamais cessé de me mettre en garde pour que je fasse des efforts et que je prenne au sérieux ma scolarité. Leurs discours moralisateurs n’étaient pour moi que de soûlantes sérénades. Je les laissais déblatérer leurs interminables refrains, feignant l’écoute attentive. Ensuite, je les menais en bateau, pas une fois, ni deux, mais sûrement plus de mille fois. Je ne m’en félicite guère aujourd’hui. J’en ai pris pour ma pomme, alors que je me croyais tellement futé. Je les driblais n’en faisant qu’à ma tête, idéalisant sans le moindre des remords les chemins de l’école buissonnière et la grande fainéantise. Je n’ai vraiment rien gagné à perdre mon temps cette année scolaire décisive, à user mes souliers en arpentant rues et boulevards ou mes jeans sur le trottoir du quartier devant chez nous.

Malheureusement, nous étions beaucoup de têtes brûlées. Le pire est que la similitude de nos cas, au lieu de nous affoler, nous réconfortait et nous réjouissait même. Ce qui nous réunissait quotidiennement, c’était la vantardise de nos bêtises à deux balles, de nos coupes de cheveux déjantées, de nos plans foireux, de nos histoires avec les filles, de nos scores de jeux au billard, de nos tests avec l’alcool ou les cigarettes, ou les dernières vidéos hilarantes ou choc sur les portables. Je ne dis pas que tout ça, c’est fini; mais je me sens très différent aujourd’hui. Je suis vraiment plus soucieux de mon avenir et ce, depuis que j’ai entamé des études techniques et surtout mon stage. Aussi, j’ai beaucoup de chance de n’avoir jamais pris de saletés de drogues. Cela a été difficile de ne pas tomber dans ce maudit piège. Je ne suis pas le seul, nous sommes quand même quelques-uns à y avoir échappé. Je reconnais que c’est devenu chose courante. Que l’on soit fille ou garçon, c’est pareil. Ce n’est pas ce fléau qui m’a fait fuir du bahut et abandonner les études, mais mon niveau qui, au fond, ne me laissait pas de choix. Franchement, exceller en arabe, en français, en math, en physique, en histoire, en géographie et j’en oublie, c’était trop, irrémédiablement. J’étais mauvais en presque tout. Je maudirais également, tous les jours de mon existence, deux profs qui constamment me ridiculisaient et me touchaient dans ma fierté, parce que je ne comprenais rien à ce qu’ils nous enseignaient. Cette année d’examen me faisait si peur. Quant à l’idée de l’échec, elle me faisait fuir. En plus, nous étions trop nombreux en classe. Beaucoup comme moi avaient de sérieux handicaps et pas de moyens pour faire changer les choses et d’autres étaient des voyous finis.
Tout cela est bien loin maintenant. Heureusement que j’ai eu une lueur de bon sens pour ne pas tout abandonner et poursuivre des études professionnelles même avec ce piètre niveau d’études que je traîne maintenant comme un boulet. J’ai pu prendre conscience juste à temps que ce n’était pas la rue, ni les copains qui allaient me permettre d’avoir un jour une vie décente. Parce que, j’en suis sûr maintenant, un homme ça doit obligatoirement avoir un diplôme et un métier pour qu’il puisse s’en sortir dans la vie, fonder et prendre en charge une famille.
C’est grâce à l’exemple des membres de ma famille que je le dois. Je ne parlerai pas de mon père qui est soudeur, mais plutôt des maris de mes trois grandes sœurs. Des hommes jeunes qui travaillent dur, chacun dans un domaine bien précis. Ils sont loin d’être des chômeurs qui attendent que leurs parents ou leurs femmes les entretiennent, comme certains de nos voisins. Ces derniers sont des calamités, nous en sommes tous les jours témoins. Dieu merci, j’ai fait le serment de ne jamais leur ressembler.
A la fin de l’an dernier, avec mon niveau 6ème, je me suis inscrit à l’Office de formation professionnelle pour apprendre cette année la technique du rembourrage et la confection de matelas et coussins. Avec un niveau bac, j’aurai sûrement étudié autre chose comme le secrétariat ou les réseaux et j’aurai eu, c’est certain, un diplôme et un travail. Tout est de ma faute, je le reconnais. Mes parents ont été bien généreux et conciliants pour oublier mes frasques et m’aider. Ils m’assurent mes frais de transport quotidiens, mais aussi au départ 400 DH de frais d’inscription, le tablier à 80 DH, les fournitures et quelques livres. Durant l’année scolaire, nous étions plusieurs groupes de 20 élèves en classe avec un seul professeur comme enseignant. Notre emploi du temps du départ a été modifié. Au lieu de 7 heures de cours prévues, par jour, toute la semaine sauf le samedi, nous n’en avons eu que deux. Nous avons tout de même appris l’essentiel. Actuellement, je suis en stage professionnel chez un confectionneur de matelas et salons marocains. Nous sommes deux et nous sommes contents d’avoir pu être acceptés par cet homme dans son atelier avec ses employés. Cela va nous permettre de valider notre réussite pour l’obtention d’un certificat d’études délivré par l’OFPTT. Mais ce qui contrecarre nos objectifs et nous désole en même temps, c’est que nous ne pourrons pas être titulaires d’un diplôme. Au départ, il n’avait jamais été question de certificat. Aujourd’hui, notre établissement ne nous explique pas les raisons de ce changement. Pourtant, il y a un problème et, pour nous les élèves, il est de taille parce que cette attestation n’est pas reconnue par l’ANAPEC. Or, mon souhait le plus cher maintenant, ainsi que celui de mes camarades de classe qui ont opté pour cette spécialité, c’est que nous puissions être recrutés par une grande entreprise de montage automobile. Un job sûr, avec des avantages sociaux, n’est ce pas accéder au rêve ou à l’idéal pour des jeunes comme nous? Il nous importe peu d’être obligés de passer encore une année d’études supplémentaire pour obtenir ce diplôme. Il faudrait seulement qu’on ait des réponses à nos questions ou qu’on nous en donne la chance. Malheureusement, lorsqu’on s’adresse à notre surveillant général, il nous dit qu’il faut voir avec la Direction. Mais le secrétariat est déjà le premier plus grand obstacle face à notre démarche. Comment faire alors? Doit-on en rester là et perdre tout espoir?».

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Mariem Bennani

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