Pourquoi mon passé m’empècherait-il de devenir pieuse?

Amal, 50 ans, ex-commerçante, a eu une vie sociale et sentimentale tumultueuse. Aujourd’hui, elle dit s’être calmée en devenant fervente croyante pratiquante et ce, depuis deux ans. Mais personne ne semble croire à sa métamorphose. Son histoire.

«Le cours de ma vie n’a pas été banal. Je me suis mariée 3 fois et j’ai eu deux enfants. A 16 ans, on me maria avec un homme de 56 ans. Cet homme était nouvellement veuf, grand-père, mais immensément riche et influent. Cette alliance était une sorte de bénédiction pour les affaires de mon père. Il était l’un de ses plus gros clients. Même moi, j’avais eu «la grosse tête» de ce qu’il m’arrivait. La jeune fille, étudiante, gauche et timide que j’étais s’était vite transformée en «lalla» richement vêtue de soieries et parée d’or. Mais, je déchantais juste quelques mois après et regrettais notre «chez nous», parce que mes journées étaient vides et ennuyeuses. Je n’avais pas le droit de sortir sans permission, même pas pour aller voir ma famille. Je ne m’occupais de rien: ni de cuisine, ni de gérer ma maison… Tout cela était déjà régenté par le maître et ses employés. Cet homme, qui en plus était porté sur la boisson, voyageait aussi très souvent pour affaires. Il faisait alors venir quelques membres de sa famille pour me tenir compagnie. Ces personnes ne rataient pas l’occasion de me parler de la défunte et de toutes les qualités qu’elle avait. Ces discussions et leur présence m’exaspéraient, mais je ne pouvais les éviter. Les jours de fêtes et les réunions familiales, qui au début m’enchantaient, avec le temps, je ne les supportais plus. Quand il était là, mon mari passait presque toutes ses soirées dehors avec ses amis ou hommes d’affaires. J’étais jeune, sans aucune expérience. Cette vie me pesait, même si matériellement je ne manquais de rien. Je vivais dans un monde totalement traditionnaliste où mon avis, mes aspirations, n’avaient aucune place. Cet homme qui était mon mari, même s’il était généreux, était une sorte de rustre, sans délicatesse, sévère, habitué à être servi. J’en parlais à ma mère, les rares fois où il avait accepté que je lui rende visite. Elle me disait qu’il ne fallait pas que je m’en fasse; que tout allait s’arranger avec le temps; que je n’avais pas le droit de me plaindre, parce que j’avais épousé un homme que toutes les jeunes filles et jeunes femmes de la ville et de la famille rêvaient d’avoir dans leur vie; que toutes m’enviaient cette chance. Pour elle, j’étais sotte et ingrate et il était impensable que je ne puisse pas me rendre compte de ma chance. Je rentrais chez moi plus éplorée que je ne m’y étais rendue. Je me sentais mal aimée, incomprise des miens.
J’ai supporté cette maison durant 3 ans, jusqu’à la mort de mon père. Deux mois plus tard, mon mari, alors qu’il était très saoul, m’avoua qu’il avait une maîtresse dont il était éperdument amoureux et ce, depuis fort longtemps et qu’il était sans doute probable que ce soit cette relation qui tua de chagrin sa première femme. Il me dit aussi que notre mariage n’avait été qu’une folie. Nous nous sommes arrangés pour divorcer très rapidement. Pour cela, il m’avait laissé prendre toutes mes affaires et mes bijoux. Cette nouvelle eut l’effet d’une bombe chez nous. Ma mère me fit partir en Italie chez sa sœur pour qu’on m’oublie. J’étais une honte. Une fille divorcée, dans notre maison, ça ne se concevait pas.
Là-bas, je découvrais un autre monde, une autre façon de vivre et de penser qui me plaisait beaucoup. Je rencontrais, deux ans plus tard, mon deuxième mari, un Allemand. C’était un habitué du restaurant dans lequel je travaillais. Il était commerçant et voyageait beaucoup. Avec lui, j’ai parcourus le monde. Cet homme buvait beaucoup et se droguait. Il est d’ailleurs mort d’un arrêt cardiaque, alors que nous nous trouvions dans un dancing. Veuve à 28 ans, j’ai préféré rentrer définitivement au Maroc. Ma mère n’était pas heureuse de me revoir. Je dus m’installer dans une autre ville. Je menais une vie de femme libre. J’avais pu acquérir avec mon héritage un petit appartement et une boutique de prêt-à-porter. J’ai alors beaucoup fait la fête et entretenu plusieurs liaisons amoureuses sans lendemain. Les membres de ma famille, non contents de mon libertinage, ne voulaient plus jamais entendre parler de moi. Etait-ce si difficile pour eux de comprendre que je n’avais jamais encore rencontré un homme désirant vivre une aventure sérieuse? Cela a duré jusqu’à ce que j’aie rencontré mon troisième mari. Nous nous sommes unis après deux années d’hésitations mutuelles. Une période où nous nous disputions tout le temps, lui étant très conservateur, pratiquant et moi vraiment pas, avec plutôt une tendance inconsidérée pour la fête et les grandes soirées. Mon mari, de 15 années mon aîné, voulait vivre une vie de famille paisible, avec une femme soumise et pieuse, ce que je n’étais pas. Mais finalement, par amour pour lui, je cédai sur pas mal de choses. C’est l’homme avec qui je me suis sentie le mieux. Nous avons eu deux enfants et avons vécu heureux pendant 15 ans. Je me croyais définitivement débarrassée de mes démons intérieurs, mais ce n’était qu’une trêve. L’ennui de certaines de mes journées me fit côtoyer mes ex-amies, nos plans «fêtes et sorties» reprenaient. Mon mari devenait possessif, intransigeant, suspicieux. Ses réactions me rendaient plus rebelle. J’étais amoureuse de mon mari, j’adorais mes enfants, mais cette routine était devenue pesante. Mon mari, très contrarié par mes agissements, demanda le divorce que j’acceptai sans remords. Je quittai notre ménage pour aller m’installer dans mon ancien appartement. Mes enfants, qui venaient me rendre visite, m’ont tout le temps fait part de leur chagrin et de leur incompréhension pour cette vie que je leur imposais. Mon mari, lui, restait passif et ne cherchait jamais la querelle. Tout cela s’arrêta net un soir quand, en rentrant chez moi, je tombai raide inanimée sur le sol jusqu’au surlendemain. Je me rendis compte du ridicule de ma vie, de tout le mal que je faisais endurer à mes enfants, à mon mari et à moi-même. Je me fis la promesse solennelle de me mettre à la dévotion totale de ma religion et de ma famille. Sans attendre, je m’exécutai, j’appelai mon mari et mes enfants à mon secours et leur fis part de ma décision. Quelques semaines plus tard, j’emménageai définitivement chez nous et me remariai avec le père de mes enfants. Je léguai aussi mon appartement et mon magasin à mes enfants. J’espère de tout cœur qu’ils me pardonneront un jour ces dérapages passés. J’ai appris à faire ma prière et consacre tout mon temps à ma petite famille et à l’apprentissage du Saint Coran. J’assiste à des causeries religieuses. Je suis allée une fois en pèlerinage et deux fois en Omra avec mon mari. Je ne me suis jamais sentie aussi bien, en parfaite harmonie avec moi-même et ma petite famille. Mon seul désir est que certaines personnes me laissent enfin tranquille. Parce que si chez moi tous sont convaincus de ma métamorphose spirituelle, certains membres de ma famille, ceux qui m’ont rejetée autrefois et certaines de mes amies privées de ma compagnie continuent de colporter des ragots à mon encontre. Ils racontent à qui veut les entendre mes sulfureuses histoires du passé. Ils prétendent que j’ai trouvé une manière de dissimuler ma nature profonde. Et que de toutes les façons mon déguisement n’est que passager, qu’il y a sûrement anguille sous roche. Qui sont-ils pour me juger et prétendre que je joue la comédie, que je ne pourrais jamais être pardonnée, ni réellement touchée par la grâce divine et que ma piété actuelle n’est pas réelle? Ils ne veulent pas croire à mon repentir. Pire, ils estiment que mon passé ne me donne pas droit à ce repentir. De quel droit le décrètent-ils? Il n’y a que Dieu pour en décider! Moi, je suis sûre de mon choix. Mon mari et mes enfants me soutiennent et ma foi m’empêche de rendre à mes détracteurs leur monnaie. Mais j’en souffre énormément».

Je ne suis qu’une femme seule

Mariem Bennani

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