Parution | «La dernière guerre du soldat inconnu» de Abdelhak Najib

Les Éditions Orion viennent de publier le dernier roman de l’écrivain, journaliste et présentateur-télé, Abdelhak Najib. C’est une critique acerbe de certaines républiques bananières arabes qui végètent encore dans les théories du complot et dans des archaïsmes néfastes, condamnant leurs sociétés à rester arriérées, vacillant entre fausse modernité et poids des obscurantismes.Un roman actuel.

D’emblée, le ton est donné. Abdelhak Najib tient à le préciser: «Les actions et les situations de ce roman se déroulent dans une république arabe entre le Golfe persique et le désert du Sahel. Le décor où prend corps ce récit se situe dans un territoire immense contrôlé par une junte militaire qui profite de la manne du pétrole et du gaz, qui s’enrichit sur le dos des populations écrasées et livrées à elles-mêmes ; et qui voit des complots s’ourdir partout, accumulant les armes et se préparant à des guerres qui n’ont jamais lieu.

Toute ressemblance avec des personnages vivants et réels est volontaire !». C’est donc clair. L’espace est désigné. Le temps de la narration aussi. Chacun peut mettre un nom sur cette république islamiste, socialiste et pétrolière dirigée par une clique de militaires débonnaires et barbousards qui voient des révolutions partout et qui accumulent un arsenal militaire comme s’ils se préparaient à la troisième guerre mondiale.

Dans ce roman au titre très révélateur: « La dernière guerre du soldat inconnu », il s’agit d’un homme qui s’est engagé pour dix ans dans l’armée pour aller faire la guerre dans le désert. Larbi (à lire aussi l’Arabe) passera dix ans dans l’étendue infinie du sable mouvant sans jamais voire d’ennemi, comme il ne saura jamais pourquoi il devait faire la guerre, contre qui et comment !

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Mais, avant de rentrer chez lui, il saute sur une mine et perd sa jambe. Il ne fait aucune guerre, mais il revient chez lui estropié ! Dans son quartier, son histoire et celle de son ami, Allal, un autre soldat, tout aussi haut en couleur que son ami, devient le sujet de conversation de tout le monde.

C’est là qu’un ami, menuisier, propose à Larbi de lui fabriquer une jambe en bois. Une fois la sculpture finie, les amis et voisins décident, sur un coup de tête et pour rigoler un bon coup, de planter la jambe juste en face de la maison du soldat Larbi. Ce qui sera fait, avec une petite cérémonie autour d’un thé et de quelques gâteaux. Tout va bien jusque-là… n’était l’intervention des autorités locales qui ont eu vent de cette cérémonie et de cette jambe en bois érigée comme un monument. La police, l’armée, les services secrets… Tout le monde se mêle de cette affaire qui n’en est pas une. Les autorités sont convaincues que ce soldat et ses amis ont planté ce bout de bois pour entamer une grande révolution qui vise à faire tomber le régime militaire en place.

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Très vite, toute la république vacille devant la menace de cette jambe et de ce soldat qui voit des milliers de sympathisants arriver pour le soutenir de tous les coins du pays…

La suite est d’une ironie glaçante. L’histoire prend des tournures incroyables, dans un style maîtrisé, avec beaucoup de dérision et de cynisme. Tout défile: l’obsession des militaires, les théories du complot, la corruption, la folie des généraux, l’instrumentalisation, l’espionnage, l’oppression, la dictature, l’écrasement des citoyens qui, eux, ne veulent faire aucune révolution et qui ont trouvé dans cette histoire une belle occasion de se réunir par centaines de milliers pour faire la fête et oublier leur vie de misère dans une république tortionnaire.  Les choses dérapent, le quartier du soldat Larbi est assiégé par toute une armée. Puis c’est toute la ville qui est menacée d’être rayée de la carte par des militaires prêts à tuer tout le monde.

Abdelhak Najib nous livre ici un roman solidement construit, avec des personnages d’une grande profondeur, le tout sous-tendu par un style d’une simplicité déroutante. Sans oublier toute l’actualité d’une telle œuvre qui lève le voile sur certains pays arabes qui jouent avec le chaos et l’implosion.

(Aux Éditions Orion. 250 pages. Octobre 2022. Disponible en librairie).

Chronique noire d’une Arabie perdue

Par Mounira Tyal

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