Nejwa Karimi, Expert-Comptable DPLE

Nejwa Karimi, Expert-Comptable DPLE

Ce qu’il faut savoir du redressement fiscal…

Avec cette opération continue de contrôle et de redressement fiscal qui touche de nombreuses entreprises marocaines, l’idée de pratiques frauduleuses et de manque de transparence surgit vite à l’esprit de celui qui ignore les tenants et les aboutissants de ce contrôle. Pour clarifier la question, «Le Reporter» s’est entretenu avec Nejwa Karimi, expert-comptable.                                        

Tout d’abord, qu’est-ce qu’un redressement fiscal et à quel moment y recourt-on?

Il faut  tout d’abord rappeler que l’administration fiscale dispose du droit de contrôle prévu par l’article 210 du C.G.I (Code général des impôts). qui s’exerce en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu, de taxe sur la valeur ajoutée et des droits d’enregistrement; lequel droit lui confère le pouvoir de contrôler les déclarations souscrites par les contribuables, ainsi que les autres documents, pièces ou éléments nécessaires à l’assiette et à l’établissement des impôts, droits et taxes susvisés. Elle dispose en outre d’un pouvoir d’investigation et de contrôle de la comptabilité de l’entreprise, afin de s’assurer de l’exactitude des bases déclarées par les contribuables, personnes morales et physiques, au titre de ces impôts et taxes.

En cas de vérification de comptabilité par l’administration au titre d’un impôt ou taxe déterminé, il est notifié au contribuable un avis de vérification, dans les formes prévues à l’article 219, au moins (15) quinze jours avant la date fixée pour le contrôle. Cet avis de vérification doit être accompagné de la Charte du contribuable qui rappelle les droits et obligations prévues en matière de contrôle fiscal par le Code Général des Impôts.

Le défaut d’envoi de la charte du contribuable constitue un motif de nullité de la procédure de rectification, conformément à l’article 220 du C.G.I. De plus, l’opération de vérification ne peut commencer qu’à l’expiration du délai minimum de 15 jours suivant la date de notification de l’avis de vérification.

Si l’avis de vérification est notifié au contribuable dans le délai prescrit et si l’intéressé refuse de mettre à la disposition de l’inspecteur les documents comptables nécessaires à la vérification de ses déclarations, celui-ci engage la procédure de mise en demeure prévue à l’article 229 du C.G.I., laquelle peut aboutir à une taxation d’office.

La vérification de comptabilité peut porter soit sur tous les impôts et taxes afférents à la période non prescrite,  soit sur un ou plusieurs impôts ou taxes ou quelques postes ou opérations déterminés figurant sur une déclaration et/ou ses annexes se rapportant à une partie ou à toute la période non prescrite.

Pour l’impôt sur les sociétés (IS) par exemple, en cas de résultat bénéficiaire, le délai de prescription est de 4 ans. Par exemple, en 2016, seules les années 2012, 2013, 2014 et 2015 pourront être vérifiées. En cas de résultat déficitaire, le délai de prescription est de 5 à 8 ans, c’est-à-dire que la vérification peut au maximum porter, en 2016, sur les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015 et ce, dans la limite du montant des déficits ou des crédits imputés sur les résultats, ou les revenus au titre de la période ou de l’exercice non prescrit. Dans tous les cas, l’avis de vérification doit préciser la période objet de vérification, les impôts et taxes concernés ou les postes et opérations visés par le contrôle.

A l’issue de la période de vérification, dont les délais maxima sont prévus par la législation en vigueur, l’inspecteur est tenu d’informer le contribuable de la date de clôture de la vérification. Le contribuable a la faculté de se faire assister, dans le cadre de la vérification de comptabilité, par un conseil de son choix.

Dans quelle mesure les entreprises concernées ont-elles droit à un quelconque recours? Peuvent-elles négocier les montants décidés et y a-t-il une base juridique et/ou fiscale qui définit ce recours?

A l’issue du contrôle fiscal sur place, deux cas de figure se présentent. Soit l’administration fiscale engage la procédure prévue aux articles 220 «procédure normale de rectification d’imposition» ou 221 «procédure accélérée de rectification des impositions», cette dernière intervenant dans le cas des sociétés en cessation d’activité, redressement ou liquidation, cession… Soit elle la notifie au contribuable, à l’adresse indiquée par celui-ci dans ses déclarations, actes ou correspondances communiqués à l’inspecteur des impôts de son lieu d’imposition, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par remise en main propre par l’intermédiaire des agents assermentés de l’administration fiscale, des agents du greffe, des huissiers de justice ou par voie administrative. Le contribuable peut alors exercer toutes les voies de recours prévues par le Code Général des Impôts.

En effet, dans le cas de la «procédure normale de rectification d’imposition», l’inspecteur notifie aux contribuables, durant les trois (3) mois qui suivent la date de la fin du contrôle fiscal, les motifs, la nature et le montant détaillé des redressements envisagés en matière d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu ou de taxe sur la valeur ajoutée. Il notifie aussi la nouvelle base devant servir d’assiette à la liquidation des droits d’enregistrement, ainsi que le montant des droits complémentaires résultant de cette base. L’inspecteur des impôts invite alors les contribuables à produire leurs observations dans un délai de trente (30) jours suivant la date de réception de la lettre de notification.

A défaut de réponse dans le délai prescrit, les droits complémentaires sont mis en recouvrement et ne peuvent être contestés que dans les conditions prévues à l’article 235 (réclamation adressée au Directeur Général des impôts), sans que cette démarche puisse faire obstacle au recouvrement immédiat des sommes exigibles.

Si les observations des intéressés parviennent à l’inspecteur dans le délai prescrit et si ce dernier les estime non fondées, en tout ou en partie, il leur notifie, dans un délai maximum de soixante (60) jours suivant la date de réception de leur réponse, les motifs de son rejet partiel ou total, ainsi que la base d’imposition qui lui paraît devoir être retenue en leur faisant connaître que cette base sera définitive s’ils ne se pourvoient pas devant la commission locale de taxation prévue à l’article 225 ou devant la commission nationale de recours fiscal prévue à l’article 226, selon le cas, dans un délai de trente (30) jours suivant la date de réception de cette deuxième lettre de notification.

Le redressement implique-t-il une imposition supplémentaire, des amendes et pénalités?

La procédure de redressement respecte un certain nombre d’étapes prévues sur le plan légal que les deux parties doivent respecter avant d’aboutir à une imposition supplémentaire, le cas échéant amendes et pénalités.

Appelé aussi «proposition de rectification» le redressement vise à corriger les inexactitudes ou les dissimulations dans les éléments déclarés par un contribuable. Cela suppose-t-il des situations frauduleuses?

Non, pas forcément. Les propositions de rectification résultent de contrôles sur pièces effectuées par les inspecteurs et agents du contrôle fiscal. Plusieurs sources de non-conformité peuvent être identifiées, comme le respect des délais de déclaration, la nature des éléments intégrés dans la base imposable, la complétude des conditions d’exonération, la complétude des conditions de formes des pièces justificatives, la comptabilité et l’archivage des pièces comptables…

L’émission d’un «profit warning» peut-elle aider l’entreprise à sortir d’affaire?

Le profit warning est une obligation de communication pour les sociétés faisant appel public à l’épargne pour informer le public concerné sur des informations importantes pouvant impacter significativement les résultats de l’entreprise et du business plan présenté sur communications financières publiées précédemment.

Il est clair qu’une notification de redressement fiscal peut représenter un passif éventuel pouvant impacter significativement les comptes de la société. L’appréciation du caractère significatif du risque qu’il peut présenter sur l’équilibre financier de la société est du ressort des organes d’administration et de direction de la société. Ceux-ci peuvent, s’ils le jugent nécessaire, recourir à l’appréciation ou l’avis d’un professionnel pour les éclairer sur les conséquences financières d’un tel redressement.

Propos recueillis par Hamid Dades

Comment se préparer à une opération de vérification?

Lorsque la comptabilité est tenue par des moyens informatiques ou si les documents sont conservés sous forme de microfiches, le contrôle porte sur l’ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement à la formation des résultats comptables fiscaux et à l’élaboration des déclarations fiscales. L’origine, le contenu et l’imputation de chaque donnée doivent être indiqués en clair. En outre, chaque donnée doit s’appuyer sur une pièce justificative constituée par un document écrit. Si l’avis de vérification est notifié au contribuable dans le délai prescrit et si l’intéressé refuse de mettre à la disposition de l’inspecteur les documents comptables nécessaires à la vérification de ses déclarations, celui-ci engage la procédure de mise en demeure prévue à l’article 229 du C.G.I., laquelle peut aboutir à une taxation d’office. Pour renforcer les garanties accordées au contribuable lors des opérations de vérification, l’article 212 du C.G.I. permet à celui-ci de faire appel à un conseil de son choix pour l’assister lors des opérations de vérification.

Bio-Expresse

Nejwa Karimi est Expert-Comptable DPLE et Associé Gérant du cabinet GGR OFFICE, sis Casablanca, pour lequel elle assure des missions d’audit et due-diligence comptables et fiscales, d’expertise comptable et de conseil en gestion des risques financiers et opérationnels et de formation. Elle a débuté sa carrière en 1999 au sein du cabinet PricewaterhouseCoopers où elle a assuré plusieurs missions d’Audit et de Commissariat aux Comptes pour des entreprises et associations intervenant dans les secteurs de l’éducation, de l’industrie, du commerce et des services financiers. En 2004, elle a rejoint Bank Al-Maghrib où elle a occupé le poste de Responsable de Service de Surveillance Permanente d’Etablissements de Crédit et Institutions Assimilées puis, de 2009 à 2015, elle a occupé des fonctions de Direction des Risques et de la Conformité au sein du Crédit Agricole du Maroc, de la Caisse de Dépôt et de Gestion et du Crédit Immobilier et Hôtelier.

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