Comment j’ai été ruinée à cause de ce maudit Covid…

Malika, 40 ans, mère au foyer, est mariée et mère de deux enfants. Cette femme raconte la crise dans son foyer depuis l’apparition de la pandémie Covid-19 et le confinement. Voici ce qu’elle en dit.

«Cette histoire de coronavirus/Covid 19, je ne l’oublierai jamais. Il n’avait fallu que quelques mois de confinement et de restrictions préventives en vue de limiter la propagation d’un coronavirus pour que se manifestent dans mon foyer de graves complications. Vraiment, j’avais enduré le pire à la maison avec mon mari et mes enfants au chômage.

Avant, chacun de mes hommes vaquait à ses occupations. Jamais, je n’aurais pu imaginer que cette stabilité pouvait capoter. Si je devais commencer par mon mari, je dirais que depuis 20 ans, il ne s’est jamais occupé de quoi que ce soit à la maison. Selon lui, ce n’était pas son problème. J’avais pris pour habitude de le voir partir très tôt le matin et revenir très tard le soir. Sa primordiale occupation, était de charger son triporteur de lots de vêtements usagers et de s’en aller les vendre. Même en période de fête, il m’avait toujours fallu créer un conflit ou faire la gueule pour le ramener à la raison.

Face à l’impossibilité d’écouler le moindre chiffon pour cause de pandémie, mon pauvre mari avait tenté autre chose. Pris au dépourvu, il n’avait pas eu d’autre choix que de se lancer dans le portage de personnes ou de petites marchandises. Mais là encore, le destin s’acharnait puisqu’il lui fallait une autorisation. Malgré cela, il s’était aventuré à œuvrer dans l’illégalité. Très vite, un concurrent vindicatif mais pas «khetaf» comme lui, l’avait dénoncé. Heureusement, il avait évité de justesse de se faire pincer à la station grâce à une âme charitable qui l’avait averti à temps.

Pour ne pas s’avouer vaincu, il avait continué d’assurer à la sauvette le transport de légumes de quelques vendeurs sur place à la criée. La solution n’était pas rentable à cause des trajets de destinations beaucoup trop longs. Mais, il s’était entêté par nécessité jusqu’à ce que son vieil engin le lâche. Et là, ce fut la cerise sur le gâteau puisqu’il était impossible en pareil temps de confinement total d’espérer le réparer dans un garage de mécanique avec des pièces de rechange d’occasion tirées de la ferraille.

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Quant à mes deux enfants, depuis qu’ils bossaient, je n’avais plus de soucis à me faire les concernant sauf peut-être qu’ils se battent. C’est qu’ils m’en avaient fait voir durant des décennies. Ils n’étaient ni obéissants à la maison, ni à l’école. Je n’en pouvais plus d’être convoquée à leur bahut pour divers motifs. Ils s’absentaient, ne faisaient pas leur devoir,  persévéraient en insolence etc… Sans parler de toutes les altercations avec les enfants du voisinage ou non, aussi avec des adultes, que des misères que j’avais endossées toute seule. Leur père n’étant jamais présent pour m’assister dans leur éducation, ils jouaient avec mes nerfs tout le temps. Franchement, je ne sais toujours pas comment j’ai survécu à la folie.

Ils n’avaient changé que lorsqu’ils avaient compris qu’ils étaient désormais des majeurs responsables de leurs actes. Il y avait eu dans leurs fréquentations un jeune qui avait écopé de peine de prison pour vol et agression. Ses parents l’avaient totalement rejeté sans regrets en déménageant sans laisser aucune adresse. Je n’ai aucun doute sur le fait que cette histoire avait eu un effet positif sur mes enfants quant à leur oisive délinquance. Je n’avais pas eu besoin de plus pour voir leur métamorphose.

Sans beaucoup tarder, ils s’étaient débrouillés pour se faire embaucher d’abord comme vendeurs dans des crèmeries. Une fois plus expérimentés, ils avaient décroché des jobs de serveurs dans des cafés. Je dois avouer que ce fut un énorme soulagement mais aussi un petit plus dans le revenu familial. Quand l’hiver dernier mes enfants m’avaient offert des couvertures et un peignoir, j’avais pleuré. De toutes les façons cette joie a été éphémère à cause de ce foutu virus. Les premiers mois du confinement ont été les pires mois que j’ai vécus de toute mon existence.

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Les cafés étant fermés, mes enfants s’étaient vus remercier en n’ayant ni dédommagement, ni promesse d’être réembauchés. Mon mari, tel un handicapé sans son trois roues, oubliait le temps en se roulant les pousses devant la télé. Et moi, je sombrais dans l’insoutenable avec trois hommes au chômage obligés d’être cloitrés ensemble à la maison. Tous avaient peu à peu épuisé leurs économies puis se sont mis à se soupçonner mutuellement de mentir. En conséquence, j’avais vu mes enfants et leur père, tels des monstres dominés par de virulentes exaspérations de manque, dépasser les limites avec les poings.

Toutes ces fois où je ne m’en suis pas sortie indemne de la fosse aux lions, je ne saurais les dénombrer.  Malgré cela, je supportais en faisant office de défouloir à des individus qui sombraient totalement dans la dépression. Cette crise que je savais insolvable pour l’heure s’était dirigée inexorablement vers notre mobilier. Sans résistance de ma part, ma télé, mon frigo, ma gazière avaient été liquidés les uns après les autres. Même les couvertures y étaient passées. Toucher le fond c’est quand j’avais été la seule à trouver le courage d’aller mendier pour nourrir les miens.

A chacun de mes retours, sans broncher je partageais mon butin sans pour autant être épargnée de chicanes. J’avoue amèrement, qu’il n’y a eu que le déconfinement, pour m’apporter enfin un semblant d’apaisement».

Mariem Bennani

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