Le Golfe, la bombe et nous

Le Golfe, la bombe et nous

L’annonce a été aussi brutale que stupéfiante. Le 5 juin 2017, trois pays du CCG (Conseil de Coopération du Golfe): l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Bahreïn –rejoints par l’Egypte- rompaient leurs relations diplomatiques avec un autre membre du CCG, le Qatar. Une rupture des relations tranchée, s’accompagnant de la fermeture des frontières terrestres, aériennes et navales ; ainsi que d’un ultimatum sommant les expatriés qataris en Arabie, aux Emirats et au Bahrein, de plier bagage et de retourner chez eux dans un délai de 14 jours.

Un véritable séisme dans le Golfe et au sein du CCG qui représentait jusque-là un îlot de calme, sur les rochers duquel se sont brisées –bon gré, mal gré- toutes les tempêtes des printemps arabes.

La raison de cette spectaculaire colère ? Un communiqué de l’Arabie Saoudite la donne: «le Qatar accueille divers groupes terroristes pour déstabiliser la région. Comme la confrérie des Frères musulmans, Daech et Al-Qaeda».

Griefs contre le Qatar, d’autant plus consternants aux yeux de l’opinion publique internationale qu’ils n’ont rien de nouveau…

En fait la tension montait depuis plusieurs semaines entre l’Arabie saoudite et le Qatar… Depuis le 23 mai, date à laquelle une déclaration attribuée à l’Emir du Qatar, cheikh Tamim al-Thani, a mis le feu aux poudres. L’Emir aurait mis en garde les monarchies du Golfe contre un éventuel affrontement avec l’Iran qu’il aurait qualifié de «poids lourd régional islamique qu’on ne peut ignorer» ; de même qu’il aurait exprimé un soutien au Hamas palestinien et au Hezbollah libanais.

Un alignement sur le trio chiite qui a enflammé les réseaux sociaux et déclenché l’ire générale. Et ce, malgré le démenti du Qatar qui criait au piratage de son agence de presse officielle.  

Deux jours auparavant, soit le 21 mai, le Président américain Donald Trump se rendait en Arabie Saoudite et, devant la cinquantaine de pays arabes et musulmans réunis à cette occasion, il appelait à une guerre sans merci contre le terrorisme et ceux qui le financent. L’ère Obama, grand défenseur des frères musulmans, était enterrée.

Pour l’Arabie Saoudite, le temps est donc venu de régler plusieurs problèmes à la fois. Celui des frères musulmans, rivaux de toujours ; celui du Qatar qui joue un jeu inadmissible pour les monarchies sunnites du Golfe ; et –par-dessus tout- celui de l’Iran et de sa constellation chiite dans la région.

L’avis étant partagé, d’emblée par 3 alliés –les Emirats Arabes Unis, Bahreïn et l’Egypte- un signal fort, tel que la rupture des relations diplomatiques avec le Qatar, n’avait plus de raison d’attendre.

Une bombe…

Certes, ce n’est pas la 1ère fois que l’Arabie Saoudite, les Emirats et Bahreïn décident d’en découdre avec le Qatar. En 2014, ces 3 pays avaient déjà rappelé leurs ambassadeurs au Qatar, reprochant à l’Emirat de soutenir les islamistes de Tunisie, d’Egypte, de Syrie, de Gaza et du Liban. Le rappel avait duré huit mois (jusqu’à ce que le Qatar ait extradé les opposants saoudiens et interdit -sur Al Jazira- les prêches de cheikh Qaradawi).

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Ce n’est pas la 1ère fois, mais aujourd’hui, le contexte n’est pas le même qu’en 2014.

Ce qui a changé ? Au moins 5 éléments majeurs sont à prendre en compte.

D’abord, l’équilibre des forces dans la région. Depuis la destruction de l’Irak, le croissant chiite s’est considérablement élargi. Et à la faveur de la guerre de Syrie, un nouvel axe est né: l’axe russo-chiite où l’Iran, sorti de l’isolement par l’administration Obama, partage le leadership avec Poutine.

Ensuite, il y a la nouvelle administration américaine avec, à sa tête, un Président dont les positionnements ne sont pas facilement décryptables. L’Arabie Saoudite et ses amis ont pu le constater, à l’occasion de cette crise avec le Qatar… Un record de grands écarts dans les déclarations faites par Donald Trump, à ce sujet!

Le troisième élément de changement qu’il est difficile de ne pas garder en tête, c’est la montée en puissance des nébuleuses radicales telle que Daech, qui minent le monde musulman et mettent en compétition sanglante plusieurs «Islams», en plus de la rivalité historique entre sunnites et chiites.

L’autre changement, également à prendre en considération, concerne le Qatar. Non seulement cet Emirat ne peut pas être abandonné par les Etats Unis, quoi qu’il en soit. Et ce, pour des raisons stratégiques: il abrite la plus grande base militaire américaine de la région… Mais il a aussi, par ses propres moyens (justement contestés par les autres monarchies du Golfe), réussi à renforcer sa stature à l’échelle régionale.

Enfin, l’Arabie Saoudite sait, sans qu’il soit besoin de le préciser, que la donne a tout autant changé pour elle. Les «Warnings» la concernant sont plus nombreux: insurrection de la minorité chiite à l’Est du pays, encouragée par l’Iran ; enlisement dans la guerre du Yemen où les Houtis sont soutenus par l’Iran ; affaiblissement de la rente pétrolière, autosuffisance des Etats Unis en hydrocarbures et, donc, moins de complaisance… (Ce que l’Arabie saoudite, qui n’en ignore rien, tente de compenser par les contrats d’armement).

Ainsi, compte tenu du contexte, si la crise entre le Qatar et ses pairs du CCG dégénérait, les risques seraient énormes au vu des enjeux et du nombre d’intervenants éventuels, dont les intérêts divergent.

Cette crise, selon de nombreux observateurs, est une véritable bombe à retardement.

D’où les nombreuses médiations proposées… Mais aussi, les jeux troubles d’intervenants suspects qui, sous couvert d’offrir leurs services pour un rapprochement des vues, tentent de conforter leurs positions et servir leurs propres agendas.

Et nous, dans tout ça ?

Quand la crise a éclaté (rupture des relations annoncée le 5 juin), il s’est écoulé une semaine avant que le Maroc n’informe officiellement sur sa position.  

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Le 11 juin, un communiqué du ministère des Affaires étrangères a apporté la réponse à la principale question posée: face à cette crise entre membres du CCG, que va faire le Maroc ?

Le Maroc a choisi d’observer une position de «neutralité constructive».

Le Roi Mohammed VI entretient des liens d’amitié maintes fois confirmée avec ses pairs, les Rois et Emirs du Golfe. Dès l’annonce de la rupture des relations diplomatiques, le Souverain a pris contact avec les parties et tenté d’apaiser les esprits. Se ranger derrière une partie, c’est d’une part accepter la division ; et d’autre part se disqualifier pour toute médiation.

Les communiqués suivants ont explicité le positionnement du Maroc, semblant répondre à de possibles critiques…

Des critiques, parfois sous-entendues, parfois instrumentalisées, qui provoquent la colère dans l’opinion publique marocaine.

Les arguments ne manquent pas pour défendre une position officielle  jugée sage…

D’abord, le Maroc n’est pas seul à avoir choisi la neutralité constructive. Au sein-même du CCG, le Koweït a fait pareil et le Sultanat d’Oman n’a pas davantage rompu ses relations avec le Qatar.

Le Maroc, sunnite par excellence, ne peut pas non plus être soupçonné de ménager l’Iran. Lui qui a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran, en 2009, en solidarité avec les monarchies du Golfe, notamment avec Bahreïn… Qui s’est également solidarisé avec les Emirats Arabes Unis contre l’Iran, en 2015, dans l’affaire des 3 îles que défendent les Emirats face à l’Iran… Et qui s’est totalement solidarisé avec l’Arabie Saoudite en contribuant, avec officiers et avions de combats, à la coalition conduite par Ryad au Yemen… Faut-il rappeler tout cela ?  

Enfin, si le Maroc a proposé cette fois-ci ses bons offices au lieu de ses bons officiers, il est totalement en phase avec son souci majeur de préserver la sacro-sainte stabilité où que ce soit. Et particulièrement dans cette région du Golfe où n’importe quelle étincelle peut déclencher une guerre et où les guerres qui commencent n’ont jamais de fin.

Dans les milieux politico-médiatiques, la position du Maroc (qui, dans une certaine mesure, rejoint celle de la France, si l’on retient ce qu’en a dit le Président Emmanuel Macron, lors de sa visite-éclair au Maroc) est applaudie.

Même s’il semble que certains veuillent mêler le dossier du Sahara à cette crise qui en est loin.

Entre les menaces de représailles à peine voilées d’éventuel retrait du soutien saoudien au Maroc, dans le dossier du Sahara, ressortant d’émissions télévisées ; et l’inévitable interférence du pouvoir algérien qui s’est empressé de dépêcher le conseiller de Boueflika, Tayeb Belaïz auprès de l’Arabie Saoudite (avec laquelle pourtant Alger n’a que peu de points de convergence)… Le Maroc officiel a fait une proposition de bons offices et en est resté là…

Bahia Amrani

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Un commentaire

  1. Un régime comme le régime d’alger n’as pas de fiérté c’est normale c’est un régime voyou traitre

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