Conjoncture économique au Maroc | Les arguments-choc du Wali de Bank Al-Maghrib

Les Arguments Choc Du Wali De Bank Al Maghrib

Le patron de la Banque Centrale du Maroc, Abdellatif Jouahri, est connu pour sa verve et sa totale absence de langue de bois.

Mardi 22 septembre, lors de la conférence de presse qu’il a donnée (en visioconférence), à la suite de la réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib, il a battu tous les records d’un tel exercice.

Suivie par un auditoire qui a dépassé les 260 personnes, la conférence a duré près de 3 heures ! Et le détour en valait la peine. Car les explications du Wali de Bank Al-Maghrib sont un précieux éclairage sur les choix du pays en matière de stratégie macro-économique, de politique monétaire, de gouvernance du secteur bancaire, ou encore de gestion des avoirs officiels de réserve… 

Abdellatif Jouahri l’a dit: «quand on explique les choses aux gens, ils les comprennent et les acceptent». Dieu sait si tout ce qu’il a dit a été compris et accepté, mais le propos avait le mérite d’être clair et franc.

D’entrée de jeu, le Wali expose la réalité sans fard, en même temps d’ailleurs que l’erreur d’appréciation faite en juin dernier par Bank Al-Maghrib (BAM). «L’économie nationale devrait connaître, selon le scénario retenu par BAM, une contraction de 6,3% en 2020, au lieu de 5,2% prévu en juin». Ce n’est pas à proprement dit «une erreur». Il s’agissait d’une estimation qui a été biaisée par «l’effet conjugué des conditions climatiques défavorables et de la pandémie du Covid-19». En clair, les 2 éléments qui ont faussé les prévisions de BAM sont la sécheresse et la crise sanitaire de Covid-19. C’est à cause d’eux que l’économie a connu ce recul inédit de 6,3%.

Et A. Jouahri ne cherche pas à rassurer artificiellement. Il annonce que «en 2021, la croissance économique rebondirait à 4,7%», mais il le dit et le répète à plusieurs reprises: «les incertitudes qui pèsent sur l’économie sont exceptionnellement élevées, du fait de la pandémie dont on ne peut prévoir l’évolution ; de ses retombées ; et de la capacité du pays à y faire face… Il ne s’agit pas de projection, mais de simple scénario!», met-il en garde.

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Il faut attendre la fin de l’année pour avoir une idée plus claire. Les chiffres seront plus précis fin décembre, à la prochaine réunion trimestrielle du Conseil de Bank Al-Maghrib. «Nous verrons en décembre si nous avons été optimistes ou pessimistes», laisse-t-il tomber.

Cependant, cette sévère pandémie et le retournement de situation qu’elle a causé ne font pas perdre le Nord au Wali Jouahri.

Plusieurs fois primé, à l’international, en tant que meilleur gouverneur de Banque centrale, il reste vigilant, droit dans sa rigoureuse gestion qui lui a valu toutes les distinctions qui lui ont été attribuées outre-Atlantique ou dans le continent.

Il se dit certes prêt à lâcher du lest, chaque fois que cela est nécessaire pour ce qu’il appelle «le financement sain de l’économie», mais totalement opposé à ce qu’il qualifie de «solutions simplistes».

Lâcher du lest, il rappelle que BAM l’a fait. Le taux directeur a été deux fois revu à la baisse, en mars et en juin, pour être fixé à 1,5%. Cette fois-ci, cependant, BAM estime que «les conditions de financement de l’économie restent adéquates et que donc le taux directeur restera inchangé à 1,5%».

Du lest également au niveau des mesures prudentielles. Libérer intégralement la réserve obligatoire des banques (taux de réserve désormais à 0%), suspendre la distribution des dividendes pour préserver les fonds propres… Cela fait partie des mesures de souplesse. «On a réglé le problème des liquidités !», déclare A. Jouahri qui ajoute aussitôt: «Mais on ne doit pas arriver à une situation qui fragiliserait le secteur bancaire !». «Il faut que le secteur bancaire garde ses mesures prudentielles !», tranche le gouverneur de la Banque centrale qui rappelle que le Maroc s’est fait (positivement) remarquer en se soumettant systématiquement aux mesures prudentielles de Bâle 1, puis Bâle 2, puis Bâle 3…

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S’agissant des «solutions simplistes», parmi celles qu’il rejette catégoriquement, il s’attarde sur celle qui l’irrite presque: le recours à la planche à billets. «Planche à billets ? Non. Soyons sérieux. Il ne faut pas céder à ces idées !», sermonne-t-il. Et d’ajouter: «Quand, structurellement, vous avez des importations qui font le double des exportations, il ne faut pas de solutions simplistes… On ne peut pas précipiter le pays dans une situation d’insolvabilité, avec 35 millions d’habitants».

Pas de nouveau recours à la LPL non plus (LPL: Ligne de Précaution et de Liquidité du FMI). «On est sorti de la LPL !», lance le Wali, expliquant: «Pour la LPL, il y a 5 conditions à remplir dont 3 importantes et 2 qui le sont un peu moins. Pour nous, ce n’est pas le moment, avec la pandémie…».

Pour ce qui est d’éventuelles mobilisations de financements extérieurs, Abdellatif Jouahri rappelle que deux sorties du Trésor sur le marché financier international étaient à l’ordre du jour, l’une en 2020, l’autre en 2021. Mais «il faut tenir compte des conditions du marché», a-t-il précisé.

Les conférences de presse de Abdellatif Jouhari sont toujours un événement pour ceux qui suivent de près la situation économique, financière et monétaire du pays.

Celle de ce 22 septembre l’était encore plus, compte tenu de la conjoncture, si profondément marquée par la pandémie Covid-19.

Bahia Amrani

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