L’Egypte se veut le leader du monde arabe anti-djihadiste et elle passe à l’action.
Le maréchal Al-Sissi a déclaré la guerre au groupe Etat islamique. L’intervention du Caire contre les djihadistes est un événement important qui va mettre tous les pays arabes face à leurs responsabilités et leurs engagements.
Les Egyptiens sont déjà en guerre dans leur propre pays contre un terrorisme lié de plus en plus à Daech. La menace du développement des conflits extérieurs est donc pour le régime une question de vie ou de mort.
Le président égyptien, Abdelfattah Al-Sissi, a mis sa menace à exécution. L’armée égyptienne a lancé, le lundi matin 16 février, ses premières frappes en Libye contre l’organisation terroriste Etat islamique (EI). Cette action fait suite à la diffusion d’une vidéo montrant 21 Egyptiens coptes égorgés par un groupe d’hommes masqués et habillés en noir et se revendiquant de l’organisation terroriste EI, dont la présence en Libye a été notoirement déclarée dans la ville de Derna en octobre dernier.
Comme le rappelle le quotidien égyptien Daily News, ces frappes aériennes ont commencé quelques heures après le discours télévisé du président égyptien Abdelfattah Al-Sissi, qui avait annoncé: «l’Egypte se réserve le droit de riposter le moment opportun». Il a également ajouté que le gouvernement continuera «la stricte mise en œuvre» de l’interdiction aux Egyptiens de voyager en Libye et que le retour des Egyptiens vivant en Libye sera facilité et sécurisé.
Après avoir frappé l’Etat islamique en Libye, le raïs a demandé une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies pour une intervention militaire d’une coalition en Libye.
«Il n’y a pas d’autre choix», a-t-il affirmé, sinon ce pays va se transformer en «terreau» du terrorisme et menacer, outre son pays, «le bassin méditerranéen et l’Europe».
A la question de savoir si l’armée égyptienne allait de nouveau bombarder les positions des djihadistes en Libye, il a répondu: «Nous avons besoin de refaire une telle réponse, mais ensemble pour arrêter le terrorisme». D’autant que l’intervention en Libye ouvre un nouveau front pour l’armée égyptienne qui peine déjà à contrer sur son territoire des djihadistes affiliés à l’EI. L’Egypte, en effet, est en permanence menacée à l’intérieur.
M. Al-Sissi se pose donc désormais en allié des Occidentaux dans la lutte contre le terrorisme. Après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, en juillet 2013 et la répression des manifestations de ses partisans, les Occidentaux avaient d’ailleurs rapidement dû admettre qu’ils ne pouvaient malgré tout pas l’isoler -et donc l’Egypte-, au moment où l’EI gagnait du terrain dans la région.
Cette intervention militaire assumée a des conséquences diplomatiques au sein même du monde arabe.
«Avec ses réserves, le Qatar a révélé son appui au terrorisme», a déclaré Tarek Adel, représentant permanent d’Egypte à la Ligue arabe. Les accusations émises par l’Egypte au Qatar font suite aux réserves émises par ce dernier sur un paragraphe du communiqué, sur «le droit de l’Egypte à la légitime défense», s’agissant des raids égyptiens perpétrés sur des positions de Daech en Libye, en représailles au meurtre de 21 coptes égyptiens. Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) a condamné les accusations égyptiennes contre le Qatar de soutenir le terrorisme, lors de la réunion des représentants à la Ligue arabe consécutive aux raids égyptiens sur la Libye. Doha a rappelé son ambassadeur en Egypte pour consultations. Cependant, ces raids n’ont pas été condamnés, mais soutenus même dans des déclarations ambiguës. Le Qatar nie vigoureusement soutenir l’EI et ses responsables répètent qu’ils ne financent pas de radicaux, mais des groupes modérés, en coordination avec des agences de renseignements occidentales, dont la CIA.
L’expert britannique, Christopher Davidson, rappelle que le Qatar a été un allié loyal des Etats-Unis depuis le début du Printemps arabe en 2011. Mais c’est la radicalisation de certaines factions qui a donné lieu aux accusations contre Doha. «Je ne partage pas l’accusation selon laquelle le Qatar joue un double-jeu», dit-il, ajoutant: «Depuis le début de l’administration Obama, le Qatar s’est positionné comme un second violon utile au Moyen-Orient».
Il faut savoir que les relations tendues entre le Qatar et l’Egypte ne datent pas d’aujourd’hui. Par exemple, en janvier 2014, le ministère égyptien des Affaires étrangères avait convoqué l’ambassadeur du Qatar pour protester contre les critiques de Doha concernant la répression des Frères musulmans depuis la destitution du Président Morsi en juillet 2013.
Mais face à la position des autres pays arabes, qui avaient décidé de soutenir la politique du Président Abdel Fattah Al-Sissi, le Qatar s’était senti obligé de les rejoindre à la fin de l’année 2014. Ce différend avec l’Egypte pourrait compliquer les efforts de Washington qui cherche à consolider le front contre l’organisation Etat islamique (EI) au sein de la coalition internationale antijihadiste en Syrie et en Irak, à laquelle le Qatar participe.
«Obama veut savoir comment le Qatar prévoit de gérer ses relations avec l’Egypte», explique M. Stephens, chef du Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI).
Patrice Zehr
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Al-Sissi protecteur des chrétiens
Le Liban compte 5.000 coptes, tous, bien sûr, originaires d’Egypte. La communauté a été reconnue par l’Etat libanais en 1994 comme étant la dix-huitième communauté religieuse du pays. Le 22 février, nombre de personnes ont eu les larmes aux yeux quand le prêtre Roueiss Al-Ourachalimi a évoqué «les 21 martyrs tués par l’Etat islamique».
Interrogé sur la situation actuelle des coptes en Égypte, le dignitaire religieux a indiqué à «L’Orient-Le Jour» qu’elle «est excellente». «Sur le plan de la foi, elle a toujours été excellente. Actuellement, sur le plan de leur place dans le pays, elle est aussi excellente», a-t-il souligné.
Tout comme ses paroissiens, il évoque les mesures prises par le président Abdel Fattah Al-Sissi, après l’assassinat des 21 coptes, notamment la visite qu’il a effectuée à Alexandrie pour présenter ses condoléances au pape Tawadros II et le fait qu’il ait décrété un deuil national de sept jours en Égypte, ainsi que les frappes aériennes que Le Caire a lancées contre des cibles de l’Etat islamique en Libye.
«Le président égyptien est modéré, il aime les chrétiens de son pays. Notre situation est actuellement excellente et j’espère qu’elle s’améliorera», ajoute le père Ourachalimi.
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Egypte : La stratégie de la répression
Depuis qu’il a destitué l’islamiste Mohamed Morsi, en juillet 2013, l’ex-chef de l’armée et actuel président, Abdel Fattah Al-Sissi, est accusé d’avoir instauré un régime bien plus autoritaire que celui de Hosni Moubarak renversé par une révolte populaire en 2011. Les partisans des Frères musulmans -confrérie classée organisation terroriste- et les militants révolutionnaires sont les cibles de cette féroce répression.
Dans les mois qui ont suivi l’éviction de Mohamed Morsi, plus de 1.400 personnes ont été tuées dans la répression des forces de l’ordre, tandis qu’au moins quinze mille pro-Morsi ont été emprisonnés. Des dizaines de militants laïcs et de gauche, qui avaient soutenu l’éviction de Mohamed Morsi avant de s’élever contre les nouvelles autorités, ont également été emprisonnés pour des rassemblements illégaux. Un tribunal égyptien a confirmé, le 2 février 2015, la condamnation à mort de cent quatre-vingt-trois partisans des Frères musulmans accusés d’avoir tué treize policiers en août 2013. Ces assassinats avaient eu lieu quelques heures après que les forces de l’ordre eurent tué au Caire plus de sept cents manifestants partisans du président islamiste destitué, Mohamed Morsi. Le même tribunal avait condamné à la peine capitale, le 2 décembre 2014, en première instance, cent quatre-vingt-huit hommes accusés d’avoir participé à un raid contre un commissariat de police de Kerdassa, dans la banlieue du Caire, le 14 août 2013.