Guillaume Devin, Professeur Sciences Po – Paris (France)

Guillaume Devin, Professeur Sciences Po – Paris (France)

«La France pour une solution négociée de la question du Sahara»

«Le Reporter» a rencontré Guillaume Devin à la 44ème session de l’Académie du Royaume du Maroc qui s’est tenue à Rabat, du 24 au 26 janvier 2017, autour du thème «De la Modernité aux Modernités». Entretien.

De quelle manière le thème de cette 44ème session de l’Académie du Royaume du Maroc, «De la Modernité aux Modernités», vous interpelle-t-il? Vous avez dit à ce propos: «Le Maroc est dans l’Europe et l’Europe est dans le Maroc. C’est-à- dire?

Ce que j’ai voulu dire, c’est que le Maroc est dans le monde comme un pays qui participe à la coopération internationale et le monde est dans le Maroc, dans le sens que celui-ci est un Good-Citizen, un pays qui joue le jeu de la coopération.

Un bon élève?

Absolument. Donc, le Maroc, c’est aussi une partie présente des conventions internationales. Dans tout cet effort, il essaie de pacifier les relations internationales.

Malgré les conflits que vit le monde, celui-ci n’a jamais été aussi coopératif. Comment expliquez-vous cet état de fait?

C’est justement ce que j’ai essayé de démontrer dans ma communication devant cette auguste Assemblée. C’est que jamais il n’y a eu autant de dispositifs de coopération internationale: organisations internationales, règles de droit, négociations internationales et tous les autres acteurs qui participent à la coopération internationale: les ONG, les Fondations…

Les entreprises?

Bien évidemment. De ce point de vue, donc, jamais dans le monde il n’y a eu autant de dispositifs de coopération internationale; même si nous savons tous qu’il y a encore beaucoup de conflits à travers la planète, notamment au Moyen-Orient.

La paix qui repose sur un équilibre des forces est fragile…

… Oui, sur la sécurité collective. Je crois quand même que l’idée avance tout doucement et fait son bonhomme de chemin, que la paix ne peut pas reposer uniquement sur l’équilibre des forces, mais aussi sur une union des forces.

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Autour de valeurs communes?

Bien évidemment.

Lesquelles en priorité?

Des valeurs de respect de la différence, de l’égalité et de la liberté.

Y a-t-il alors besoin d’opposer puissance et coopération?

Non, parce que, dans la coopération, il y a toujours des rapports de force. Donc, il ne faut pas opposer la coopération et la force, mais plutôt essayer de montrer que la coopération gagne du terrain sur les actions de force, notamment les actions unilatérales de force.

Nous l’avons bien vu lorsque les Etats Unis d’Amérique sont intervenus unilatéralement en Irak. Les conséquences ont été, de l’avis général, catastrophiques. Je crois que les USA et l’ex président Obama en avaient tiré les leçons. Je crois aussi qu’aujourd’hui, même un homme aussi imprévisible que Donald Trump doit aussi se rende compte que les Etats Unis ne sont plus seuls dans le monde.

Vous avez évoqué le système onusien…

L’élargissement du mandat, c’est ce que j’ai évoqué. C’est que, dans la conception traditionnelle de la sécurité au sein du système onusien, la sécurité, c’est essentiellement celle des Etats et des militaires. Or, aujourd’hui, on sait très bien que, pour construire des sociétés stables et un monde qui l’est aussi, la sécurité c’est du même coup la sécurité économique, celle environnementale, celle des citoyens et pas simplement celle des Etats.

Est-ce que vous ressentez une certaine résistance, plus particulièrement de la part des pays arabes et musulmans, à cette modernité ?

La résistance est là et l’on sait qu’il faut élargir la notion de sécurité. Mais, en même temps, les responsables sont encore très prudents et très réservés. Je dirais même très résistants à l’idée de rendre des comptes à la fois à leurs citoyens et à la communauté internationale.

Le monde arabo-musulman estime que les Occidentaux veulent s’approprier cette notion de modernité -un produit occidental à leur mesure- et, en même temps, veulent que le monde consomme ce produit…

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Je crois personnellement que l’expérience de la coopération internationale, telle qu’elle se développe, montre qu’il s’agit de plus en plus d’une entreprise qui ne peut marcher que si elle est partagée avec un respect des différences, en allant ensemble, tout de même, dans la direction qui est celle de la stabilité et du respect des citoyens.

Et concernant l’exemple du Royaume du Maroc?

Le Maroc, comme je l’ai dit, c’est un bon citoyen dans la coopération internationale. Je pense qu’il joue un rôle positif dans cette idée et que nous avons des valeurs partagées, mais que, en même temps, nous avons chacun ses différences.

La politique africaine du Maroc?

C’est une question quelque peu délicate, je dois l’avouer. Probablement que, là encore, nous n’avons pas avancé suffisamment pour trouver une solution raisonnable à la question du Sahara.

Que faire pour cela, sachant que le Maroc a proposé un projet d’autonomie que le monde approuve?

Il faudrait peut-être envisager de nouveau de renforcer les efforts pour se mettre autour d’une table et trouver une solution négociée.

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L’idée du Maroc, c’est d’essayer de rassembler des soutiens pour une solution, lesquels soutiens permettront de maintenir le Sahara sous sa souveraineté. Parce qu’il considère que le Sahara fait partie de son territoire. Il faudrait trouver au moins une solution autour d’une autonomie renforcée qui pourrait rallier la majorité des populations concernées.

Et le rôle de la France qui connaît très bien le dossier pour avoir été une puissance coloniale?

Le rôle de la France est délicat, parce que nos amis marocains, nous ne voulons pas les contrarier et, en même temps, nous aimerions bien que cette solution trouve une issue négociée.

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

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