Entretien exclusif avec Nabil Benabdallah, Secrétaire Général du PPS

Mohamed Nabil Benabdallah,PPS,PAM,Istiqlal

«Si le PPS avec le PAM et l’Istiqlal, parviennent à représenter une alternative à la majorité actuelle désunie, ça serait une bonne chose»

C’est au siège de son parti que le Secrétaire Général du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), Mohamed Nabil Benabdallah, a accueilli «Le Reporter», lundi 14 juin 2021 en fin d’après-midi.  Courtois et avenant comme à son habitude, Benabdallah s’est livré à cœur ouvert et sans langue de bois, au jeu des questions réponses.  Préparatifs pour les élections régionales, communales et législatives, prévues en septembre 2021, alliance avec le PAM et le Parti de l’Istiqlal, quotient électoral, chantiers prioritaires pour le prochain gouvernement, vision du Maroc pour les années à venir, bilan du gouvernement El Othmani… Des interrogations parmi tant d’autres auquel notre interlocuteur a apporté des réponses claires et précises. Entretien.

Le compte à rebours est enclenché pour les élections communales, régionales et législatives. Les différentes formations politiques se préparent à ces échéances. Quid du Parti du Progrès et du Socialisme (PPS)?

En tant que formation politique qui dispose de structures solides et une démocratie interne vivace, le Parti du Progrès et du Socialisme se prépare aux élections depuis un bon moment. Nous avons veillé à ce que nos structures organisationnelles sur le plan local, provincial, régional et au niveau des secteurs socioprofessionnels et organisations parallèles, soient en ordre de combat.

En outre, le PPS a ouvert ses rangs à de nouveaux militants tout en renforçant les candidatures internes au parti. Ce travail, nous le continuons aujourd’hui, pour arriver comme c’est le cas depuis une vingtaine d’années, à couvrir l’ensemble des quatre-vingt-douze circonscriptions parlementaires et, de manière plus large, les circonscriptions régionales, les Chambres professionnelles. Mais aussi et ça c’est le plus dur à faire, couvrir les 1.503 communes à l’échelle nationale. Cela nécessite de présenter près de 30.000 candidats. Par ailleurs, nous travaillons depuis bientôt six mois sur le programme global que nous comptons présenter aux citoyens aussi bien au niveau national, régional, que dans certaines grandes villes du Royaume. Outre le fait que nous développons une approche novatrice en termes de politique de la ville et de la municipalité, nous accordons une importance majeure au volet de la communication. L’objectif est de porter la voix du PPS. Il s’agit aussi d’inciter les citoyens à s’inscrire sur les listes électorales, se déplacer aux urnes pour faire entendre leurs voix et pourquoi pas, placer leur confiance dans le parti. Cette action multiforme nécessite des ressources financières importantes, notamment pour un parti comme le nôtre.  La question qui se pose aujourd’hui et de savoir comment faire en sorte que nous puissions avoir les fonds nécessaires pour atteindre tous ces objectifs, sachant que les subventions accordées par l’Etat ne sont pas suffisantes.

Le PPS, le PAM et le Parti de l’Istiqlal ont annoncé leur rapprochement en juillet 2020, en présentant un mémorandum commun sur la réforme électorale. Assiste-t-on à une nouvelle alliance préélectorale ou est-ce une simple coordination de circonstance?

Il est bon aujourd’hui que se manifeste une opposition qui joue son rôle d’interpellation du gouvernement et d’animation de la vie politique. Avant que le PPS ne rejoigne les rangs de l’opposition en octobre 2019, cette dernière se composait principalement des partis de l’Authenticité et de la Modernité, de l’Istiqlal et de la Fédération de la Gauche Démocratique. Malheureusement, il n’y avait aucune coordination entre ces trois structures. Le Parti du Progrès et du Socialisme a œuvré pour que les principales composantes de l’opposition synchronisent leurs actions. A partir de là, nous avons développé des approches communes que ce soit à l’intérieur du Parlement où lorsqu’il s’agissait de mener certaines initiatives politiques. Parmi ces initiatives, celle qui a abouti à la tenue d’une réunion, en juillet 2020, entre le PPS, le PAM et le Parti de l’Istiqlal avec le Chef de gouvernement et le ministre de l’Intérieur au sujet de la situation politique globale au Maroc et les moyens à-même d’insuffler une nouvelle dynamique globale au Royaume, surtout après l’impact aigu causé par la pandémie due à la Covid-19 sur différents domaines de la vie quotidienne. Sur le volet politique, le PPS, le PAM et l’Istiqlal ont élaboré un mémorandum commun pour appeler à une détente au niveau de la scène politique nationale, mais aussi pour demander à ce que les préparatifs des prochaines élections démarrent au plus tôt. En outre, le PPS, a réagi de manière concertée avec ses alliés politiques, à un certain nombre d’événements qui ont marqué la scène politique au Maroc. Si nous parvenons avec le PAM et l’Istiqlal, à représenter une alternative à la majorité actuelle désunie, ça serait une bonne chose. En tout état de cause, le Parti du Progrès et du Socialisme veille à ce que cette coordination tripartite aille le plus loin possible. 

Abdelahad Fassi Fihri, membre du Bureau politique du PPS

Pas d’alliances possibles avec d’autres partis?

Le mode de scrutin, le score réalisé par les différents partis, sachant qu’aucune formation politique ne peut diriger à elle seule la majorité, imposent de se retrouver dans des alliances gouvernementales qui ne sont pas forcément les plus homogènes. Au PPS, le principal axe d’alliances politiques tourne autour des programmes, c’est le plus important. C’est pour cette raison que nous sommes toujours restés ouvert à toute proposition, à partir du moment où nous sommes convaincus que la structure gouvernementale à laquelle nous participerions éventuellement, est capable de mettre en œuvre les réformes fondamentales dont le Maroc a besoin. Néanmoins, nous donnerons la priorité aux partis politiques qui sont avec nous dans l’opposition

Le calcul du quotient électoral se fera désormais non plus sur la base des votants mais sur celle des inscrits sur les listes électorales. A votre avis, dans quelle mesure le PPS en tirera-t-il profit ?

Nous avions proposé que le quotient électoral soit calculé sur la base des votants. Dans le cadre d’un package qui a été discuté avec l’ensemble des autres formations politiques par le ministère de l’Intérieur, il a été décidé de manière fortement majoritaire, d’adopter le quotient électoral sur la base des inscrits. Il semble que ce mode de calcul ne permette à aucun parti d’avoir deux sièges dans une même circonscription. Le PPS qui, souvent, se plaçait dans des circonscriptions à trois sièges en quatrième position ou dans des circonscriptions à quatre sièges en cinquième position, peut tout comme d’autres formations politiques, tirer profit de ce changement. Pour être franc avec vous, je ne pense pas que le problème du mode de scrutin en vigueur au Maroc se réglera par une simple modification du mode de calcul du quotient électoral.  Le PPS a des solutions beaucoup plus profondes à proposer. Nous ne sommes pas les seuls à décider et nous respectons la règle de la majorité en démocratie.

La Commission spéciale sur le modèle de développement a livré son rapport final qui présente la stratégie de transformation du Maroc à l’horizon 2035. Quelle convergence avec le programme électoral proposé par le Parti du Progrès et du Socialisme?

Le nouveau modèle de développement a apporté une note très critique en termes de diagnostic sur un certain nombre de secteurs et a également donné des axes stratégiques de développement importants. Plusieurs propositions contenues dans le rapport de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement, convergent avec la vision du Parti du Progrès et du Socialisme pour le Maroc de demain. Cette vision consiste à créer un climat général serein, placer l’élément humain au centre de tout process de développement. De même, nous demeurons convaincus qu’il est primordial de renforcer le rôle de l’Etat en tant qu’orientateur et régulateur de l’économie, tout en investissant dans des secteurs porteurs. A son tour, le secteur privé a un rôle clé à jouer, à condition qu’il investisse de manière productive dans l’économie nationale. Parmi les points de convergence que nous retrouvons également dans le rapport de la Commission Spéciale, on peut citer l’aspect social auquel le PPS accorde une place centrale. Il est de notre devoir en tant que responsables de porter haut l’Education, la Santé publique, la protection sociale (couverture médicale, retraire, allocations familiales, indemnités pour perte d’emploi). Aujourd’hui, la généralisation de la protection sociale à tous les Marocains est l’un des chantiers majeurs lancé par SM le Roi Mohammed VI.  L’autre chantier que nous appelons à accélérer et que nous retrouvons dans le rapport général de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement concerne la territorialisation, la décentralisation et la déconcentration des pouvoirs, outre l’investissement dans l’économie verte. N’oublions pas la lutte anti-corruption, la réforme de la justice, et la simplification des procédures administratives qui doivent être placées au cœur des préoccupations du prochain gouvernement. Enfin, le rôle de la culture en tant que levier non économique de développement, ne doit pas rester le parent pauvre des politiques publiques. La culture contribue au rayonnement de la civilisation marocaine et devrait constituer un facteur d’unité des rangs. Malheureusement, la culture est beaucoup moins présente dans ledit rapport. Cela étant dit, il ne faut pas se leurrer. En l’absence d’acteurs politiques qui concourent électoralement et agissent pour diriger les communes, les provinces, les régions, avoir une majorité au Parlement et former un gouvernement digne de ce nom,  je crains que le rapport sur le nouveau modèle de développement reste lettre morte. Je rappelle que le PPS a toujours insisté sur la nécessité de restaurer la confiance entre citoyens et politiques. J’espère que les prochaines élections permettront l’émergence d’une majorité homogène, forte, capable de mener les réformes dont le Maroc a besoin.

** Maroc-Elections-Listes des partis (1)

A  l’approche de la fin du deuxième mandat du PJD à la tête du gouvernement, comment évaluez-vous le bilan de la majorité?

Nous sommes en phase électorale et donc je peux faire le bilan de l’actuel Exécutif et non pas du précédent qui, à mon sens, était un peu plus homogène et qui a quand même mené quelques réformes intéressantes. Si nous devions comparer le gouvernement actuel au précédent, sans être sévère et tout en restant objectif, eh bien je dirai qu’il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent pour ce qui concerne ce gouvernement, mis à part quelques individualités et des actions éparses de différents ministères. A part ça, en tant que projet global, en tant qu’expérience politique gouvernementale, je dirai qu’elle n’a pas été à la hauteur des réformes attendues! L’actuel gouvernement a montré dès le départ la désunion, l’absence de solidarité à travers des coups bas et la polémique stérile. Comme je le disais alors que j’étais membre de ce gouvernement et même quand moi je n’y étais plus mais que le PPS y était encore, cela a eu un effet contreproductif et a donné une piètre idée de la politique. Et ça continue encore aujourd’hui. C’est pour toutes ces raisons que le PPS a décidé de quitter le gouvernement El Othmani en 2019. Nous avions estimé que notre parti n’avait plus rien à faire dans une majorité qui ne travaillait plus! La pandémie de Covid-19 l’a clairement montré. Au PPS, nous pensons qu’il est temps de tourner la page. Nous avons besoin d’un nouveau gouvernement qui puisse relever les défis auxquels le Maroc fait face. Toutefois, cela ne cela ne veut pas dire que la responsabilité de l’échec du gouvernement El Othmani incombe au seul PJD. Tous les partis qui composent la majorité en sont responsables. Il est indécent que certains essaient aujourd’hui de tirer leur épingle du jeu en s’enorgueillant du travail accompli par leurs ministères respectifs. Le bilan du gouvernement de Saâdeddine El Othmani, avec l’ensemble de ses composantes, n’est pas à la hauteur de ce qu’attendaient les Marocains. 

Entretien réalisé par Mohcine Lourhzal

La phrase

«Le mode de scrutin, le score réalisé par les différents partis imposent de se retrouver dans des alliances gouvernementales qui ne sont pas forcément les plus homogènes». 

«Nous avons besoin d’un nouveau gouvernement qui puisse relever les défis auxquels le Maroc fait face»

«Le PPS a œuvré pour que les principales composantes de l’opposition synchronisent leurs actions» 

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