
Lorsque le collectif GenZ 212, représentant la «Génération Z»marocaine (jeunes de moins de 25 ans ; 212 étant le numéro de code international du Maroc) avait lancé, sur les réseaux sociaux, ses appels à des manifestations dans toutes les villes du pays, pour le samedi 27 septembre et dimanche 28 septembre (2025), il n’y avait pas grand monde pour y croire vraiment, hormis les adhérents du collectif qui étaient au fait des avancées du projet et quelques opportunistes à l’affût d’une aubaine.
Personne en tout cas ne s’attendait à l’adhésion qu’a connu l’événement annoncé et encore moins à la tournure qu’il allait prendre, pendant le week-end et les jours qui ont suivi…
Les autorités n’avaient pas donné d’autorisation à ces manifestations, celle-ci ne leur ayant pas été demandée, puisque le collectif agissant à partir d’une plateforme (Discord) et n’ayant aucun responsable ou représentant officiel ou même officieux, n’a pas suivi la procédure réglementaire.
Mais la GenZ 212 qui, comme toutes les Générations Z du monde, s’accroche à sa devise «Il est interdit d’interdire», ne s’est pas embarrassée de l’interdiction.
Le samedi donc, les jeunes étaient bel et bien au rendez-vous, aux quatre coins du Maroc, dans des manifestations simultanées, avec des revendications que tout le pays reconnaît comme étant indéniablement légitimes: éducation et santé, mais aussi emploi et justice sociale.
Les manifestations ont été annoncées comme étant pacifiques, mais les heurts n’ont pas tardé, Forces de l’ordre et jeunes s’en rejetant mutuellement la responsabilité.
A partir de là, les dérapages et la violence qui va avec sont partis en vrille.
Le pays découvrait alors, avec stupéfaction, un phénomène qui s’est imposé en moins de 24 heures: la GenZ 212.
Mais à part le sigle, la plateforme digitale qui l’accueillait (Discord) et la vague définition de ce qu’il représentait –les jeunes de moins de 25 ans- nulle autre information ne répondait aux mille et une questions qu’une opinion publique, prise de court par son occupation subite de l’espace public, se posait à son sujet.
Qui est GenZ 212 ? Qui a fondé le collectif ? Qui l’encadre ? Qui le dirige ?
Des questions qui devenaient plus cruciales au fur et à mesure que les dérapages s’aggravaient.
Nombreux sont ceux qui sont allés chercher des réponses dans la plateforme-même, s’inscrivant sur «Discord», ou suivant d’autres comptes et plateformes qui se sont greffés sur l’événement.
Ce qui était clair, c’est qu’une armée de déstabilisateurs en embuscade –activistes de l’intérieur, opposants exilés, milices du Régime voisin ennemi de toujours et autre manipulateurs masqués-se sont aussitôt mobilisés pour pousser la colère des jeunes à son summum, allant parfois jusqu’à noyauter le collectif, via «Discord» et en matraquer les membres à coup d’incitations à la sédition.
Il y avait également les opportunistes politiques qui ont couru vers le Mouvement, au prétexte de soutenir les jeunes, mais clairement pour s’offrir une visibilité sur leur dos, à quelques mois des élections et, si possible, les récupérer ou les manipuler.
Les jeunes, depuis longtemps écœurés par ces politiques, non seulement ne sont pas tombés dans leur piège, mais exigent désormaisleur mise à l’écart, voire la dissolution de leurs partis.
D’autres opportunistes sont également entrés sur scène. Parmi ceux-là, il y a ceux qui «la jouent perso» se voyant un avenir politique dans la foulée d’éventuels changements ; et ceux qui se sont attelés à encadrer la GenZ 212 lui promettant de lui assurer un avenir politique…
Mais tout ceci n’a pas éclairé l’opinion publique sur la GenZ elle-même.
En fait, ce sont les événements de la semaine de manifestations qui ont apporté les premières réponses.
Il y a eu, en effet, une ligne claire entre d’une part, la GenZ des jeunes pacifistes porteurs de revendications légitimes, bien qu’aujourd’hui, sous l’influence de leurs encadreurs sans doute, ces revendications ont évolué. Au début, il n’était question que d’éducation, de santé, d’emploi et de justice sociale. Depuis le 3 octobre, les revendications se sont élargies au limogeage du Gouvernement, à la dissolution de partis politiques impliqués dans la corruption, à la libération des prisonniers d’opinion, à une Commission d’écoute nationale pour la reddition des comptes…
Et d’autre part, la GenZ des casseurs où se retrouvent des NEET, des Ultras habitués au vandalisme des stades, des jeunes des quartiers défavorisés et, malheureusement, de délinquants aussi… Ce sont ceux qui ont jeté des pierres aux forces de l’ordre et brûlé leurs véhicules, fabriqué et lancé des cocktails Molotov à Oujda, tenté de fracasser le crâne d’un élément des forces auxiliaires à Inezgane, brûlé plusieurs banques et lancé leurs assauts sur Marjane de Salé, ou encore ceux avec lesquels se sont glissés à El Kliâa des éléments du Polisario pour le saccage de la gendarmerie qui s’est soldé par 3 morts.
La GenZ des pacifiques se désolidarise totalement de cette GenZ des casseurs et appelle les siens à garder les manifestations «Silmiya» (pacifiques).
Des manifestations qui se poursuivaient encore vendredi 3 octobre, certains demandant à ce qu’elles ne cessent qu’à la démission ou au renvoi du Gouvernement.
Le Gouvernement, lui, semble totalement dépassé. Resté inerte tout le long des premières manifestations, ses réactions par la suite, que ce soit au niveau du Chef du Gouvernement, ou à celui des ministres qui n’ont pris la parole que 4 jours plus tard, ont été bien en deçà de ce qui aurait pu calmer les jeunes…
Leur proposer de les recevoir n’allait évidemment pas les faire sauter de joie et leur faire quitter la rue.
Les élus, les Députés, les Conseillers et encore moins les ministres, ne se déplacent même pas sur les lieux de saccage, de peur d’être mal accueillis. Il était pourtant de leur devoir de prendre ce risque. Le Chef du Gouvernement, également élu du Souss Massa, est sévèrement critiqué pour son absence du terrain. C’était l’occasion de constituer une délégation et d’entreprendre une tournée des villes touchées pour prendre des nouvelles des habitants, délivrer des messages aux jeunes, à chaque escale, pour leur dire que leurs revendications sont légitimes, pour leur proposer du concret, au lieu de les convaincre de ce en quoi ils ne croient plus… Un Gouvernement est là pour avoir des idées dans de telles situations… Des idées qui désamorcent tout ce qui peut déstabiliser le pays…
Et maintenant alors ? Si le Gouvernement est incapable de trouver une solution à la contestation ; et que les jeunes continuent de battre le pavé… ?
La défiance decette Génération à l’égard du Gouvernement, du Parlement et de tous les élus, s’est encore accrue. Il n’y a plus de corps intermédiaires efficaces qui puissent anticiper la contestation, ou alors la prendre en charge quand elle éclate.
Que font donc les jeunes ? Ils se tournent vers le Roi. Encore une fois, la patate chaude est laissée au Roi !
La jeunesse marocaine n’a confiance qu’en son Roi.
Cette confiance qu’elle a dite et répétée, y compris en la consignant par écrit, est son premier bon point.
De même que ses appels et recommandations aux siens pour que la stabilité du pays soit sauvegardée et que les biens publics et privés soient préservés sont un autre bon point.
Il lui reste un autre bon point à gagner en mettant volontairement fin aux manifestations. C’est le voeu de tous les Marocains attachés à leur pays. Plus d’une semaine de manifestations suffit. Le message est passé. C’est maintenant le temps des solutions réfléchies… Et là où sont les revendications aujourd’hui, il y en aura.
BA