
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Naser Bourita, a souligné jeudi « le moment inédit » des relations entre son pays et l’Espagne, après la réunion de haut niveau (RAN) qui a réuni aujourd’hui les gouvernements des deux pays à Madrid.
Dans une interview accordée à l’agence EFE, M. Bourita a appelé à trouver des « solutions imaginatives » à certains des principaux points en suspens entre Madrid et Rabat, tels que la demande marocaine de gérer l’espace aérien du Sahara occidental et la discussion en cours sur la délimitation de la frontière maritime au sud-ouest des îles Canaries et à l’ouest du Sahara.
Il a souligné le niveau des relations bilatérales, « sans précédent dans notre histoire », dans des domaines tels que la lutte contre le terrorisme, le contrôle de l’immigration clandestine, les échanges économiques ou les investissements, avec des « chiffres impressionnants ».
« L’Espagne est le premier partenaire économique du Maroc. La coopération en matière de sécurité est exemplaire, la coopération en matière d’émigration est efficace », a-t-il souligné.
M. Bourita a insisté sur le fait que « la relation est un modèle entre les deux rives de la Méditerranée », ce qu’il a attribué à « l’engagement » du roi Mohamed VI et du président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez.
Pour toutes ces raisons, il a déclaré que le Maroc considère l’Espagne comme un « partenaire de référence », et que la réunion d’aujourd’hui, la treizième réunion de haut niveau entre les deux gouvernements, « était une occasion de se réjouir », avec la signature de 14 nouveaux accords et l’identification de nouveaux axes de coopération sectorielle pour l’avenir.
Il a également souligné que la réunion d’aujourd’hui était « un succès » tant « par son contexte que par son contenu ».
M. Bourita a particulièrement apprécié que « la position espagnole sur le Sahara » occidental ait été « un élément important dans cette évolution ».
« Les milieux politiques qui cherchent à contaminer cette relation ont reçu aujourd’hui la meilleure réponse avec la mise en œuvre réussie de notre relation bilatérale », a-t-il déclaré.
Concernant l’espace aérien du Sahara, actuellement géré par l’Espagne, il a jugé « anachronique » qu’un avion effectuant un vol entre Marrakech et El Aaioun ou Dakhla (au Sahara) soit sous la supervision d’une tour de contrôle espagnole pendant une partie du trajet, d’autant plus que la sécurité de l’avion dépend du Maroc.
Quant à la discussion sur les frontières maritimes, où le Maroc réclame l’extension de sa zone économique exclusive (ZEE) au sud-ouest des îles Canaries, dans une zone où se trouvent d’importantes réserves de cobalt, de tellure et de terres rares, il a souligné qu’il s’agit d’une question qui concerne « tout l’espace maritime atlantique ».
Dans les deux cas, le ministre marocain des Affaires étrangères s’est dit convaincu que des « solutions innovantes » pouvaient être trouvées, qui « préserveraient les intérêts de l’Espagne et tiendraient compte des réalités et des droits du Maroc ».
Ministre marocain : « Personne n’a jamais dit que l’autodétermination était synonyme de référendum »
Irene Escudero et Rafael Cañas
Le ministre marocain des Affaires étrangères, Naser Bourita, affirme, dans une interview accordée à l’agence EFE à Madrid, que « nulle part il n’est dit que le droit à l’autodétermination est un référendum », mais qu’il s’agit d’une « volonté » qui peut s’exprimer sous d’autres formes.
« Personne n’a jamais dit que l’autodétermination était synonyme de référendum », a déclaré le chef de la diplomatie marocaine lorsqu’il a été interrogé sur la récente résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, qui s’appuie sur le plan d’autonomie du Maroc mais évoque également le respect du droit à l’autodétermination du Sahara occidental.
Rabat souhaite désormais travailler sur un « plan de solution » qui « concerne tous les Marocains » et pour lequel il a déjà discuté avec les partis politiques, bien qu’aucune date n’ait encore été fixée pour les négociations avec les trois autres parties – le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie -, ajoute M. Burita dans l’interview, à l’issue de la réunion de haut niveau (RAN) que son gouvernement a tenue aujourd’hui à Madrid avec l’exécutif espagnol.
QUESTION : Comment le Maroc a-t-il accueilli la résolution de l’ONU du 31 octobre ?
RÉPONSE : Comme une rupture avec tout ce que l’ONU avait fait jusqu’à présent. Cette résolution a clarifié la base des négociations : le plan d’autonomie marocain de 2007. Elle a précisé l’objectif final des négociations : une véritable autonomie sous souveraineté marocaine. Elle a précisé quelles sont les parties : le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie, le Front Polisario. Et elle a indiqué le calendrier de ces négociations. Pour une fois, nous avons une résolution qui définit les paramètres de la question, la feuille de route des négociations et leur objectif.
Q : Et comment évaluez-vous la position espagnole ?
R : Je pense que l’Espagne et le président (du gouvernement, Pedro) Sánchez ont été les premiers à comprendre qu’il existe une volonté internationale de faire de l’autonomie le point d’ancrage de toute solution. Dans la déclaration de 2022, l’Espagne a déclaré que le plan d’autonomie marocain constituait une base sérieuse et crédible pour la solution. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité a donné raison à cette position adoptée par le président Sánchez.
Q : Et maintenant, quelle est la suite ?
R : La résolution doit être mise en œuvre. Elle demande aux parties de s’engager dans des négociations sur la base du plan d’autonomie du Maroc afin de parvenir à une solution juste, durable et mutuellement acceptable. Dans son discours du 31 octobre, Mohamed VI a annoncé que le Maroc allait actualiser et élargir son plan d’autonomie. (…) Le plan a été préparé en 2007, 18 ans ont passé et beaucoup de choses ont changé au Maroc depuis lors. Nous avons une nouvelle Constitution depuis 2011, une charte de régionalisation depuis 2015, un nouveau modèle de développement… De plus, la région qui nous entoure a changé, le monde a changé.
Deuxièmement, en 2007, l’initiative d’autonomie était une initiative diplomatique. Maintenant que le Conseil de sécurité en a fait la base de la solution, elle doit être plus détaillée. Elle devient désormais un plan, et non plus une initiative (…) Et des consultations ont eu lieu avec les partis politiques, car c’est une question qui concerne tous les Marocains (…) Ensuite, le Maroc présentera ce plan détaillé et actualisé, et je pense qu’il y aura des négociations sur la base de la résolution et, par conséquent, sur la base du plan d’autonomie.
Q : Le Maroc va-t-il négocier avec le Front Polisario ?
R : La résolution a défini les quatre parties qui doivent être présentes à la table des négociations. Le Maroc s’engagera très clairement auprès des trois autres parties identifiées dans la résolution (…) Le Maroc n’a donc pas à se prononcer sur la présence ou l’absence du Polisario. Le Maroc s’alignera et respectera ce qui est prévu dans la résolution.
Q : Des discussions ont-elles déjà eu lieu avec les autres parties ?
R : Non. Nous attendons que le processus soit lancé par ceux qui devront gérer cette négociation. Il n’y a donc pas de date. Le Maroc attend d’être invité à une négociation au moment opportun, mais c’est quelque chose qui doit faire l’objet d’une concertation (…) La résolution fait clairement référence aux États-Unis comme pays qui doit accueillir la négociation. Ils ont donc également un rôle à jouer.
Q : Et dans ce processus, qu’attend le Maroc de ses partenaires européens ?
R : Le Maroc espère que cette question sera définitivement réglée. En présentant le plan d’autonomie, en créant une dynamique en faveur de l’autonomie et en œuvrant pour qu’une résolution soit trouvée, le Maroc a fait tout son possible pour que cette question soit réglée et que nous puissions avancer sur de nombreux sujets, que nous puissions développer notre partenariat avec l’Union européenne.
Q : Quelles garanties le Maroc offre-t-il au peuple sahraoui…
R : À la population
Q : … en ce qui concerne le droit à l’autodétermination ?
R : Le fait que ce plan d’autonomie soit au centre signifie qu’il y a une prise de conscience générale qu’il s’agit d’une base juridiquement pertinente, juridiquement solide et conforme à la Charte des Nations unies et au principe du droit international. Lorsque des pays comme l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas soutiennent ce plan d’autonomie, ils n’agissent pas en faveur de quelque chose qui est contraire à la légalité internationale.
Q : Mais la résolution parle de respecter le droit à l’autodétermination.
R : Nulle part il n’est dit que le droit à l’autodétermination est un référendum, ce qui est dit, c’est que le droit à l’autodétermination est de permettre aux parties d’exprimer une volonté. Je ne pense pas que lorsqu’une personne signe un accord après une négociation, elle n’exprime pas une volonté. Si nous prenons la position de l’Espagne sur Gaza, elle dit qu’il faut signer un accord entre Palestiniens et Israéliens, elle ne parle pas d’un référendum pour savoir si tout le monde est d’accord. L’expression de la volonté des parties après une négociation et lorsqu’elles apposent leur signature sur un document est l’expression d’une volonté. (…) Nous n’avons aucun problème avec l’autodétermination, mais nous sommes contre les interprétations restrictives, anachroniques, à des fins politiques. Personne n’a jamais dit que l’autodétermination était synonyme de référendum, cela n’existe nulle part. (…) Par conséquent, nous pensons que si nous voulons lire la résolution de manière claire et lucide, c’est simple. Si nous voulons l’interpréter politiquement et l’orienter, c’est autre chose.
Q : Vous avez mentionné précédemment qu’il s’agit de la population, ne pensez-vous pas qu’il existe un peuple sahraoui ?
R : Non, il s’agit d’une population. La résolution parle de « people » (peuple/population). Pour nous, « people » signifie population. Et, bien sûr, il n’y a pas de peuple ; il y a une population originaire de cette région et le Maroc interagit avec elle.
Q : Le Maroc accepterait-il un mécanisme de supervision internationale pour la mise en œuvre du futur plan d’autonomie ?
R : Non. Je pense que lorsque l’autonomie sera signée, elle sera mise en œuvre. Pourquoi un mécanisme international ? Je ne pense pas que… Quoi qu’il en soit, ce sont des questions qui seront discutées dans le cadre des négociations. Mais le Maroc estime que la communauté internationale lui a accordé sa confiance en souscrivant à son plan d’autonomie.
Q : Concernant l’espace aérien du Sahara, le Maroc a-t-il proposé aujourd’hui à la RAN le transfert de la gestion ?
R : C’est l’une des questions qui a été clairement soulignée dans la déclaration du 7 avril 2022. Un groupe de travail a été créé pour gérer la question de l’espace aérien et s’est réuni à plusieurs reprises. Nous avons fait des progrès et, bien sûr, c’est un sujet qui est discuté à chaque réunion, y compris celle d’aujourd’hui (…) Je pense que le groupe de travail se réunira bientôt pour faire avancer cette question.
Q : La position du Maroc est-elle le transfert de cette gestion ?
R. Ce que le Maroc dit, c’est qu’aujourd’hui, il n’y a aucun sujet que le Maroc et l’Espagne, dans l’esprit de la relation actuelle – confiance, respect mutuel, partenariat et ambition -, ne puissent résoudre. (…) Pour le Maroc, tout ce qui est anachronique doit être actualisé. Le Maroc et l’Espagne ont la capacité de trouver des solutions imaginatives à toutes les questions qui préservent leurs intérêts mutuels.
Q : Le Maroc considère-t-il donc que la gestion espagnole de l’espace aérien du Sahara est anachronique ?
R : Le Maroc part d’un cas simple. Si vous prenez un avion et que vous voulez vous rendre au Sahara, vous passez par Marrakech et il est clair quelle tour de contrôle vous guide. S’il y a un problème avec l’avion, qui le gère ? Qui est responsable de la sécurité de cet avion ? C’est le Maroc. Dans le respect bilatéral, nous pouvons trouver des solutions qui préservent les intérêts de l’Espagne et qui tiennent compte des réalités et des droits du Maroc.
LR/EFE
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