Pour moi, la campagne, c’est terminé !

Najia, 35 ans, mère au foyer, mariée, a 3 enfants et un petit fils. Pour elle, la campagne, c’est terminé! Voici sa touchante histoire.

«Habiter en ville, j’aime ça plus que tout au monde. Evidemment que m’y acclimater n’a pas été facile au tout début. J’en garde d’ailleurs quelques fameux souvenirs plutôt désopilants. Maintenant, je ne m’imagine pas une seconde retourner vivre sur la montagne, dans mon bled. Mon seul regret de ce lieu concerne ma fille. Ce que je lui souhaite de tout mon cœur, c’est que son destin prenne un jour la même tournure que la mienne. Parce que j’ai mal pour l’avenir de mon petit-fils, s’il devait n’avoir d’autre choix que d’y grandir.

Nous vivions en famille dans notre patelin, logés tout à fait là-haut sur la montagne. Là-bas, nous n’avions que de très maigres ressources à partager avec mes parents, frères, sœurs et conjoints, en plus de ceux du côté de mon mari qui est mon cousin. Je l’ai épousé alors que j’avais à peine 15 ans. A 17 ans, j’étais déjà maman de ma fille, puis de mon fils trois ans plus tard. Le petit dernier, je l’ai eu il n’y a pas si longtemps. La ville, je ne connaissais pas et elle ne m’intéressait vraiment pas. Une fois par semaine, mon mari s’y rendait avec les patriarches de la famille, pour y effectuer des achats de première nécessité. En plus, seuls les hommes pouvaient y descendre faire un tour, mais jamais les femmes!

Notre quotidien hebdomadaire à nous était fait de corvées domestiques et de dur labeur. Nous devions nous charger de nous ravitailler en eau dans les puits ou à la fontaine, à quelques kilomètres. Obligées également de nous occuper du ramassage des fagots de bois. Chauffer ou cuisiner avec la butane était impensable, elle servait exclusivement pour l’éclairage. Il ne se passait jamais rien d’intéressant; de toute façon, nous n’avions pas le temps de nous en apercevoir.  Pour nos enfants -les pauvres!- c’était pire, seule l’école les occupait… Fallait-il encore qu’ils puissent s’y rendre!

Beaucoup comme ma fille n’ont jamais voulu y aller. C’est pourquoi, elle aussi, comme moi à 15 ans, elle était déjà installée en couple un peu plus haut que chez nous. Et puis, le jeune homme qui l’a épousée, nous savions qu’elle le voyait en cachette. Supporter les ragots à son sujet, très peu pour nous! Nous l’avons donc enfermée. Elle fut ainsi très vite casée, c’était un vrai tracas en moins. Ce n’est pas comme ici en ville où tout le monde est très libre. Chez nous, ce genre d’enfreint aux règles pouvait très mal finir. Heureusement, cette histoire a été vite oubliée avec le mariage. Pour sauver l’honneur ou écarter ce jeune homme du chemin de ma fille, j’aurai pu perdre mon fils ou mon mari ou l’un de nos proches parents… Ce qui m’attriste par contre, c’est qu’elle vive dans les mêmes conditions que celles qui étaient les miennes, il y a trois années en arrière.

Nous n’aurions jamais projeté le déménagement de notre coin, s’il n’y avait pas eu cette proposition de travail pour mon mari. Un ami d’un de nos cousins très éloigné, ayant fait fortune dans la promotion immobilière, avait un besoin urgent d’une personne mariée, avec enfants, digne de confiance pour le gardiennage permanent et sur place d’une de ses propriétés. Mon époux fut alors immédiatement contacté et embauché sans m’en toucher un mot avant. J’en avais pleuré de rage, croyant fermement que la malédiction divine s’était abattue sur mon couple et ma petite famille. L’idée de quitter mes parents et ma fille pour l’inconnu m’était insupportable.

Le cœur serré et de mauvaise grâce, je posais donc mes pieds dans cet immense pavillon. Malgré toute la modernité qui m’était offerte, je restais longtemps prostrée dans ma douleur. Pendant plusieurs semaines, je refusais par résistance de mettre le bout de mon nez dehors. J’étais complètement imperméable aux récits euphoriques de mes hommes sur leurs découvertes de la ville. Mais bien forcée, malgré tout, de reconnaître que ma nouvelle demeure était absolument ravissante. Surtout pour moi qui n’avais jamais eu qu’une seule pièce de vie, construite de pierre et de planches de récup. Ici, je découvrais pour la première fois de ma vie ce que c’était qu’une cuisine, une salle d’eau, des placards, une chambre à coucher, une pièce pour mes enfants et même un petit salon. Il n’y avait que mes bagages pour me rappeler à quel point j’avais vécu dans la misère totale jusque-là.

Même le jardin, que mon mari devait arroser et entretenir, était une somptueuse merveille. Cependant, je ne comprenais pas pourquoi ces gens accordaient tant d’importance à du végétal aussi banal, sans parler de la construction de leur domaine réalisée avec tant d’artifices, pour n’y rester que quelques semaines par an. Et leurs deux voitures… Il fallait le voir pour le croire! Elles aussi étaient dorlotées, protégées et entretenues. Je n’en avais jamais vu d’aussi belles. Même si j’avais pris en grippe la blanche, parce qu’elle me complexait.

A côté d’elle, je me sentais sans valeur, poussiéreuse, affreuse. Ma stupide jalousie de campagnarde fraîchement débarquée m’avait fait commettre l’incongru contre elle. J’allais le payer cher en émotion et en douleurs. Seule dans le garage, je m’en étais prise à elle. Je lui avais balancé un coup depied, comme ça. L’incroyable allait se produire. Elle s’était mise à clignoter de tous feux, me crevant les tympans de cris stridents. Prise de panique, la croyant possédée, j’ai décampé. Plus aucun doute à ce sujet lorsque, dans ma course, je trébuchai, m’affalant de tout mon poids sur le sol pavé par d’énormes galets. Cette aventure m’avait coûté une trouille d’enfer et d’inoubliables douleurs aux genoux. Qui pouvait m’informer que ce n’était pas un djinn qui me pourchassait, mais seulement une alarme antivol qui s’était déclenchée? Assurément, personne!

Je n’avais pas encore croisé la maîtresse de maison. Lorsque je l’avais entrevue discrètement, j’avais failli l’attaque cardiaque. Son apparence m’avait choquée. La voir déambuler avec du rouge à lèvres, les cheveux lâchés, en robe courte jusqu’aux cuisses, les bras dénudés et le décolleté au ras des seins m’électrocuta. Oui, pour moi, même un homme se baladant en short, ce n’était pas normal. Elle devint mon obsession, je ne me lassais pas de l’épier. Je n’osais même pas en parler à mon époux, de peur qu’il n’accorde un quelconque intérêt à cette dévergondée. Je m’imaginais des scénarios complètement déments. Allez comprendre la logique de ma caboche de cette époque. J’ai eu honte plus tard d’avoir eu ce genre de pensées. Il était clair pourtant que nos mondes étaient tellement différents, nous étions ses employés parachutés directement du bled. Elle n’en avait que fiche de mon époux ni de quiconque, elle avait un très riche mari à séduire. Ces anecdotes nous font rire aux larmes depuis.

Mon mari et mes fils, chaque jour, je les surprends plus heureux et plus satisfaits que la veille. Mon aîné qu’on avait inscrit au collège le plus proche, passe son bac cette année. Mon autre petit garçon a eu les meilleures notes de sa classe, j’en suis très fière. Notre patron s’occupe personnellement des frais de scolarité de mes deux fils. Etant la seule à la maison à ne pas savoir lire et écrire, je me suis inscrite aux cours pour analphabètes. J’apprends la couture également dans un centre. Je me suis fait des amies qui m’ont transmis de bonnes astuces pour faciliter mon quotidien et tellement de choses encore qui m’étaient complètement inconnues. Il n’y a rien à redire, je me plais beaucoup ici. Je n’en partirai plus».

Mariem Bennani

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Un commentaire

  1. C est un roman votre histoire !
    Un peu exagéré et je ne comprend pas trop quel est votre message ?
    Das’ns votr roman L’homme dans tout cela qui a trouvé un travail dans la ville on peut aussi connaitre son histoire ses galères…..
    Encore un truc feministe……

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