Le chômage s’installe au Maroc | Pourquoi en sommes-nous là ?

Bien que les pouvoirs publics aient lancé des programmes destinés à booster l’emploi, le taux de chômage ne cesse d’augmenter au Maroc, surtout dans les rangs des jeunes (13,7% au premier trimestre 2024 selon le HCP). 

La moitié de la population marocaine est jeune, ce qui en fait un véritable moteur de développement. Cependant, force est de constater que pour cette large frange de la société, l’accès à l’emploi reste parsemé d’obstacles.

Au début, c’était la faute au Covid

Comme ce fut le cas partout dans le monde, l’économie marocaine a été fortement impactée par les conséquences de la pandémie de Covid-19. En tant que principales pourvoyeuses d’emplois, les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ont été particulièrement affectées par cette situation. Certaines ont été confrontées à une chute importante de leur Chiffre d’Affaires (CA), quand d’autres ont carrément dû mettre la clé sous la porte. Selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), 57% des entreprises marocaines ont suspendu leurs activités en 2020. Les secteurs les plus touchés étaient l’hôtellerie et de la restauration, le textile et la construction. En 2020, le nombre de chômeurs a atteint 1.429.000, soit une progression de 29%.

L’Etat avait mis en place une aide financière directe pour soutenir les personnes ayant perdu leurs emplois et dont le pouvoir d’achat et des conditions de vie s’étaient détériorés. Ainsi, 800 Dirhams ont été versés pour les ménages de deux personnes ou moins. Les ménages formés de trois à quatre personnes ont reçu 1.000DH par mois, tandis que les familles de plus de quatre personnes ont eu droit à une aide mensuelle de 1.200DH. Le tout, sous la supervision directe du Fonds spécial de gestion de la pandémie Covid-19, créé sur Instructions de SM le Roi Mohammed VI. 

Après trois mois de confinement (mars-mai 2020), l’activité économique a repris petit à petit dans le Royaume. Cependant, la crise pandémique à laissé de profondes traces sur l’emploi. En 2021, le taux de chômage s’est accru de 0,5, passant de 12,3% à 12,8% au niveau national. A l’époque, le précédent gouvernement alors dirigé par Saâdeddine El Othmani avait imputé cette hausse à la pandémie et son impact sur l’économie nationale et mondiale.

En octobre 2021, le Maroc était au rendez-vous avec un triple scrutin législatif, régional et communal, remporté par le RNI (Rassemblement National des Indépendants), le PAM (Parti Authenticité et Modernité) et le Parti de l’Istiqlal (PI). En plaçant leur confiance dans ces trois formations politiques, les électeurs étaient pleins d’espoir après les promesses électorales formulées par lesdits partis, notamment en ce qui concerne la résorption du chômage, surtout dans les rangs des jeunes.

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Au Maroc, l’emploi n’avance pas

Trois ans plus tard, que reste-t-il des promesses du trio gouvernemental? Pas-grand-chose, à la lumière des  derniers chiffres record du chômage au Maroc. En effet, au cours des trois premiers mois de l’année en cours (2024), le nombre de chômeurs au Maroc a atteint le chiffre effarant de 1.645.000, outre 96.000 nouveaux demandeurs d’emploi durant la même période. Face à cette situation, on est en droit de se demander pourquoi le nombre de chômeurs est plus élevé aujourd’hui par rapport à 2020, sachant à ce moment-là, le Maroc était en pleine période de pandémie mondiale. 

Dans une récente étude, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) a expliqué que l’emploi des jeunes au Maroc se distingue aussi par un chômage de longue durée. Le Conseil que préside Ahmed Reda Chami a précisé que «65,8% des jeunes chômeurs le sont depuis plus d’une année. 74,4% des diplômés de l’enseignement supérieur sont chômeurs de longue durée». Pour le CESE, il existe une autre problématique que les pouvoirs publics doivent régler au plus vite, celle de la qualité de l’emploi. En effet, un grand nombre de jeunes exercent des métiers souvent moins bien rémunérés et rarement contractualisés.

Pour remonter la pente, le Conseil Economique, Social et Environnemental préconise une «consolidation de la dynamique du secteur privé, fondamentalement tributaire de la propension à investir des acteurs économiques». Rappelant le rôle important que doit jouer le secteur privé en matière de promotion de l’emploi, le CESE appelle à infléchir le modèle de croissance. Ce changement de cap, doit s’appuyer selon le Conseil, sur une meilleure orientation de l’épargne et de l’investissement en direction des secteurs porteurs, à forte valeur ajoutée et à réel effet d’entraînement. «Il convient aujourd’hui de faire de l’innovation un levier essentiel d’amélioration de la productivité des entreprises marocaines et un ressort puissant de la croissance de demain», estime le CESE, ajoutant que «le Maroc doit construire un modèle de croissance fort et équilibré, capable de générer de l’emploi, en quantité et en qualité, permettant une meilleure répartition de la richesse produite».

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Le chômage des jeunes contribue à des pertes massives de production, entraîne une fuite des compétences et des cerveaux, favorise une économie rentière et consolide le clientélisme et les pratiques qui limitent la libre initiative. Cette situation a eu des conséquences à long terme sur les jeunes, leurs familles et la société dans son ensemble, notamment la possibilité accrue pour les jeunes de rejoindre le secteur informel, comme stratégie d’adaptation pour gagner leur vie, faute de mieux.

Aujourd’hui, le principal défi auquel est confronté le Maroc est de faire de l’emploi une opportunité de valorisation de ses ressources humaines, afin d’en faire un levier de croissance économique et de développement social.

Plus que jamais, la question du chômage revêt une importance majeure dont le traitement requiert des programmes et stratégies audacieuses et avant-gardiste qui encouragent la créativité, outre la mise en place de mécanismes de suivi et d’évaluation réguliers des mesures gouvernementales lancées dans ce domaine, surtout que certains d’entre eux ont été entachés d’irrégularité. Il convient de rappeler ici, que cinq acteurs associatifs au niveau de la Province de Moulay Yacoub, ont été condamnés en avril 2024 par le Juge de la Chambre criminelle près la Cour d’Appel de Fès, à des peines allant d’une à deux années de prison ferme et au versement d’une amende de 20.000 dirhams chacun. Les faits qui leur sont reprochés sont la dilapidation de fonds qui étaient consacrés au Programme «Awrach».

Il est vrai que l’actuel Exécutif a été investi à une époque très difficile (répercussions de la pandémie due au Covid-19, conjoncture économique mondiale délicate, sécheresse chronique au niveau national…). Dans ces circonstances, il est à peine possible de maintenir une certaine stabilité de l’économie marocaine. Cela n’empêche pas que le gouvernement Akhannouch doit trouver des solutions aux problèmes existants et anticiper les solutions aux problèmes à venir.

Mohcine Lourhzal

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