Mabassa Fall, Représentant de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (Sénégal)

A propos de Senghor, du Maroc, de l’Afrique et des droits de l’homme…

Mabassa Fall, Représentant de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (Sénégal)

L’Académie du Royaume du Maroc organise en collaboration avec le Conseil National des Droits de l’Homme, une Journée en hommage à un de ses illustres membres, feu Léopold Sédar Senghor. Comme appréciez-vous cet évènement?

Le moment choisi est révélateur. Il intervient quelques mois après le retour du Maroc à l’Union Africaine (U.A). Consacrer un tel hommage à une figure emblématique du Sénégal, mais aussi de l’Afrique, est, à mon humble avis, un signal fort envoyé à toute l’Afrique, à travers un de ses fils, le Président Senghor. C’est tout à l’honneur du Royaume du Maroc d’avoir invité à participer à ce grand évènement à Rabat une belle palette d’intellectuels, d’universitaires, d’hommes de lettres, de poètes et d’artistes de renom. Donc, c’est un bel hommage qui est rendu à Senghor.

Que représente Léopold Sédar Senghor pour le Sénégal, mais aussi pour le continent africain?

Le Président Senghor a fait connaître le Sénégal dans le monde entier. C’est un petit pays à la pointe de l’Afrique, certes, mais quand vous allez au Cambodge, par exemple, ils connaissent Senghor; en Amérique Latine aussi et partout ailleurs, sans parler de l’Europe. Et Senghor y est pour beaucoup.

Et pour le continent africain, que représente Senghor?

Il a inspiré la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.

Qu’en est-il de cette Charte, aujourd’hui?

Elle est au cœur du système africain de protection des droits de la personne.

Elle n’est pas très connue…

Je dirais que c’est une facette peu connue. On connaît plutôt le poète subtil. Mais on connaît moins son œuvre dans le domaine des droits de la personne humaine.

Vous avez émis l’espoir de voir le Maroc suivre les traces de la Tunisie en ce qui concerne la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Que voulez-vous dire par là?

Le Maroc sera le 55ème Etat faisant partie à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Le sujet est les développements de cette charte qui a permis à l’Afrique d’avoir une Cour africaine de justice et des droits de l’homme. La Tunisie, il y a deux semaines, a permis aux citoyens et aux ONG de Tunisie d’y faire partie.

Quelle relation avec le Maroc?

Je dis que le Maroc ne doit pas être en reste.

Quel regard portez-vous sur la situation des droits de l’Homme au Maroc?

Je dois vous avouer que, sur ce plan, j’ai honnêtement beaucoup à apprendre.

Vous avez pourtant passé beaucoup de temps avec le président du CNDH marocain, Driss El Yazami…

La Zambie salue les efforts constants déployés par le Maroc sous la conduite de SM le Roi en faveur du développement de l’Afrique

El Yazami fait un travail colossal. Nous avons, d’ailleurs, une grande amitié et collaborons avec lui. C’est un défenseur des droits de l’Homme. Je pense que, sur ce plan-là, les choses avancent.

Y a-t-il des avancées, à votre avis ?

Sincèrement, je n’en doute pas, mais je dis toujours: «Un bon défenseur des droits de l’Homme dit toujours que ça ne suffit pas». Mais je dirais que, quand il y a des avancées, il faut les reconnaître.

Et voyez-vous des avancées?

Oui, mais il faut toujours dire: vous pouvez faire plus. Et nous le disons.

Au Maroc, oui, il y a des avancées. Mais le Maroc peut faire plus et mieux. C’est un grand peuple et tout Africain est respectueux de la mémoire du défunt SM Mohammed V et voit en ce souverain un grand d’Afrique et une incontestable figure emblématique qui habite la mémoire de tous les Africains.

Il a été rappelé que le Maroc a réalisé de grandes avancées dans le domaine des droits de l’homme. Il est dans la région et en Afrique parmi les 1ers dans ce domaine, avec l’«Instance Equité et Réconciliation et le CNDH. Le Maroc a aussi un ministère d’Etat chargé des libertés…

Absolument. Mais il faut que le Maroc permette l’accès des citoyens et des ONG à cette Cour africaine de justice et des droits de l’homme. C’est ce plaidoyer que j’ai voulu faire lors de ma communication au colloque sur Senghor.

Vous avez évoqué ce que vous avez appelé «La décision 115». C’est quoi au juste?

La décision 115 a été prise en 1979 à la 16ème Conférence ordinaire des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Monrovia, au Libéria. Elle a été prise au moment où l’Afrique connaissait des violations des droits de l’Homme en Ouganda, où 750.000 Ougandais avaient été tués par Amine Dada. Et l’OUA n’avait rien dit et s’était emmurée dans un silence effroyable face à cette vague de protestations. Au silence dont étaient entourés les droits de l’Homme, il y a eu cette fameuse réunion de Monrovia au cours de laquelle, la décision 115 a été prise pour dire: il faut maintenant mettre sur pied un groupe d’experts avec, pour tâche, l’élaboration d’une Charte Africaine des Droits de l’Homme pour protéger les droits de l’homme et les peuples et arrêter les violations massives de ces droits. C’est donc cette décision 115 qui a permis d’avoir cette Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et qui a permis d’avoir ce triangle de base censé protéger les peuples africains et nos droits naturels et fondamentaux.

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Durant trente-cinq années de politique, Senghor aurait aussi fait quelques dérapages ? Certains intervenants ont formulé la nécessité de lever le voile sur cela…

«La politique n’est pas le Royaume des bons sentiments», dit-on. Senghor était chef de parti politique. Il a quitté le pouvoir par lui-même. On peut dire qu’il était habile en politique, qu’il a réussi dans le champ politique, ce qui peut être assez surprenant de la part d’un poète. Il est l’homme aux mille facettes. Il a été aussi en politique, je  ne dirais pas «un animal politique». On l’a rappelé lors de cette Journée en hommage à la figure emblématique. Certes, il y a eu des ombres et des lumières dans sa carrière de politicien.

Il faut fermer les yeux sur les ombres ou plutôt les ouvrir maintenant ?

Vous savez, pour faire de la bonne politique, il faut faire de la bonne histoire. Il faut que les générations futures aussi découvrent toutes les facettes de l’homme, multiples et variées.

Ce colloque sur Senghor, quel voile lève-t-il sur le personnage?

Il lève justement le voile sur son combat pour l’homme noir, la négritude, mais aussi sur l’académicien, le poète, son côté artiste, son engagement politique. Il est le bâtisseur d’un Etat de droit. N’est-ce pas que c’est lui qui a dit: «Je suis tombé en politique par effraction, j’ai toujours voulu n’être qu’un professeur et poète»?

Et pourtant, il a fait de la politique pendant près de 35 ans?

Absolument. Il fut député au Parlement français, fondateur du BDS (Bloc Démocratique Sénégalais), maire de Thiès et, excusez du peu, Président de la République du Sénégal.

Et concernant le retour du Maroc à l’Union Africaine?

Le retour du Maroc à la maison, comme a dit le Roi Mohammed VI, était très attendu depuis des décennies, parce que s’il y avait eu l’OUA, nous le devions aussi au Maroc du défunt Roi Mohammed V.

Le rôle africain de SM Mohammed VI?

Il y a une très grande espérance -et non espoir- qui s’est levée dans le continent africain avec le retour du Maroc. Au-delà de la personnalité de SM le Roi Mohammed VI, ce retour du Royaume a donc suscité une immense espérance et, comme on dit en français, il faut lever l’espérance. Eh bien, la victoire est là, le Maroc est revenu à la maison et, maintenant, il faut lever l’espérance qui est, à mon sens, immense. Nous avons bon espoir que le Maroc, avec ses capacités, ses enfants et ce grand peuple marocain, sera digne de feu SM Mohammed V.

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

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