Ancienne Médina Ras-le-bol des familles

Le dossier de l’ancienne Médina à Casablanca va de nouveau faire du bruit. Et pour cause…

Medina casablanca

Des familles «rescapées» (des précédents effondrements de maisons), se trouvant dans des établissements scolaires et des centres d’accueil, ont déclaré au Reporter qu’ils comptent organiser, cette semaine, un sit-in devant la préfecture de Casa-Anfa pour exprimer «leur colère et leur ras-le-bol de l’indifférence des responsables» concernant la question de leur dossier qui n’arrive toujours pas à être débloqué.

Protestations interdites

Il y a quelques jours, elles allaient tenir un sit-in devant les locaux de la SONADAC, la société chargée de ce dossier, pour demander des solutions urgentes à leur situation. Mais les autorités de la ville leur ont interdit la tenue de ce sit-in auquel devaient participer tous les «rescapés» de la Médina, toujours sans abri et recasés dans des écoles et des centres d’accueil.

«Nous sommes plusieurs familles à prendre notre mal en patience dans ce centre d’accueil. Cela fait plus d’une année que nous sommes dans ce lieu et, jusqu’à aujourd’hui, rien n’a encore été fait pour la régularisation de notre situation», lance au Reporter une jeune femme divorcée, installée avec ses deux enfants dans un centre d’accueil à Aïn Borja depuis l’effondrement de sa maison à Derb Chlouh (ancienne Médina) il y a plus d’un an. Même son de cloche chez un autre «rescapé» du même centre. Non sans colère, l’homme tient à nous souligner: «nous vivons une situation sociale très difficile dans ces lieux, car il n’y a plus d’intimité entre les familles abritées dans cet établissement. De plus, la liste des  »rescapés » devant être recasés dans ce centre pourrait s’allonger puisque, avec l’arrivée des pluies, d’autres habitations vont s’effondrer, vu leur état très précaire».

Chaque année, c’est pareil !

Chaque année, à l’approche de la saison des intempéries, la même panique saisit les habitants de l’ancienne Médina. Des voix associatives relèvent: «les familles dont les habitations menacent ruine vivent toujours dans des conditions très précaires. Ils vivent avec cette peur que les intempéries provoquent d’autres effondrements dans la Médina. Tous les ans, pendant la saison des pluies, les populations ont l’habitude de voir se reproduire les mêmes scénarios d’effondrement que les années précédentes. Il est donc urgent d’adopter une politique efficace à même de faire face au danger d’effondrement des maisons menaçant ruine qui ne cessent de faire des victimes parmi la population».
Hamraoui Maaroufi, l’un des habitants de la Médina, note que «la situation est toujours la même. Malgré le danger que les gens courent dans ces logements, les autorités semblent ne pas encore avoir de solution à ce problème de l’ancienne Médina. Ces logements vétustes nécessitent un traitement spécial. Or, il n’y a pas une vision claire concernant ce problème. On ne s’occupe toujours pas du renforcement des structures de ces constructions qui de plus en plus menacent ruine», a souligné Hamraoui Maaroufi. Et ce dernier d’affirmer: «depuis qu’il y a ce projet de la Marina, certaines personnes cherchent à acquérir des habitations dans la Médina. Ces logements sont totalement retapés. Ces travaux ne manquent pas de causer des problèmes aux constructions qui sont situées à côté et dont la situation est très précaire. Cela aggrave la problématique des habitations menaçant ruine dans la Médina».

Les familles en danger, pas toutes recasées…

«Les constructions fragiles sont légion dans l’ancienne Médina. Pourtant, beaucoup de ces bâtisses ne figurent pas sur la liste des logements qui ont été recensés par les autorités. A savoir que les familles déclarées en danger de mort dans ces habitations ne sont pas toutes recasées dans des centres d’accueil», a-t-on indiqué. «En décembre 2012, plus de 2.000 familles ont reçu des avis d’évacuation de leurs logements dont la vétusté ne cesse de s’aggraver. Mais seuls quelque 300 ménages ont été installés dans des lieux d’accueil dans l’attente de régulariser leur situation», a-t-on précisé.
Au moment où les habitants de la Médina disent qu’ils vivent toujours avec la peur qu’un jour leur logement s’effondre, à cause de la situation de plus en plus précaire des constructions, des sources proches du dossier avancent que les autorités semblent avoir enfin trouvé des solutions pour résoudre ce problème des habitations menaçant ruine. Et pas seulement dans la Médina, mais également dans les autres arrondissements qui comptent aussi ce type de bâtisses.

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Un nouveau programme de recasement ?

Très prochainement, les autorités devraient procéder à l’annonce d’un nouveau programme de recasement des familles habitant dans ces logements, a-t-on indiqué. Les mêmes sources soutiennent que, d’ici trois ans, 9.000 familles vivant dans des maisons menaçant ruine seront recasées. Mais, encore une fois, ce sont quelque 20.000 familles qui seraient actuellement concernées par la problématique des constructions vétustes, toutes catégories (A, B et C). Un chiffre qui dépasse donc de loin celui attendu, dans le cadre du nouveau programme qui devrait être dévoilé très prochainement. A noter que près de 2.000 familles -si ce n’est plus- sont en danger de mort vu la précarité des structures des habitations de la Médina, selon une élue de la ville.

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Réhabilitation
95% des travaux réalisés

Les travaux de réhabilitation de l’ancienne Médina vont bon train, affirment, de leur côté, au Reporter des sources au sein du Comité de pilotage de l’Agence urbaine de Casablanca. «La première tranche de réhabilitation de la Médina est presque bouclée. On est sur la dernière ligne droite des grands travaux», nous indique Mohamed Tangi, membre dudit Comité. Ainsi, les travaux relatifs à l’assainissement, au raccordement à l’eau potable, au revêtement de la voirie et à la réalisation d’équipements publics et d’espaces verts sont finalisés à 95%, selon notre interlocuteur.
Chargée de la réhabilitation de la Médina, l’Agence urbaine est actuellement à l’œuvre pour faire aboutir la rénovation de quelques bâtiments. «Les travaux de réhabilitation, c’est aussi tout ce qui est patrimoine. Ils portent également sur la rénovation des bâtiments considérés comme patrimoine urbanistique de la Médina, lesquels étaient en situation très précaire et menaçaient ruine. Si les travaux de rénovation ont été bouclés pour un certain nombre de bâtiments, comme par exemple l’Eglise espagnole, il reste toutefois à finaliser les travaux de restauration d’autres bâtiments qui sont au stade d’études», selon Mohamed Tangi. A noter qu’en ce qui concerne les maisons vétustes, elles ne sont pas concernées par ces travaux de réhabilitation, mais par un autre programme dont devrait se charger le gouvernement, a-t-on indiqué.

 

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L’avis de…

Azzedine Nekmouch, architecte et ancien président du Conseil régional des architectes Centre, Casablanca.

Nekmouch architecte

«La démolition se fait plus rapidement que l’aménagement»

Comment qualifiez-vous les travaux de réhabilitation de l’ancienne Médina qui sont actuellement en cours?

Pour commencer, je tiens à souligner que la Médina de Casablanca a été transformée à plusieurs reprises au cours de son histoire. A une certaine époque, elle constituait le cœur de la ville de Casablanca. Puis après, des changements sociaux se sont produits. Il y avait toute une mixture des populations venues dans l’ancienne Médina pour s’y installer. Il y a eu donc une nouvelle vie commerciale et commerçante qui s’est imposée. Et c’est ce qui a fait toute cette densification au sein de la Médina, dont les bâtiments se sont malheureusement dégradés avec le temps, à cause surtout des pluies qui s’infiltrent. Tout cela sans que les habitants puissent réhabiliter leurs logements, parce que les autorités ne le leur permettaient pas. C’est ce qui a d’ailleurs fait que la situation des logements est devenue très précaire et les habitations sont sinistrées. Maintenant, en ce qui concerne la réhabilitation de la Médina, il faut dire que cette opération est complexe dans le sens que ce n’est pas simplement une réhabilitation qu’il faudrait faire, mais une sorte de requalification urbaine.

Est-ce à dire que la «requalification urbaine» dont vous parlez n’est pas prise en compte?

Ce que je remarque, c’est qu’on n’est pas vraiment parti du fond du problème. Le problème, c’est qu’il y a une population qui y vit toujours et a son mode de vie. On veut transférer cette population dans d’autres sites très loin de la ville. Mais il faut se dire que c’est tout un système familial. Ce sont des transformations qui sont difficiles à supporter par ceux qui vivent depuis fort longtemps au cœur de la Médina. Certes, des solutions sont préconisées. Elles consistent notamment à reloger les gens dans des lotissements ou à leur donner des logements à l’extérieur de la ville. Mais, je pense qu’il y a quand même des opportunités «hors sites» qui se trouvent près de la Médina.

Lesquelles, par exemples?

Maintenant, vu l’état très précaire de certaines constructions de la Médina, il est très important de donner des logements aux propriétaires de ces bâtiments. Mais on aurait pu faire autre chose, dès le début, puisqu’il y a des opportunités tout près et même à l’intérieur de la Médina. On se demande d’ailleurs pourquoi ne pas y créer des espaces de logements. On aurait pu revoir l’aménagement en prenant exemple du quartier Boujdour qui a permis de passer d un quartier sinistre a un quartier en pleine mutation positive. On aurait pu réaliser sur le terrain (ex parking actuellement vendeurs ambulants), d une Medina alliant tradition modernité et animation culturel commercial du type Habous ou Medina Polizzi a Agadir. On aurait pu très bien y réaliser un projet au profit des populations. Ce projet pourrait décongestionner des parties de la Médina. Disons que quelque 400 à 500 logements pourront être créés sur place, ce qui signifie que l’on pourrait vider 400 à 500 logements à l’intérieur de la Médina. Il y a aussi au quartier de Bousbir des terrains appartenant à la Ville. Ils pourront être réaménagés dans le cadre d’un programme social «amélioré», ce qui va permettre aux gens d’être relogés hors site tout en ayant le sentiment d’être proches de leur quartier, plutôt que d’être relogés dans d’autres sites qui sont loin de la ville. Une chose est sûre. Aujourd’hui, l’administration est confrontée à une urgence. D’un côté, il faut aménager et, de l’autre, il faut sauver les logements des gens qui sont dans une situation très précaire. Mais le constat est qu’il y a deux vitesses différentes: d’une part, l’aménagement se fait lentement et, de l’autre, la démolition se fait plus rapidement. Il y a des parties dans la Médina qu’il faudrait démolir rapidement. Normalement, il fallait d’abord évacuer le maximum de gens, sauver le maximum de constructions et détruire ce qu’il fallait détruire de ces bâtiments. Je pense que 50% de ce qui est en train d’être dépensé, c’est de l’argent perdu. Pourquoi? Parce qu’il va falloir revoir tout cela après coup.

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