France-Rwanda | Responsable mais pas coupable

France-Rwanda

Nous étions le 4 novembre 1991 sur TF1. Dans la tourmente des affaires du sang contaminé en France «Je me sens profondément responsable; pour autant, je ne me sens pas coupable, parce que vraiment, à l’époque, on a pris des décisions dans un certain contexte, qui étaient pour nous des décisions qui nous paraissaient justes».

Ainsi parlait  Georgina Dufoix. Elle évoquait l’année 1985, quand elle était ministre des Affaires sociales et de la Solidarité nationale du gouvernement Fabius. Depuis cette formule est reprise dans le sens ou l’on  tente d’éviter de reconnaitre une faute sans en accepter toutes les conséquences et sans s’en excuser vraiment. C’est l’attitude reprochée souvent au Président Macron, lors de son  déplacement au Rwanda, même si globalement une avancée importante vers la vérité est saluée.

En 1994, il y a eu un véritable génocide au Rwanda. 800.000 tutsis ont été massacrés par des Hutus. La France était impliquée géopolitiquement et physiquement. Dans l’esprit du Président Mitterrand, il s’agissait d’assurer la présence française et francophone dans une ancienne colonie allemande puis belge, objet d’une offensive des intérêts Anglos- saxons. L’entourage du Président Français était favorable aux Hutus, car ils représentaient plus de 80 % de la population et donc leur pouvoir est légitimé par la démocratie élective. Le problème, c’est que le pays avait toujours été dominé par les éleveurs tutsis  dominant les agriculteurs hutus et confortés dans leur suprématie ethnique par les pouvoirs coloniaux successifs. Pour les hutus extrémistes, les tutsis n’accepteraient jamais le système électoral et il fallait les éliminer pour éviter un coup de force….. Qui aura lieu après le génocide.

Le Président français Emmanuel Macron est venu «reconnaître les responsabilités» de la France dans le génocide qui, entre avril et juillet 1994, a fait plus de 800.000 morts au Rwanda . La France «n’a pas été complice» mais elle a fait «trop longtemps prévaloir le silence sur l’examen de la vérité», a-t-il déclaré dans ce discours très attendu, tenu à l’occasion d’une visite officielle entre les deux pays, après plus de 25 ans de tensions liées au rôle joué par la France dans cette tragédie.

«En voulant faire obstacle à un conflit régional ou une guerre civile, elle restait de fait aux côtés d’un régime génocidaire. En ignorant les alertes des plus lucides observateurs, la France endossait une responsabilité accablante dans un engrenage qui a abouti au pire, alors même qu’elle cherchait précisément à l’éviter», a-t-il poursuivi. Reconnaître ce passé, c’est aussi et surtout poursuivre l’œuvre de justice. En nous engageant à ce qu’aucune personne soupçonnée de crimes de génocide ne puisse échapper au travail des juges», a-t-il ajouté.

«Ce parcours de reconnaissance à travers nos dettes, nos dons, nous offre l’espoir de sortir de cette nuit et de cheminer à nouveau ensemble. Sur ce chemin, seuls ceux qui ont traversé la nuit peuvent peut-être pardonner, nous faire le don, alors, de nous pardonner», a conclu Emmanuel Macron. Emmanuel Macron avait affirmé la semaine dernière qu’il aurait «à cœur d’écrire une nouvelle page» entre la France et le Rwanda, deux pays qui, selon son homologue Paul Kagame, «ont désormais l’opportunité» de «créer une bonne relation».

Symbole de cette nouvelle ère entre les deux pays, Emmanuel Macron a annoncé le retour d’un ambassadeur français au Rwanda.

En reconnaissant les responsabilités de la France dans le génocide au Rwanda, le Président français a souhaité tourner la page de 27 ans de tensions diplomatiques. Une visite qui s’inscrit dans une démarche visant à confronter le passé, «sans repentance ni déni». Cette visite officielle, visant à tourner la page des tensions persistantes entre la France et le Rwanda autour de ce chapitre tragique de l’histoire, s’inscrit dans une politique plus large du président de la République, mise en place dès le début du quinquennat, pour «regarder l’histoire en face». Un exercice politiquement périlleux. 

Si le discours d’Emmanuel Macron a été accueilli très favorablement au Rwanda, la nature de son propos aura suscité peu de surprise. Depuis plusieurs années, le Président français travaille d’arrache-pied au rétablissement des relations entre les deux pays. Le 24 mai 2018, il reçoit Paul Kagamé à Paris et promet qu’un travail sera mené sur les archives françaises liées au génocide au Rwanda. Un an plus tard, il concrétise sa promesse avec la mise en place de la commission Duclert qui conclut, dans son rapport remis au Président le 6 mars, à de lourdes responsabilités du pouvoir français, tout en excluant la notion de complicité. Le Président rwandais salue alors un «grand pas en avant». Entre temps, la France décrète une journée de commémoration du génocide des Tutsis, le 7 mai. Enfin, en avril, Emmanuel Macron permet la déclassification d’archives françaises sur le génocide. En 2017, alors qu’il n’est que candidat, Emmanuel Macron, en visite en Algérie, qualifie la colonisation de «crime contre l’humanité». «Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes», affirmait-t-il alors. Des excuses qui ne seront finalement pas prononcées, l’Élysée y préférant des «actes symboliques», selon les conclusions du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie demandé par Emmanuel Macron à l’historien Benjamin Stora. «L’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets,

Patrice Zehr

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