Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient

«Il ne faut pas crier victoire trop vite»

Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient

Le Maroc a pris note avec satisfaction de l’adoption, le 28 avril 2017, par le Conseil de sécurité de l’ONU, à l’unanimité de ses membres, de la résolution 2351 concernant la question du Sahara marocain. Cette résolution apporte-t-elle du nouveau dans ce dossier? Comment doit-interagir le Royaume avec l’ONU sous le mandat de son nouveau SG, Antonio Guterres, qui connaît très bien les tenants et les aboutissants de ce conflit vieux de 42 ans? Réponses dans cet entretien avec Moussaoui Ajlaoui, chercheur au Centre d’études pour l’Afrique et le Moyen-Orient.

Quelle lecture faites-vous de la résolution 2351 sur le Sahara, adoptée par le Conseil de sécurité?

L’adoption par le Conseil de sécurité (CS) de la résolution 2351, concernant la question du Sahara, confirme la prééminence de l’initiative marocaine d’autonomie dans les provinces du sud et exige une véritable implication de l’Algérie, pour trouver une solution politique à ce conflit fabriqué de toutes pièces par le régime algérien et les adversaires du Royaume. C’est une résolution qui est, à mon sens, différente des précédentes.

Qu’est-ce qui vous le fait dire?

Ce qui différencie la résolution 2351 du Conseil de sécurité des précédentes, c’est cette neutralité dans les positions qui avait terriblement manqué sous le mandat de l’ancien SG de l’ONU, Ban Ki-moon. La nouvelle résolution du CS de l’ONU rappelle la crédibilité et le sérieux de la proposition d’autonomie présentée par le Maroc, pour trouver une issue à ce conflit. La nouvelle résolution du CS sur le Sahara est intéressante du fait de la position des Etats-Unis par rapport à ce conflit. Par le passé, l’administration américaine, dirigée par les démocrates, avait des positions généralement hostiles au Maroc en ce qui concernait la question du Sahara, notamment sur la question des droits de l’Homme. Aujourd’hui, depuis que les républicains ont pris les commandes aux USA, il est clair que cette position est en passe de changer en faveur du Royaume et au grand dam du Polisario et de ses alliés. N’oublions pas que le nouveau SG de l’ONU, le portugais Antonio Guterres, connaît très bien le dossier du Sahara, ce qui le rend difficilement influençable par les lobbies qui épousent la thèse séparatiste du Polisario. Le Maroc, pour faire face efficacement à ces lobbies, doit rester très vigilant. Il ne faut pas croire que les pays hostiles au Maroc vont baisser les bras aussi facilement. C’est pourquoi la position marocaine dans ce dossier est à renforcer à travers le développement continu des régions du Sahara et le renforcement de la démocratie dans le Royaume. Ce qui fait vraiment la différence de la résolution 2351 du CS de l’ONU est lié à l’Algérie qui est, pour la première fois, mise face à ses responsabilités. Le voisin de l’Est a été en effet appelé à contribuer au processus visant à résoudre ce dossier. En définitive, cette résolution du Conseil de sécurité sur le Sahara occidental est contraignante pour le Polisario et son tuteur algérien. Elle porte également en elle des indices qui laissent croire que l’ONU est déterminée à faire preuve de réalisme, pour pousser vers la solution d’un conflit dont la persistance constitue une menace pour toute la région.

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Pensez-vous que l’Algérie va intercepter le message du CS de l’ONU?

Probablement pas. Néanmoins, l’Algérie ne pourra plus dire qu’elle n’est pas concernée par ce dossier, alors qu’elle sait pertinemment, tout comme la communauté internationale, qu’elle est trempée jusqu’au cou dans ce conflit qu’elle a elle-même orchestré avec l’aide d’autres pays. La résolution 2351 du Conseil de sécurité considère, aujourd’hui, que le problème du Sahara est d’ordre régional et qu’il nécessite la contribution de tous les pays de la région pour le résoudre. Le fait que l’Algérie et le Polisario aient été pointés du doigt et appelés à œuvrer pour la résolution de ce conflit a créé un climat de panique chez les deux parties, qui s’est fait sentir quelques heures avant l’adoption de la résolution onusienne.

Disposez-vous d’éléments qui  renforcent cette analyse qui dit que le Polisario a été réellement pris de panique avant l’adoption de la résolution du Conseil de sécurité?

Au début, le Polisario a catégoriquement refusé de se retirer de la zone d’El Guergarate. Cette position des séparatistes, dirigés par Brahim Ghali et ses patrons algériens, a été clairement exprimée par ce dernier à l’issue d’une rencontre qu’il a eue avec le SG de l’ONU, Antonio Guterres, en date du 18 mars 2017. Guterres a alors déclaré qu’il était très déçu par la position du Polisario, alors que le Maroc, sur instructions de SM le Roi, avait pris la décision unilatérale de se retirer de cette zone. La décision du Royaume a, rappelons-le, mis le Polisario dans une très mauvaise posture devant la communauté internationale qui s’est rendue compte que l’origine du conflit est à chercher du côté des polisariens et de leurs maîtres. Je tiens à souligner que, sur place, à  El Guergarate, le Polisario, contrairement à la propagande des médias algériens, ne disposait que de 4 fourgonnettes, dont l’une est tombée en panne. Constatant que l’étau s’est resserré autour de lui, le Polisario s’est retiré d’El Guergarate, malgré lui, peu de temps avant le démarrage de la réunion du Conseil de sécurité sur le Sahara, tenue le vendredi 28 avril 2017. Aujourd’hui, le Polisario et l’Algérie se retrouvent dos au mur. Néanmoins et comme je l’ai déjà dit, il ne faut pas crier victoire trop vite. Attendons de voir comment la situation va se développer. Mais restons sur nos gardes.

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Et maintenant, que doit faire le Maroc pour défendre davantage ses positions auprès de l’ONU?

Il est important de mettre en place un climat favorable à la reprise des négociations, pour trouver une solution durable et politique à ce dossier. Je suis certain que si les séquestrés des camps de Tindouf avaient la possibilité de rejoindre le Maroc, ils l’auraient fait depuis belle lurette, tellement plus personne n’adhère aux positions du Polisario. Si ça se trouve, les autoproclamés dirigeants du Polisario, eux-mêmes,  ne croient plus aux thèses séparatistes.

Le Conseil de sécurité a salué les efforts du Maroc en matière de droits de l’homme au Sahara. Comment avez-vous accueilli ce plébiscite?

Le CS de l’ONU a, contrairement aux années précédentes, salué les initiatives prises par le Maroc à ce sujet, particulièrement le travail accompli par le CNDH à Laâyoune et à Dakhla. Ce qui constitue une première qui montre que le dossier du Sahara sera traité autrement, de manière plus réaliste et, surtout, plus professionnelle de la part du SG de l’ONU.

La Mauritanie est-elle impliquée dans ce conflit?

Bien évidement. Les éléments armés du Polisario qui étaient à El Guergarate n’auraient jamais pu atteindre cette zone sans l’accord de la Mauritanie. C’est justement la raison pour laquelle le Conseil de sécurité a appelé à l’implication des pays de la région dans le processus de règlement de ce dossier.

Propos recueillis par Mohcine Lourhzal

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