Mawazine 2015, Carmen Souza et Flavia Coelho

Mawazine 2015

Comme d’habitude, le festival Mawazine, dans sa grande diversité, a enchanté et émerveillé toutes les catégories d’amateurs de chant et musique et relancé le débat chez une minorité toujours non-acquise à l’ouverture du Maroc aux rythmes du monde.
La bonne nouvelle, c’est qu’avec ses plus de 2 millions et demi de spectateurs, cette année, Mawazine reviendra l’année prochaine avec -Dieu sait quoi- d’étourdissantes surprises encore… Vivement l’an prochain, donc!
En attendant, jetons un dernier regard sur l’édition de cette année qui a clôturé sa semaine en beauté.

Carmen Souza, la sensuelle Cap-verdienne

Carmen souza

Durant une après-midi ensoleillée, Carmen Souza, une fleur dans les cheveux, chante devant un public restreint, comme en concert privé, ses chansons capverdiennes. Le charme du site Chellah, ombragé par ses différents arbres nuancés de vert, allant du vert olive au vert pomme, une brise traverse les feuilles et les oiseaux chantent avec elle comme pour rythmer ses paroles et la musique jazz, le tout nous transporte dans un autre monde. Nous avons vécu un réel moment de bonheur.
Tel un joli cœur, la Lusophone Carmen Souza chante l’Afrique, plus précisément le Cap-Vert. De sa voix sensuelle et suave, elle chante la «Morna», cette musique mélancolique typiquement capverdienne, allant de sons tristes aux sons plus joyeux, avec la même intensité, la même chaleur. La charmeuse et charmante Carmen nous fait aimer le portugais. Accompagnée de deux musiciens talentueux, les rythmes nous traversent la peau, nous propulsent. Nous sommes au Cap-Vert.
Très interactive avec son public, dans un échange plein d’amour, d’humour et d’une voix à faire fondre les cœurs les plus durs, elle demande aux hommes de se montrer plus «présents» en haussant leur voix… Timides, ils n’y arrivent pas. Ce n’est que lorsqu’elle commence à faire des allusions au fait que les hommes sont «nuls» pour les piquer gentiment, puisqu’ils ne suivent pas la musique, qu’ils sont pris par une soudaine fierté. On les entend des derniers rangs, ils font résonner leur voix grave, ce qui provoque l’hilarité du public et eux inclus. Le concert suit son court. On ne s’en lasse pas.
Quand elle chante «Sodade » -pas celle de Cesaria Evora-, c’est un enchantement merveilleux qui nous laisse perplexe, mais dans le bon sens… A mi-chemin entre la mélancolie et le bonheur, nous sommes perdus, mais savourons ce moment où l’on se sent comme funambules entre deux sentiments opposés. «Sous le ciel de Paris» devient «Sous le ciel de Rabat» le temps d’un titre. Un morceau durant lequel fusionnent le tambour africain, la guitare de Carmen Souza et la contrebasse de Theo Pascal son acolyte de toujours.
Pour clore le rendez-vous musical, Carmen demande: «Etes-vous prêts à chanter l’Afrique?». Tout le monde répond par l’affirmative et se met debout pour danser l’Afrique, la terre qui nous rassemble en ce moment. On se sent proches tout d’un coup, une sorte de communion musicale, bien que la majorité du public soit étrangère.

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Flavia Coelho, la brûlante Brésilienne

Flavia coelho

La Brésilienne Flavia Coelho s’est fait attendre par le public marocain qui, pour une fois, était à l’heure et même bien avant. Le temps que l’on s’installe et l’on entend déjà un homme assis à côté parlant tout seul «Hé Flavia, tu es où? On t’attend!». La jolie Brésilienne est un personnage haut en couleurs. Ce petit bout de femme est une vraie pile électrique qui a fait trembler les fondations du Théâtre Mohammed V le temps d’une soirée.
Vêtue d’une tenue dorée -un pantalon skinny doré et un haut à paillettes doré- ses cheveux également dorés forment un halo autour de sa tête, Flavia a une énergie solaire. Mêlant des rythmes endiablés, du hip-hop, du reggae à des morceaux de bossa nova, la chanteuse, accompagnée de ses deux musiciens, chante sa vie, ses préoccupations; chante les femmes de la rue de Rio de Janeiro, les femmes des périphéries en portugais. Avec Flavia Coelho, c’est un tour du monde d’influences musicales. Après un morceau de reggae, c’est au tour d’un rap en portugais, s’il vous plaît!
«Passou passou», une chanson qu’elle a écrite «pour toutes ces choses de notre passé qu’on voudrait oublier». Avec son ultime talent, elle arrive à nous faire sourire et à danser sur des choses censées être tristes, le tout avec le sourire typiquement brésilien. Un homme vêtu d’une chemise blanche, la cinquantaine, n’a pas arrêté de danser pendant tout le concert. Il est heureux d’être là. Il danse, danse, lève les bras au ciel et son sourire est communicatif. Plusieurs personnes se lèvent à leur tour encouragées par ce monsieur infatigable. Un couple d’Anglais, avec leurs deux petites filles de moins de 5 ans à première vue, sont aussi de la partie. La maman initie la plus jeune à la danse. La petite assiste à son premier concert. Elle est émerveillée devant le public, les lumières qui changent, le théâtre d’une hauteur vertigineuse, les gens qui dansent dans l’allée. La petite ouvre grand les yeux et danse avec sa maman, heureuse de partager ces moments avec les siens. Cette nuit, le Théâtre Mohammed V se transforme en une salle de fêtes lumineuse, emplies d’ondes positives.
Multi instrumentiste, elle maîtrise la guitare et nous livre un solo psychédélique de tambour où toute la force emmagasinée dans son corps sort et se heurte à la caisse du tambour. Munie de ses bâtons, elle tape avec vigueur sur la caisse, un jeu de scène et de lumière épatant.
A un moment, la musique s’arrête. «Maintenant, c’est l’heure du chut», dit-elle. «J’ai donc voulu parler de l’amour, mais pas celui qu’on connaît, de la passion… Moi je voulais parler de quelque chose de plus fort». Elle marque une pause et nous raconte «l’histoire d’une fille et d’un homme qui la protège même s’il l’engueule. Cette chanson, je l’ai écrite pour mon papa».
Avant de céder le micro à Flavia, Al Chonville, le batteur, se met au chant. De sa voix grave sonnent des paroles comme des incantations. On ne comprend pas ce qu’il dit, mais on décrypte quelques mots de français. Vient ensuite le moment où la musique se fait douce, «l’heure de la drague est ouverte». Selon la chanteuse du Bossa Muffin, «c’est le moment de faire des connaissances, d’échanger son 06» et pour les plus «in», «Tinder» et «Happn»… Pour finir, ce moment de partage hors du temps, elle nous dit: «Obrigada» (Merci). Sauf que ce n’est pas la fin pour nous, «Le Reporter », puisqu’elle nous a accordé un entretien.

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Entretien avec Flavia Coelho

«Quand on fait ce qu’on aime, l’énergie vient toute seule»

Parlez-nous de ce style musical dont vous êtes à l’origine: le Bossa Muffin

En fait, c’est simple. Pour traduire ce que je faisais, j’aimais chanter du hip-hop, du rap, du reggae, mais j’ai toujours aimé le faire en brésilien. Et les gens me disaient au départ «bon, t’es une chanteuse brésilienne, il faut que tu chantes de la bossa nova ou quelque musique traditionnelle brésilienne». Sauf que moi, je ne voulais pas rester là-dedans, pas uniquement là-dedans en tout cas… On a donc trouvé une façon d’unir les deux, la musique traditionnelle brésilienne avec la musique d’actualité. Donc, le mot «bossa» évoque tout ce qui est tradition, culture, Brésil et «muffin», c’est le mélange, le métissage ragga, reggae, hip-hop.

Et à part la musique que vous faites, quelle est celle que vous écoutez?

J’écoute beaucoup de musique africaine. J’écoute des classiques aussi. J’écoute des artistes que les gens ne connaissent pas forcément. J’aime découvrir. Après, j’écoute du jazz évidemment, mais je voyage beaucoup dans la musique: j’aime écouter des choses différentes.

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C’est la deuxième fois que vous venez au Maroc. Vous étiez venue la dernière fois pour les nuits du Ramadan. Qu’est-ce que vous avez aimé du Maroc?

On a plein de choses en commun: le sourire, les gens parlent facilement aux autres, la générosité, cette idée du partage, de la famille, c’est très fort. Ça ressemble un petit peu à ce que j’ai vécu au Brésil.

Vous habitez depuis 2006 en France, pourquoi? Est-ce un choix stratégique pour votre carrière?

Non, la stratégie ça ne marche pas. Ce n’est pas trop mon truc de faire des stratégies et puis ça ne marche jamais. Si je suis venue, c’est parce que j’avais besoin de grandir en tant que femme, quitter le pays, essayer d’autres expériences pour retrouver la nostalgie, le manque du pays et d’autres choses afin de pouvoir écrire mon premier album. Avant, je chantais déjà. Au Brésil, j’étais musicienne, je chantais dans des groupes de covers, mais je n’ai jamais écrit mes chansons. J’avais besoin de ce détachement du pays, j’ai traversé l’Atlantique pour me retrouver et pour pouvoir écrire mes propres morceaux.

Et pourquoi la France ?

Pourquoi pas la France? (rires)

Vous avez évoqué votre père durant le concert. Vous semblez avoir une relation fusionnelle avec lui malgré la distance qui vous sépare…

Oui, c’est un truc de filles. Nous les filles, même si l’on a beaucoup de problèmes avec nos papas, parce qu’on devient des jeunes femmes et qu’eux veulent nous garder à tout prix, on redevient toutes un peu comme nos parents quand on prend de l’âge et quand on comprend l’importance d’avoir une éducation un peu rigide. Voilà, je suis passée un peu par là et, avec mon père, on est assez liés même si on est loin. On essaye de garder le contact. Il s’inquiète toujours autant pour moi comme si j’étais une petite fille. Il me dit fait attention quand tu traverses la rue, ne parle pas à des gens étranges et tout ça (rires).

On vous avait vue lors d’une émission de télévision, juste avant de monter sur scène. Vous vous regardiez dans le miroir… Avez-vous un petit rituel avant de monter sur scène?

J’ai un rituel qui est de remercier. On oublie beaucoup de remercier pour ce qu’on a: le fait de se réveiller, d’être en vie, d’aimer ce qu’on est en train de manger, d’avoir le goût pour les choses, remercier d’avoir ce beau temps, magnifique, d’avoir des arbres autour et de pouvoir vivre de notre passion. Je crois que je suis quelqu’un qui remercie beaucoup. C’est un tic, mais ça apporte du bonheur et de la reconnaissance à chaque fois, ça nous montre d’où nous sommes partis et où nous sommes aujourd’hui.

On vient de vous voir sur scène. On se demande d’où est-ce que vous puisez cette énergie?

J’ai la chance de pouvoir vivre de mon métier, c’est un bonheur. Je suis là à Mawazine, je fais une tournée, je suis entourée par des gens magnifiques. Quand on fait ce qu’on aime, l’énergie vient toute seule.

Propos recueillis par Yasmine Saih

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