Israël et le crépuscule de Netanyahu

Naftalni Benett et Yaïr Lapid

Le «roi bibi» sait qu’il vit une fin de règne. Ceux qui ne l’aiment pas -ils sont nombreux en Israël et encore plus chez les Palestiniens et leurs amis- s’en félicitent. Mais on ne peut que penser à l’expression «il vaut mieux garder le diable que l’on connaît». Ceux qui veulent la peau de Netanyahu n’ont rien en commun et certains ont des profils inquiétants.

L’étoile montante du front anti-Netanyahu est Naftalni Benett.

Né il y a 49 ans à Haïfa (nord) de parents américains, Naftali Bennett a enchaîné plusieurs vies. Entrepreneur à succès dans la haute technologie, il a fait fortune en revendant sa start-up de cybersécurité Cyotta (pour 145 millions de dollars) en 2005. Il avait, auparavant, servi dans plusieurs unités d’élite de l’armée israélienne, dont la prestigieuse Sayyeret Matkal, qui a compté dans ses rangs  Benyamin Netanyahu.

Le Premier ministre sortant et Naftali Bennett ont d’autres points communs. Naftali Bennett a travaillé aux côtés de Benyamin Netanyahu lorsque ce dernier était encore dans l’opposition. Portant la kippa des juifs religieux, Naftali Bennett a bâti son parcours politique dans la mouvance nationaliste religieuse, également appelée sioniste religieuse. Un courant qui prône la colonisation des Territoires palestiniens occupés et s’oppose à toute forme d’État palestinien sur des terres revendiquées au nom de la Bible. Un logiciel politique que Naftali Bennett a toutefois su faire évoluer en se montrant plus ouvert sur les questions sociétales. C’est à ses côtés que la députée Ayelet Shaked est devenue une autre étoile montante de la droite radicale en revendiquant une modernité dans laquelle le camp nationaliste religieux ne se reconnaissait pas jusque-là. Allié naturel à la droite de Benyamin Netanyahu, Naftali Bennett passe dans l’opposition à la suite des élections de mars 2020. Un an plus tard, nouveau scrutin (le quatrième en deux ans): Netanyahu, rattrapé par les affaires, ne parvient pas à former une coalition. Le mandat revient au centriste Yaïr Lapid, qui reçoit alors le soutien de Naftali Bennett. Un ralliement qui a un prix politique: si la coalition annoncée reçoit le vote de la Knesset, Naftali Bennett sera Premier ministre jusqu’en 2023, avant de céder son fauteuil à Yaïr Lapid.

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Yaïr Lapid, comme son défunt père, est un journaliste devenu politicien, connu pour ses positions résolument laïques.Dans un pays où le Premier ministre fait l’objet de graves accusations de corruption mais a refusé de démissionner pendant le procès, et où les politiciens changent de camp sans se soucier de la cohérence idéologique, Yaïr Lapid est resté résolument ancré sur ses positions fondamentales: préserver la démocratie laïque libérale d’Israël et protéger le système judiciaire contre les tentatives de Netanyahu de réduire le pouvoir de la Cour suprême. 

Et puis encore plus étonnant voilà le troisième homme… Un islamiste israélien. Surnommé le «faiseur de roi» par les médias internationaux. Mansour Abbas a été longuement courtisé aussi bien par Benyamin Netanyahu que par Yair Lapid. Il est le patron de la Liste arabe unie, une petite formation issue de la confrérie internationale des Frères musulmans. Ra’am a remporté quatre sièges sur 120 lors des législatives israéliennes de mars dernier, quatre sièges précieux pour obtenir une coalition majoritaire. Il ne se revendique ni de gauche ni de droite, mais dit surtout vouloir imposer sa formation comme un partenaire dans le jeu des grands partis israéliens. Pour se faire, il a dû rompre avec les autres partis arabes, communistes, nationalistes et libéraux. Plus que les coups d’éclats, il cherche les compromis, mais affirme tout de même vouloir défendre les droits des familles palestiniennes et améliorer leurs conditions de vie bien plus dures que celles de leurs voisins juifs. La dernière fois qu’un parti arabe israélien avait soutenu un gouvernement remonte à 1992.

Vu de  l’étranger, l’attelage réuni par Yaïr Lapid a tout du baroque: on y trouve donc les centristes, la gauche, mais aussi l’extrême-droite  et un parti arabe islamiste. Interrogé par 20 Minutes, Frédéric Encel, maître de conférences à Science po et auteur de L’Atlas géopolitique d’Israël (Autrement) rappelle que ce n’est pas forcément très nouveau: «Depuis la fin des années 1990, toutes les coalitions sont très hétéroclites». Celle-là peut être plus que les autres «et même d’un point de vue israélien», pense la docteure en géopolitique Anne-Sophie Sebban-Bécache, directrice d’AJC Paris interrogée par 20 Minutes. Cette réunion tient à la grande lassitude des Israéliens et Israéliennes, qui veulent éviter un cinquième scrutin législatif en deux ans et demi. Et au petit dénominateur commun de tous ces partis: leur opposition à Benyamin Nétanyahu. Ça, c’est nouveau: «Il y a sans doute pour la première fois, une répulsion si forte vis-à-vis d’une personnalité en particulier que des forces politiques parviennent à s’entendre sur son éviction».

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L’actuel Premier ministre polarise la vie politique israélienne. Les élections législatives qui se sont succédé depuis 2019 ont toutes été des référendums pour ou contre «Bibi», qu’il n’a jamais vraiment gagné ni vraiment perdu. En attenant, Nétanyahu est toujours là et «l’agenda politique est dicté par son agenda judiciaire», remarque Anne-Sophie Sebban-Bécache. Le Premier ministre sortant –mais pas encore tout à fait sorti alors que ces lignes sont écrites– est en effet mis en examen dans plusieurs grosses affaires de corruption. A tel point que si la coalition réussit à investir un gouvernement, «on pourra même considérer qu’il s’agit d’un gouvernement à vocation très civique», pense Frédéric Encel. Pour en arriver là, chacun et chacune a dû faire des concessions. Cette possible alternance devrait se faire au prix du statu quo sur le dossier palestinien. «Lapid et Bennet se sont mis d’accord pour faire en sorte que les sujets prioritaires du prochain gouvernement seraient les questions économiques», explique Anne-Sophie Sebban-Bécache. Il faut dire qu’il n’y a pas grand-chose de commun entre les positions du parti de gauche Meretz, favorable à une solution à deux Etats, et celles de Yamina, mené par Naftali Bennett, ancien bras droit et ministre de la Défense de Nétanyahu, partisan d’une ligne dure. Bon courage pour gouverner ensemble !

Patrice Zehr

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