In Amenas La logique des intérêts supérieurs

Nous avons attendu. Nous attendons toujours. Mais une semaine après l’attaque du groupe de Mokhtar Belmokhtar contre le complexe gazier de Tiguentourine, à In Amenas (sud algérien) et la prise d’otages qui s’en est suivie, le pouvoir algérien –qui a fermement riposté à cette attaque- n’a toujours pas arrêté le bilan définitif des quatre jours d’affrontement sur ce site, entre les assaillants et l’armée algérienne.

Le coup d’envoi de l’attaque a été donné mercredi 16 janvier. Les sécuritaires algériens, malgré leur réaction foudroyante (ils ont aussitôt bombardé les terroristes), ne sont arrivés à mettre un terme définitif à l’agression que le samedi 19 janvier. Or, lundi 21 janvier, lorsque le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, s’est présenté devant la presse, il ne pouvait annoncer avec certitude que la mort de trente-sept otages étrangers, avouant que le sort de sept autres restait toujours inconnu. A. Sellal a aussi fait état de vingt-neuf agresseurs tués et de trois capturés vivants.

Beaucoup de flou entoure encore cette double opération (attaque et riposte). D’où sont venus exactement les terroristes, de Libye ou du Mali ? Comment les 4×4 qu’ils ont utilisés ont pu être peints aux couleurs de la Sonatrach (bien qu’immatriculés en Libye, selon la presse algérienne) ? Avaient-ils des complices sur place ? Combien y avait-il exactement d’employés, algériens et étrangers, sur ce site au moment de l’attaque ? Combien d’Algériens ont perdu la vie (tantôt il est question d’un seul, tantôt il est question de plusieurs éléments des forces spéciales ayant donné le premier assaut et qui auraient été retrouvés, plus tard, exécutés) ? Où sont ceux qui manquent à l’appel, aussi bien du côté des otages que du côté des assaillants (puisque Mokhtar Belmokhtar a annoncé avoir envoyé 40 de ses hommes, alors que Abdelmalek Sellal a parlé de 32 seulement: 29 tués et 3 capturés) ?

Toutes ces questions trouveront leurs réponses, tôt ou tard, même si ces réponses –pour une raison ou une autre- ne devaient pas être intégralement livrées à l’opinion publique… Mais les seuls faits et chiffres avérés constituent déjà un choc pour cette opinion publique. Notamment, le nombre de victimes parmi les otages et la rapidité avec laquelle leur sort a été tranché !

Certes, ce n’est pas l’Algérie qui a souhaité voir tomber chez elle tous ces morts. Ce n’est pas elle qui a déclenché ces événements qui leur ont coûté la vie. Mokhtar Belmokhtar peut bien être d’origine algérienne, l’Algérie n’en est pas plus responsable que n’est responsable le Canada des assaillants canadiens, ou la Tunisie des (9 !) assaillants tunisiens. Les premiers à incriminer sont ces pseudo-jihadistes fanatiques dont l’arme de combat est le terrorisme transfrontalier et qui ont décidé de passer à l’action à In Amenas.

Cependant, la stupéfaction a été générale lorsque, dès les premières heures après l’attaque du site par les terroristes -et sans en aviser aucun des pays comptant des ressortissants parmi les otages- le pouvoir algérien a décidé de bombarder les agresseurs -et donc aussi leurs prisonniers- !

Le pays le plus en colère –et qui l’a fait savoir en convoquant l’ambassadeur algérien- a été le Japon (9 de ses ressortissants parmi les victimes), puis la Grande Bretagne, les Etats Unis…

La France, elle, s’est montrée conciliante et solidaire dès le départ… Justifiant la fermeté de la réaction de l’Algérie, mieux que ne le faisait l’Algérie elle-même qui, les premiers jours, pilonnait sans piper mot.

En bombardant les assaillants, l’Algérie savait bien qu’elle ferait des victimes également parmi les otages, mais son choix, placide, était fait. Pas d’états d’âmes quand il s’agit d’intérêts supérieurs… Or, trop d’intérêts supérieurs étaient en jeu: les hydrocarbures, 1ère richesse du pays et source principale de tous les pouvoirs à Alger, la sécurité du pays, la lutte contre le terrorisme, dont l’Algérie se veut le (seul ?) porte-flambeau dans la région…

Alors, entre tout cela et la vie des otages, «y a pas photo !». La France ne venait-elle pas, elle-même, d’en faire autant, choisissant de s’engager militairement au Mali, sans attendre de résoudre le problème de ses 6 otages retenus par les terroristes dans ce pays ? Les Etats Unis n’étaient-ils pas sûrs de faire des victimes par milliers –parmi leurs soldats et parmi la population civile- en attaquant l’Irak de Saddam, sous un faux prétexte (on revoit encore Colin Powell brandir effrontément «la preuve» de la présence d’armes de destruction massive en Irak, devant les caméras de télévision) ? C’est cela la logique des intérêts supérieurs. Cette logique a fini par l’emporter et c’est une solidarité unanime que l’on a vu se dessiner peu à peu autour du pouvoir d’Alger. Tant pis pour les otages ! Seuls la presse française et les anonymes sur les réseaux sociaux continuent de s’interroger sur la brutalité de la réaction du pouvoir algérien. Les pouvoirs en place, concernés par cette affaire, commencent déjà, eux, à lorgner la participation financière que peut concéder l’Algérie, dans cette lutte contre le terrorisme. Ah le pouvoir des pétro-devises… Si c’était un autre pays de la région qui avait été amené à sacrifier autant d’otages, quelle indignation, quelles condamnations, quelle levée de boucliers, cela aurait soulevé !

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