Regards croisés sur le budget de l’Etat

Abdallah Bouanou Noureddine Modyane

Le projet de loi de Finances 2014 est devant le Parlement qui a désormais 30 jours pour y apporter les amendements qu’il peut, avant son adoption finale. Majorité et opposition vont multiplier les arguments et contre-arguments… Nous en avons cette semaine un aperçu avec les points de vue opposés de N. Modyane, président du groupe parlementaire de l’Istiqlal (opposition) et de A. Bouanou, président du groupe parlementaire du PJD (majorité.

Noureddine Modyane, président du groupe istiqlalien à la Chambre des représentants

Noureddine modyane istiqlal

«Le budget 2014 est un budget de récession !»

Le ministre de l’Economie et des Finances a présenté aux parlementaires les grandes lignes du projet de loi de Finances 2014. Qu’en pensez-vous au Parti de l’Istiqlal?

Ce que le nouveau ministre de l’Economie et des Finances a présenté est du domaine de l’écrit où les chiffres n’ont pas de place, ce qui lui ôte toute sa saveur.

Il s’agit quand même d’un budget?

Un budget sous forme d’ambitions, d’espérances, ni plus, ni moins. Et si chiffres il y a, ils n’engagent ni le gouvernement, ni le budget de l’Etat.

Quels sont, selon vous, les caractéristiques de ce projet de budget?

C’est regrettable, mais je le dirais quand même: nous sommes en présence d’un budget de récession et d’austérité; un budget qui ne propose pas de solutions à la crise, mais intervient plutôt pour la consacrer à travers la mise en place d’une véritable politique d’austérité au détriment des classes démunies et des classes moyennes.

Le ministre de l’Economie et des Finances a mis l’accent sur ce qu’il a qualifié de politique sociale du gouvernement…

Bien au contraire, nous enregistrons un recul dans le domaine social et dans les secteurs à connotation et priorité sociales.

Pouvez-vous être plus précis ?

Je donne l’exemple du secteur de l’emploi. Vous avez comme nous entendu que le budget a réduit l’emploi de 26.000 à 17.000. Aussi, le gros des chiffres présentés par le ministre de l’Economie et des Finances devant les parlementaires sont-ils malheureusement virtuels. Ils ne traduisent nullement la réalité vécue. Au risque de me répéter, je dirais qu’il s’agit là d’ambitions et d’espérances en l’absence de tout réalisme. Je dirais même plus: ce nouveau projet de loi de Finances ne traduit même pas le programme gouvernemental que le gouvernement s’était engagé à respecter, en la personne du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, il y a de cela deux ans. Un budget donc en deçà des espérances des Marocains.

Est-ce que vous prévoyez une réaction de la part des centrales syndicales, y compris l’istiqlalienne (UGTM)?

C’est sûr, du moment que le projet de budget 2014 n’a rien apporté de nouveau, plus particulièrement pour ce qui a trait au dialogue social. Bien plus, ce projet prône et le gel des promotions des fonctions administratives et celui des salaires. Je prédis donc un mouvement des syndicats très proche, pour plus d’équité envers la classe laborieuse.

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Et pour ce qui est de l’opposition?

De toute évidence, c’est notre rôle, en tant qu’opposition, d’être vigilants et de défendre les Marocains. Nous resterons donc attentifs et exercerons notre rôle de contrôle comme il se doit, en parallèle avec notre rôle législatif, en mettant sur la table des propositions de loi pour sortir de cette crise latente et attirer l’attention de l’actuel gouvernement sur ce qu’il doit faire pour la mise en œuvre d’un développement économique et social réel. C’est ce que nous comptons faire dans les plus brefs délais, en parfaite concertation avec les autres groupes parlementaires de l’opposition.

Vous semblez pourtant oublier que le Parti de l’Istiqlal avait mis la main à la pâte dans la préparation de ce budget que vous critiquez aujourd’hui de façon virulente…

Effectivement, nous avons participé à l’élaboration de ce budget. Seulement, nous disons que le gouvernement actuel n’a pas respecté l’engagement qu’il a pris, à savoir le respect des orientations.

C’est ce que n’a pas cessé de répéter Hamid Chabat…

Je dirais qu’il s’agit là d’une des raisons, sinon la principale, qui a dicté notre retrait du gouvernement, à savoir le non-respect de l’engagement pris par la majorité pour mettre en œuvre le programme du gouvernement adopté par le Parlement.

Ce n’est cependant pas ce qu’en pense le gouvernement de Benkirane.

Il s’agit d’un gouvernement que je qualifierais d’amateur.

Vous persistez -c’est-à-dire l’ensemble de l’opposition actuelle- à réclamer la nécessaire investiture du nouveau gouvernement par le Parlement en invoquant l’article 88 de la Constitution. Pourquoi cet acharnement?

C’est pourtant la réalité. Laissons l’aspect constitutionnel, parce que, même d’un point de vue politique, il est du devoir du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, par respect pour le groupe qui partage avec lui la composition de la majorité actuelle (le RNI, Ndlr), de veiller à avoir la confiance du Parlement; et encore plus, par respect pour l’ex-parti qui s’est retiré et qui était un pôle essentiel, en l’occurrence le Parti de l’Istiqlal.

En voulez-vous à Benkirane?

Malheureusement, ce gouvernement ne se respecte pas. Il aurait dû venir au Parlement, sachant qu’il dispose d’une majorité. Il est donc regrettable qu’il ne se soit pas présenté devant le Parlement. Ses craintes ne sont pas justifiées. Sans doute, il n’a pas confiance en sa majorité (rires)!

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

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Abdallah Bouanou, chef du groupe du PJD à la Chambre des représentants

Abdallah bouanou pjd

«Ce budget 2014 est un véritable défi, vu le contexte»

Le projet de loi de Finances 2014 continue de faire l’objet d’une critique virulente de la part de l’opposition. Quelle est votre lecture de ce budget ?

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Je dirais que ce budget 2014 peut être qualifié de véritable défi, du fait qu’il intervient dans les délais constitutionnels, malgré toutes les critiques virulentes de l’opposition concernant le volet politique.

Et pour ce qui est des réformes tant attendues?

Le projet de loi de Finances, qui a atterri devant le parlement, veut faire de l’année 2014 une année de réformes au niveau de la mise en œuvre de la Constitution et, en priorité, la régionalisation, la réforme de la justice et toutes les réformes structurantes. Il s’agit de la Caisse de compensation, des Caisses de retraite, de la réforme fiscale et de toutes les autres réformes annoncées auparavant dans le programme du gouvernement qui veillera à leur mise en œuvre.

Sur le plan économique?

Ce projet de loi de Finances accorde la priorité au développement en soutenant l’entreprise, en particulier les petites et moyennes entreprises en leur accordant 20% des marchés publics et en accélérant la restitution de l’impôt et les changements qui vont concerner la TVA. Toutes ces réformes sont importantes et renforcent cet aspect.

On vous reproche d’avoir négligé l’emploi…

Même si nous parlons aujourd’hui du recul, de 26.000 à seulement 17.000 emplois, il ne faut pas perdre de vue que le secteur public n’embauche pas plus de 10%.

Qu’en est-il du volet de l’investissement?

Ce secteur enregistre aujourd’hui une augmentation de 6 milliards de DH dans le contexte économique international que vous connaissez. Il y a aussi l’intérêt porté par le gouvernement aux produits de l’économie nationale à travers le soutien aux exportations et la maîtrise des importations.

Et sur le plan social?

Il faut noter que tous les secteurs sociaux ont enregistré une augmentation et que 53% du budget général intéressent la dimension sociale.

Qu’en est-il de la santé, de l’habitat, de l’éducation et de la formation?

Là aussi, nous enregistrons positivement que le gouvernement a augmenté les budgets de ces secteurs. Pour ce qui est des aspects négatifs du budget, nous pourrons à loisir les décortiquer lors des réunions des commissions et proposer les amendements à même de remédier au déficit.

L’opposition qualifie le projet de loi de Finances de budget de récession et d’austérité. Qu’en pensez-vous?

Vous savez, dans ce contexte de recul des recettes à hauteur de plus de 7 milliards de DH, nous ne pouvons être que réalistes en orientant les revenus vers les vraies priorités. Dans cette situation où nous parlons d’un taux de croissance de 4,2% et un taux de déficit de 4,9%, c’est une belle prouesse: nous ne pouvons pas réaliser ce taux de croissance, alors que l’investissement public a régressé de 59 à 49%.

Interview réalisée par MN

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