Alors qu’on le croyait indéboulonnable, le puissant Tewfik a été démis de ses fonctions et mis à la retraite par le clan Bouteflika…
Au bout d’un quart de siècle à la tête du Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), qui faisait la pluie et le beau temps en Algérie, Mohamed Lamine Médiène, alias Tewfik, a été jeté par la présidence.
Toujours en «tireur de ficelle», Médiène était le réel premier homme d’Algérie. Sa force résidait en ce fait qu’il agissait dans «l’ombre». Las de sa tyrannie, le clan Bouteflika a réussi, enfin, à lui tirer le tapis sous les pieds… Et la chute était terrible!
Vue de près, la carrière du «Dieu d’Algérie» (comme on le surnommait) ne peut être perçue en dehors du DRS. Sa machine de guerre s’est vue de plus en plus renforcée, depuis 1991 quand il a réussi à écraser le FIS et à remettre les pendules à l’heure.
Le DRS, sous le képi de Tewfik, gérait le pays, choisissait les présidents et les grands décideurs, gérait le pétrole et ses revenus, gérait les budgets de l’Etat et persistait dans sa politique de ségrégation tant en interne qu’en externe. Avec le Polisario, il montrait une générosité sans faille. Normal, puisque le «Front» dépendait directement de son cabinet et les ordres d’opération émanaient de lui. Avec une certaine presse du pays, c’était du pareil au même. La propagande fait bien vivre les «mythes». Et le mythe algérien avait pris une dimension telle qu’on le croyait invulnérable. Et pourtant…
Voyant que cet organe, créé pour être au service de l’Etat, défendre ses intérêts et veiller sur sa sécurité, se transformait en rouleau compresseur et ayant constaté qu’il ne reculait plus devant rien, surtout après s’être fervemment opposé au fait que Bouteflika ait brigué puis gagné un 4ème mandat, le président, qui a longtemps fait le dos rond, du moins tant que les actes de Tewfik ne gênaient ni ses plans, ni ceux de son clan, a fini par réagir et ce fût le coup de grâce… Surtout que le «très puissant» général a été battu par un président «malade»…
Tout le monde sait aujourd’hui que la décision n’est pas du seul Abdelaziz Bouteflika. C’est la volonté de son clan qui comprend depuis un certain temps d’autres grands noms du DRS, dont le général Bachir Tartag nommé conseiller à la Présidence. Un conseiller en charge de la sécurité et de la lutte contre le terrorisme.
Le général Tartag a mis un pied à la Présidence il y a plus d’un mois, lorsque le général Touati a été mis à l’écart par une autre décision de Bouteflika qui fait ainsi main basse sur le DRS en le ramenant sous l’aile de la présidence, mettant ainsi fin à une confrontation voilée qui marquait la relation entre la présidence et le DRS. On s’éloigne de plus en plus du bicéphalisme qui délimitait les champs d’action de la présidence et l’institution militaire, dont le représentant patenté était le général Tewfik.
Le clan d’El Mouradia a aujourd’hui d’autres ambitions et vise une tout autre configuration pour laquelle il a besoin d’hommes, certes, mais pas de Tewfik, dont ce limogeage représente pour eux le coup du siècle… Auraient-ils pris conscience que l’Algérie, qui subit atrocement la chute des prix du pétrole et dont toute l’économie court au désastre financier, a besoin d’un nouveau mode de gouvernance? L’Algérie serait-elle ainsi en train d’en finir avec toute une époque pour s’ouvrir sur la vraie démocratie et la transparence, après que ses généraux l’ont longtemps laissée pour compte. Il y a quelques jours encore, un important changement a eu lieu à la tête de la gendarmerie algérienne.
Réforme ou règlement de compte? C’est en tout cas l’action d’un clan qui veut à tout prix neutraliser ceux qui, à son sens, prennent l’Algérie en otage depuis plus d’un quart de siècle. Mais l’éviction du puissant général saura-t-elle enfanter un changement radical dans le pays? Lequel changement remettrait l’Algérie sur la voie du Grand Maghreb, seule issue possible pour sortir de la crise… Trop tôt pour le dire.
Hamid Dades