Bac, après bac et chômage

Bacheliers maroc

Sauvons les jeunes, les jihadistes recrutent !

Les jeunes Marocains ont toujours considéré le baccalauréat comme un sésame pour l’avenir, un moyen efficace pour envisager avec sérénité leur avenir professionnel. Mais actuellement, tout a changé. Il ne suffit plus de décrocher son bac pour avoir un bel avenir; il faut de très bonnes notes et moyennes pour accéder aux instituts supérieurs de haut niveau ou aux universités souhaitées.
La majorité des jeunes sont conscients que le baccalauréat est devenu élitiste et inéquitable. Ils sont très inquiets et envisagent leur avenir avec pessimisme. Certains d’entre eux sont désemparés: ils ne se retrouvent nulle part, n’ont aucun espoir, aucun mode ou modèle de réussite, aucune voie à suivre. Ce qui est un réel danger. L’Etat doit les orienter et les aider pour qu’ils ne soient pas exclus, sachant que 30% de jeunes au Maroc sont d’ores et déjà au chômage, aujourd’hui… Sinon, les djihadistes sont là. Ils les guettent pour les recruter. Leur discours peut agir comme un aimant sur ceux parmi ces jeunes désespérés qui ne verraient se dessiner aucune autre perspective devant eux.
Secourus par l’Etat, ou récupérés par les extrémistes, comme ces centaines de jeunes qui se lancent sur les routes du jihad ? C’est en fait une des plus redoutables compétitions, un enjeu pour tout le pays. Enjeu qui prend encore plus de sens depuis la proclamation du Califat islamique dont le chef, Abou Bakr Al-Baghdadi, appelle l’ensemble des musulmans du monde à lui faire allégeance. C’est désormais une guerre déclarée du jihadisme à l’Islam tel que nous l’avons toujours connu. Et il faut que les tenants de l’Islam tolérant la gagnent.

Ailleurs, alors que le nombre de combattants volontaires français s’est multiplié pour rejoindre la Syrie, le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, a mis la dernière main à un vaste plan de lutte concocté depuis des mois par son prédécesseur Manuel Valls. Ce plan a pour mission de détecter de façon précoce les adolescents et leurs aînés avant qu’ils ne se retrouvent embrigadés dans les milices islamistes hostiles au régime de Bachar Al-Assad.
Agissons vite, avant que nous soyons, nous aussi, obligés d’élaborer des plans pour contrer les djihadistes! Pour le moment, nous en sommes à démanteler les cellules et petits réseaux jihadistes et à réformer et encadrer le champ religieux. Ce n’est pas une mince affaire, mais ce n’est pas suffisant !

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Que vaut le Bac ?

«Les perspectives d’avenir des bacheliers dépendent des branches et des moyennes obtenues durant l’année scolaire. Les branches scientifiques sont les plus aptes à fournir plus de chance aux élèves. Mais il faut souligner que les élèves des Sciences mathématiques sont les meilleurs. Ils formeront dans l’avenir l’élite du pays. Ils sont très disciplinés, très impliqués dans leurs études et surtout très attentifs. On a une classe des Sciences mathématiques, dans notre lycée, qui rassemble les meilleurs éléments de plusieurs lycées. Ces élèves réussissent toujours avec un taux très élevé. Cette première session, le taux de réussite de cette seule classe a été de 80%. Les autres réussiront sûrement durant la deuxième session. Les autres matières sont la Physique, la Chimie, les Sciences de la Vie et de la Terre (SVT), les Sciences humaines et les Lettres modernes. Pour ce qui est des résultats, j’ai une classe des SVT où a réussi une seule élève. Les élèves des SVT ne prennent même pas de notes pendant les cours, ce qui est absurde. Quant aux Lettres, c’est une catastrophe, une vraie calamité, parce que les plus faibles sont ceux qui s’orientent vers les branches littéraires», informe une enseignante de français. Et d’ajouter:
«Les bacheliers passent un Examen Régional durant la première année du baccalauréat. Cet examen représente 25% de la note globale du bac. L’Examen National se déroule durant la 2ème année du baccalauréat et il représente 50% la note globale du bac, tandis que les contrôles continus présentent un taux de 25% de la note. La tâche est donc facile, mais les résultats restent médiocres. Le taux de réussite du bac est très bas au niveau de notre lycée. J’espère que ça va s’améliorer lors de la 2ème session».

Régression continue du niveau des élèves

La situation va de mal en pis et empire chaque année. Les professeurs, désarmés, avancent que les élèves n’ont plus la tête aux études. L’enseignante de Français poursuit: «Le niveau des élèves régresse de façon continue. Dans mes classes, ce ne sont pas moins de 10 élèves qui sont réactifs à mes cours. Mais les autres n’accordent même pas un tant soit peu d’importance. Pour essayer d’attirer leur attention et de leur enseigner le français, je suis obligée de lire les textes et de les traduire littéralement en arabe, afin qu’ils s’y intéressent. Mais en vain. Je travaille toujours avec une petite minorité. Quand nous étions très jeunes, nous aimions beaucoup le français et lisions beaucoup de bouquins. Je me demande si un de mes élèves sait ce qu’est la mythologie grecque? Il m’est difficile de leur transmettre le goût de lire. Par contre, ils s’intéressent beaucoup plus à Internet et à la télévision qu’aux études. Le bac ne vaut plus rien. Nos élèves ne sont pas armés. Ils sont dépassés, surtout ceux qui n’ont pas réussi le Régional avec de bonnes moyennes ou ne l’ont pas du tout réussi. C’est ce qui explique le taux faible de réussite au baccalauréat».
Une autre enseignante se trouvant dans la même situation se dit impuissante devant l’ignorance de ses élèves, malgré les efforts déployés dans les classes. «Cette année, durant un cours des Sciences, en voulant parler d’une expérience, j’ai dit en langue arabe:  »Nous allons faire une injection à une brebis ( »chate » en arabe). Un de mes élèves n’a pas compris ce que c’était. J’ai laissé un de ses camarades le lui expliquer. Les élèves doivent apprendre à analyser et à tirer des conclusions. Que faire devant un tel niveau? La majorité de mes élèves n’assimilent rien, ne comprennent rien et je suis impuissante devant une telle situation. L’enseignement primaire public produit des élèves d’un niveau très faible. C’est d’ailleurs pour cela que les parents le fuient et placent leurs enfants dans des écoles privées».

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Que faire après le baccalauréat?

Le fait d’avoir un bac n’est plus une finalité en soi, puisqu’il s’agit de choisir son orientation. De nombreuses possibilités sont offertes, mais à une seule condition, celle de décrocher son bac avec un très bonne moyenne. «Il ne faut pas se contenter uniquement de l’obtention du baccalauréat. Il faut le réussir avec brio, c’est-à-dire avec pas moins de 14/20 de moyenne, si on veut avoir plus de choix concernant l’accès aux hauts instituts ou à de grandes universités. Parce que ces organismes exigent un très bon niveau. Pour passer plusieurs examens d’accès, les élèves de la branche Sciences mathématiques sont censés obtenir 14/20 de moyenne. Ceux des PC (Physique-Chimie) doivent avoir 17/20 de moyenne, ainsi que pour ceux de la branche SVT. Ces moyennes leur permettront de dépasser la présélection et, juste après, c’est au tour du concours d’accès qu’il faudrait réussir», avance l’enseignante des Sciences. Elle ajoute: «Certaines Facultés commencent à imposer des conditions d’accès, comme celles de la Faculté des Sciences juridiques, économiques et sociales de Aïn Sebaâ qui exige que les étudiants aient une moyenne de 12/20 et passent un test de langue française. Mais décrocher de bonnes notes et de bonnes moyennes n’est pas une tâche facile, surtout que le niveau des élèves régresse d’année en année. Parfois, on est très sentimental envers eux et il nous arrive de leur donner de meilleures notes que ce qu’ils méritent, surtout quand ils sont très gentils et ambitionnent de réussir. On les aide rien que pour avoir un niveau bac, pour pouvoir bénéficier par la suite d’une formation professionnelle dans un centre de formation public. Le bac, certains élèves ne doivent même pas en rêver. Mais il y a des exceptions: certains élèves sont lucides; ils travaillent durant toute l’année et réussissent à obtenir de bonnes moyennes». Selon l’enseignante des Sciences, durant la période du baccalauréat, les élèves sont très stressés, anxieux et vivent un calvaire. Certains d’entre eux peuvent même avoir une dépression nerveuse.
«Pour soutenir leurs enfants, les parents font de grands efforts pour leur assurer des cours supplémentaires qui sont à 400 DH l’heure pour les matières scientifiques. Ce système est adopté surtout par les parents qui ont placé leurs enfants dans le privé. Ceux qui ont leurs enfants dans le public paient 600 DH par mois, mais ces heures supplémentaires se font par groupes d’élèves. Après le bac, il arrive à certains étudiants de changer de branche. Ils se cherchent, mais ils ne se retrouvent nulle part et continuent de tourner en rond. Et puis, le bac expire en 2 ans et ils n’ont pas le droit de passer les concours après ces deux ans. En conséquence, ils sont obligés de le repasser et de le réussir encore une fois. Certains bacheliers optent pour les centres de formation professionnelle publics. Mais ces centres ont des places limitées et ils doivent réussir le concours d’accès. Ceux qui ne sont pas ambitieux et qui ont obtenu des moyennes passables s’orientent vers les Facultés comme celles des Lettres, de l’Economie et du Droit», relève l’enseignante de français.
« L’élève est tout le temps perturbé. Il est confronté à plusieurs problèmes, dont le problème de l’orientation. Les grandes universités et les grands instituts spécialisés exigent des moyennes très élevées. Et s’il n’a pas les moyennes exigées, il est automatiquement exclu. En plus, l’accès à ces universités et à ces instituts se fait presque dans les mêmes périodes; les dates des examens d’accès sont très proches, ce qui réduit les chances du candidat. Il ne suffit pas d’avoir le bac, mais il faut le décrocher avec une bonne moyenne. C’est ce qui contribue à la déprime des élèves, ce qui est une chose dangereuse. Le baccalauréat est devenu élitiste et inéquitable. Ceux qui ont plus de chances, ce sont ceux qui étudient dans les lycées privés, parce qu’ils sont avantagés, comparés à ceux des lycées publics. Parfois, les notes accordées aux élèves du privé sont gonflées, ce qui est injuste, puisque les chances se réduisent pour ceux qui étudient dans les établissements publics. Mais il faut relever que, malgré les défaillances de l’enseignement public, ce dernier regorge de compétences et même de génies», souligne un enseignant de l’Education islamique.

Badia Dref
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L’orientation est là


«Pour 2 lycées et un collège, il y a en fait un district constitué de deux conseillers et d’un inspecteur. Et on a un planning annuel qui regroupe des séances d’orientation qui s’articulent autour de la construction du projet personnel, des perspectives d’avenir, des débouchés et des métiers. On est souvent en contact direct avec les élèves, surtout ceux qui ont obtenu de très bonnes notes dans le Régional», annonce une inspectrice d’orientation de l’Education. Et d’ajouter: «Il y a donc un palier d’orientation qui répond aux questions des élèves. Mais nous enregistrons un taux élevé d’absentéisme durant l’année. Nous n’avons aucune autorité sur eux, ce qui fait que nous ne les obligeons pas à assister à nos séances. Mais quand on a des campagnes, ils assistent tous: on va à leur rencontre. On travaille durant toute l’année. On donne aux élèves des informations sur les instituts et les différents établissements et universités qu’ils comptent intégrer». Selon l’inspectrice, pour accéder, par exemple, aux Ecoles Nationales des Sciences Appliquées (ENSA), il faut avoir de très bonnes moyennes au bac des Sciences mathématiques, des Sciences économiques, Expérimentales ou Sciences et Technologies, ou l’équivalent de tout cela. Il faut une présélection se basant sur la moyenne générale et un concours d’accès. Mais avant tout cela, il faut s’inscrire sur le site web des ENSA et choisir entre les onze écoles qui sont situées dans onze villes marocaines.

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La version des élèves


«Si le taux de réussite est très bas, c’est parce qu’il y a beaucoup de défaillances. D’abord dans le Régional, durant la première année du baccalauréat, on nous impose un examen comprenant des matières secondaires telles la philosophie, l’arabe, l’éducation islamique, l’histoire et la géographie, alors que notre branche, c’est les  »Sciences de la Vie et de la Terre » ou les SVT. Durant cette période de préparation à l’examen, on accorde davantage d’attention aux matières littéraires qu’aux matières scientifiques. Pour les mathématiques, par exemple, on avait les  »Fonctions ». Mais comme on ne prêtait pas attention aux explications de l’enseignant lors de la première année du bac, on a tous aujourd’hui des lacunes, parce que tout l’enseignement est cumulatif. On trouve par conséquent d’énormes difficultés pendant les contrôles», témoigne un jeune élève.
«On sait aussi qu’il n’y a pas une égalité des chances entre les différents candidats marocains au baccalauréat. Ceux qui étudient dans le privé sont privilégiés par rapport à nous. Il y a également un laisser-aller chez les enseignants. Ces derniers ne fournissent pas assez d’efforts pendant leurs cours. Les élèves, eux aussi, ne s’intéressent plus aux études. Il y a trop de bruit dans les classes», souligne un autre élève.
«La majorité des élèves n’accordent plus d’importance aux études. Il y a du bruit et de l’agitation dans les classes; de la violence aussi. On assiste également à des scènes d’amour de certains couples. Et les enseignants sont devenus impuissants devant de tels comportements: ils n’arrivent plus à faire fonctionner leurs classes. Il y a un réel manque de discipline et d’éducation. Il faut savoir que durant l’année scolaire, la moitié des élèves s’absente, ce qui mène à la dérive. Il faut les voir (ces élèves) de près, parce qu’ils se donnent en spectacle et c’est vraiment la honte», reconnaît une jeune élève. «Après l’obtention de mon bac, je compte partir à l’étranger pour des études en Droit. La majorité des élèves parmi nous ne vont pas avoir de bonnes moyennes, certes. Ce qui fait que nous serons privés d’accéder à de grandes écoles et universités. Certains opteront pour les centres de formation ou poursuivront leurs études dans les universités», conclut-elle.

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L’élève, une bombe à retardement


«Les élèves viennent en classe excités. Ils font du bruit, sont drogués, les écouteurs aux oreilles. Parfois, il leur arrive de nous insulter et personne n’a le droit de les faire sortir de la classe. Certains élèves s’aiment en classe, en ma présence et en présence de leurs camarades. Ils ne se gênent pas. Les élèves sont devenus comme une sorte de bombe dont on a peur qu’elle explose d’un moment à l’autre. On a cette impression que certains d’entre eux ont besoin d’être domptés. Nous sommes obligés de faire avec. On ne peut pas non plus les frapper», informe une autre enseignante de Sciences.

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Les bonnes moyennes, un réel passeport


Grâce à une moyenne de 15 ou même de 14/20, l’élève a la possibilité de postuler pour un grand nombre d’instituts supérieurs. Les Facultés de médecine, de pharmacie, de médecine dentaire, les écoles d’ingénieurs et de gestion comme INCG, ISCAE, INSEA, IST… exigent cette moyenne et même plus. Ceux qui n’ont que la juste moyenne sont privés de s’y inscrire. Ils intègrent soit des universités ou des écoles supérieures privées. Mais la tâche n’est pas facile même pour ceux ou celles qui ont décroché de bonnes moyennes. Ils doivent réussir les concours imposés par ces différents instituts et établissements supérieurs. Les bacheliers scientifiques sont mieux servis que les littéraires. Un élève technique ayant obtenu une bonne moyenne a la possibilité d’intégrer une des filières commerce et gestion, économie, finances, comptabilité, marketing, audit, l’Institut supérieur de commerce et d’administration de l’entreprise (ISCAE), ou l’Ecole nationale supérieure des arts et métiers. Pour les littéraires, bien que les chances soient très réduites, des perspectives sont là. Ils peuvent choisir les secteurs de l’hôtellerie, du tourisme, du journalisme, de la communication, de l’enseignement…

BD

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