Figuig-Oued El Arja | Pourquoi cette affaire ne servira pas le Pouvoir d’Alger

Couverture N° 1031 – 18 Mars 2021 Le Reporter.ma

Commençons par rappeler les faits, comme ils se sont déroulés et le plus brièvement possible.

Le 18 février 2021, des responsables civils et militaires algériens se rendent une 1ère fois à la frontière algéro-marocaine, dans la zone El Arja -du côté de Figuig- et somment les fermiers marocains de quitter les lieux dans les jours qui suivent, au motif qu’il s’agit d’une terre algérienne.

L’affaire porte sur une trentaine d’exploitations qui comptent quelque quinze mille palmiers-dattiers, dans l’Oasis-Palmeraie qui abrite ces familles marocaines.

Entre incompréhension et angoisse, les fermiers ont d’abord cherché des explications auprès des autorités locales marocaines… Qui n’en avaient pas.

Puis ils ont tenté d’alerter l’opinion publique en manifestant.

Le 10 mars, un autre commando algérien –cette fois-ci plus important (comprenant, entre autre, un Général et deux Walis) est revenu chez les fermiers marocains, leur notifiant un dernier ultimatum: ils ont jusqu’au 18 mars (2021) pour quitter les lieux !

La 1ère question qui s’est d’abord posée, tout naturellement, était de savoir si les terres dont étaient aussi brutalement chassés ces fermiers marocains, appartenaient réellement à l’Algérie ?

Nous n’entrerons pas dans les détails. Tous ceux que ce dossier concerne se sont immédiatement penchés sur la question. En résumé, deux accords sont pris pour repère. Le 1er passé en 1901 entre la France (à qui appartenait l’Algérie, à l’époque) et le Royaume du Maroc, laissait aux habitants de Figuig une possibilité d’accès à ces terres, d’où l’acquisition ultérieure de ces exploitations par des Marocains.

La France avait en effet amputé le Maroc –qui n’était qu’un protectorat devant tôt ou tard recouvrer son indépendance- de toute cette partie orientale, au profit de l’Algérie qu’elle pensait s’être appropriée définitivement (une Algérie française comme les DOM TOM).

Le 2ème accord, est celui passé en 1972 entre le Maroc et l’Algérie indépendante. Selon cet accord, la frontière entre le Maroc et l’Algérie, dans cette zone suit la rivière El Arja. Les terres situées de ce côté-ci de l’Oued sont marocaines, celles situées de l’autre côté sont algériennes.

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Certains pointent du doigt le flou que créent ces accords. Mais, n’abondons même pas dans ce sens. En partant du fait que ces terres sont bel et bien algériennes, puisqu’elles sont du côté du Oued qui revient à l’Algérie, cela donne-t-il le droit aux autorités algériennes de chasser des propriétaires terriens, sous prétexte qu’ils ne sont pas algériens ? Tous les propriétaires étrangers de par le monde devraient alors avoir peur de perdre leurs biens et possessions en terre d’accueil…

Les fermiers cultivateurs de palmiers-dattiers marocains plaident le fait qu’ils ont hérité ces exploitations de leurs parents, il y a 5 à 6 décennies et qu’ils ont des titres de propriété adulaires, que personne durant ce dernier demi-siècle n’a jamais contesté, ni remis en cause. Pourquoi tout changerait maintenant ? Avec le prétexte juridique d’un accord qui remonte à 1972 ?

Pour tous les observateurs qui ont eu à la commenter, cette affaire est, comme le nom que porte l’Oued de la région: bancale (Arja).

La ficelle est en effet trop grosse. Le Pouvoir d’Alger ne cherche clairement pas à récupérer les quelques kilomètres carrés d’une Oasis ignorée depuis 50 ans, mais à défier l’Etat marocain, qui l’exaspère avec ses succès diplomatiques dans le dossier du Sahara. Et, d’une pierre deux coups, l’autre objectif est de détourner le Peuple algérien de la remise en cause du régime, en interne, vers l’ennemi extérieur.

Devant l’indignation générale, suscitée par le comportement du Pouvoir algérien, qui, pour des raisons politiques, jette encore une fois de l’autre côté de ses frontières de pauvres civils innocents (Boumediene en avait fait autant avec des milliers de Marocains, au lendemain de la Marche Verte)… La presse affidée du régime a vite fait d’abandonner les arguments juridiques, pour chercher une légitimation de ces actes odieux dans des motivations farfelues…

Nombreux sont ceux qui se sont étonnés du silence du Maroc, pendant tous ces événements  de Figuig-Oued El Arja. Silence rompu le 16 mars seulement, lorsque le gouverneur de la province de Figuig a tenu une réunion avec les fermiers. Un communiqué a suivi, indiquant que cette réunion «s’inscrit dans le cadre d’une série de rencontres que les autorités provinciales et locales tiennent avec les représentants de cette communauté et avec les exploitants des terres agricoles situées dans la région d’El Arja», suite à «la décision provisoire et circonstancielle des autorités algériennes d’interdire l’accès à cette zone, à partir du 18 mars» (une phrase sibylline, du reste, personne n’ayant compris les qualificatifs «provisoire et circonstancielle»).

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Le gouverneur a promis que «l’autorité provinciale continuera d’examiner et d’élaborer des propositions de solutions qui prennent en considération toutes les possibilités…». Une chose est sûre, les fermiers ont compris qu’il fallait obtempérer. Les autorités de Figuig les ont prévenus qu’elles les empêcheraient, le 18 mars, de retourner dans leurs exploitations. Le message était clair. Les fermiers ont donc récupéré tout ce qui leur appartenait sur ces terres où ils ont grandi, investi, planté des arbres… Et quitté l’Oasis.

Seront-ils indemnisés ? Des ONG et associatifs s’organisent pour défendre leurs droits. On n’est pas dépouillé de 50 ou 60 ans de sa vie, comme ça…

Nul ne sait encore ce que leur pays, le Maroc, fera pour eux, mais  ce qui est sûr, c’est ce qu’il ne fera pas ! Et ce qu’il ne fera pas, c’est tomber dans le piège du Pouvoir algérien et répondre à sa provocation.

En définitive, cette affaire ne servira pas le Pouvoir d’Alger. Il n’en sort pas grandi aux yeux de l’opinion publique internationale, qui compatit au sort de ces pauvres fermiers. Il n’y trouvera pas, non plus, l’échappatoire qu’il cherche, face aux exigences non satisfaites du Peuple algérien qu’incarne la détermination du Hirak, exprimée à nouveau tous les mardis, par les étudiants et vendredis, par l’ensemble de la société.

Bahia Amrani

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