Maroc : Attention, personnes âgées…

Vieux maroc rural

Le Maroc accueille de nombreux résidents du 3ème âge, venus de pays européens ou autres, qui choisissent de couler leurs vieux jours sous le soleil marocain. Ils ont les moyens et mènent une belle retraite, sans doute bien méritée. Nos citoyens du 3ème âge, eux, les regardent avec envie. Leur vieillesse n’est pas la même…

C’est avec un sachet en plastique à la main et une couverture usée sur le dos que Malika, septuagénaire, rentre chez elle, ce soir d’automne où les nuits commencent à se faire froides.
Elle habite une villa dans un quartier devenu «huppé» depuis quelques années. Les lots de terrain y étaient vendus pour des miettes, il y a 20 ans en arrière et certains en ont profité pour y construire de belles demeures.
Ses voisins, vivant dans le confort ultime, ne le savent sûrement pas, mais Malika mendie la journée et ne regagne son domicile qu’à la nuit tombée, pour éviter les regards. «Je n’ai pas envie qu’ils me regardent de travers, qu’ils déjeunent en parlant de moi et qu’ils dînent, toujours en parlant de ma misère», dit Malika d’un air grave.

Selon une étude réalisée par le Haut-commissariat au Plan en 2006, le Maroc comptera 10 millions de personnes âgées en 2050. Cela, pour plusieurs raisons, notamment un allongement de la durée de vie, ainsi qu’un taux de fécondité faiblissant (autour des 2% actuellement).
Ce qui fait que la pyramide des âges connaîtra un chamboulement représenté par une génération de papy boomers presque aussi importante que la génération de jeunes.

Se sacrifier pour rien…

Si l’accroissement de la population des personnes âgées est devenu inéluctable, leur situation frisant la précarité l’est tout autant, pour beaucoup d’entre-elles. Même si pour l’instant, les Marocains sont toujours attachés à la notion de «famille» et que, pour la grande majorité de ces vieilles personnes, une vie descente leur est encore permise. A savoir un toit, de quoi manger et des soins médicaux prodigués grâce à la prise en charge de leurs enfants.
Pour d’autres, cependant, la situation est plus rude, les jours sont difficiles… «J’ai économisé toute ma vie le moindre sou, je me privais de tout pour mes enfants, j’en ai deux, deux garçons…». Un flot de larmes entrecoupe les phrases de Malika. «Je l’ai fait pour qu’ils suivent des études supérieures. Aujourd’hui, ils vivent à l’étranger, je ne sais pas comment ils vivent là-bas. Ils m’envoient des sous, juste de quoi entretenir la maison. Je n’ai pas envie de terminer ma vie dans un hospice. Je suis obligée de mendier pour manger. Et puis, ça me permet de parler avec les gens; au moins, je ne suis pas seule, je discute, je plaisante…», conclue-t-elle dans un éclat de rire, comme pour ne pas dramatiser sa situation.
Sa maison, c’est tout ce qu’il lui reste de sa vie antérieure aux côtés de l’Hajj, son défunt mari. Une nostalgie des beaux jours, d’une vie faite de sacrifices pour le bonheur de sa petite famille où elle vivait insouciante… Une époque révolue à présent. Elle n’aurait jamais imaginé se retrouver seule, lâchée par tous, par les siens.

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Une maison de retraire pour mon vieux!

Souvent mis à la porte par leurs propres enfants, les personnes de troisième âge ne bénéficient d’aucun traitement de faveur. Leur âge avancé, leurs maladies chroniques, leur vulnérabilité ne font plus pitié.
C’est ainsi qu’ils sont tout simplement exclus de cette famille dont ils devaient représenter le noyau auquel tout le monde se raccroche. Ils représentent à présent une charge trop importante, financièrement. Ce n’est plus «gérable» pour leurs enfants.
Livrés à eux-mêmes, abandonnés, ces septuagénaires et octogénaires ne trouvent refuge que dans ces centres sociaux pour personnes âgées appelés «dar l’âjaza», où ils retrouvent un semblant de dignité et peuvent espérer finir leurs jours en paix. Mais les places sont limitées, une quarantaine tout au plus. N’est pas vieux en maison de retraite qui veut!
Ces centres dont feu SM Hassan II ne voulait pas entendre un mot. «Le jour où l’on ouvrira la première maison de retraite au Maroc, notre société sera en voie de disparition», disait le défunt Souverain. Pour lui -et à juste titre- la société marocaine, en perdant sa structure telle qu’elle était, ses nobles valeurs, son entraide intergénérationnelle qui lui prodiguait son cachet d’authenticité, serait vouée à la perdition.
Malgré cela, les changements sociodémographiques et socio-économiques, que le pays connaît depuis ces dernières années, font que ces centres ont trouvé une place légitime dans le nouveau paysage social.

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Un tablier blanc couvert de tâches de sang, le regard vitreux, ce vieil homme nous dit tout en écaillant le poisson qu’il a entre les mains: «Contrairement aux retraités occidentaux qui, eux, peuvent se permettre de vivre seuls, de se prendre en charge et de venir ici au Maroc vivre la belle vie, nous, nous n’avons pas de retraite». Suit un long soupir du poissonnier Larbi, vieil homme à la silhouette fluette, à la peau ridée par les années et brunie par le soleil.
En effet, les personnes âgées au Maroc ne bénéficient pas, pour la majorité écrasante d’entre elles, de retraite. Et pour cause, ces vieilles personnes travaillaient à leur compte, ont généré des emplois pour elles-mêmes et éventuellement pour de tierces personnes. Elles n’ont donc travaillé, ni dans le secteur public, ni dans le secteur privé structuré.
Ils sont ainsi des milliers à avoir évolué dans l’informel, comme Larbi, qui a travaillé toute sa vie et qui continue de travailler pour s’assurer de quoi vivre. Lucide sur son sort, n’ayant pas d’autres sources de revenu, il est contraint de trimer même à son âge avancé. «Je travaillerai tant que j’en aurai la force; j’ai une femme malade à la maison qui a besoin de moi».
Aujourd’hui, plus que jamais, les personnes âgées au Maroc se trouvent dans des situations déplorables et fort pénibles à vivre. Entre le manque de moyens financiers, la solitude, la santé fragile et souvent détériorée, le rejet, la dépendance à la famille causée par l’incapacité physique à effectuer des activités normales, telles que s’habiller, marcher, manger seul, etc… Les personnes du troisième âge souffrent d’un mal de vivre qui les consume à petit feu.
En attendant une vraie attention pour nos vieux, toutes catégories sociales confondues, de la part du gouvernement qui peine à trouver des solutions pour les retraités de la Fonction publique… En attendant aussi les résultats du recensement de 2014 qui apporteront des éclairages sur l’évolution des ménages… En attendant le déclin de notre société, peut-être… Chaque hiver, de vieilles personnes meurent dans les rues, à cause du froid. On ne les dénombre pas. Elles n’existent plus.

Inès Filali

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