Procès en diffamation de Mohamed Mounir Majidi

Benchemsi devant la Justice française

Le journaliste Ahmed Reda Benchemsi a été assigné en Justice, en France, par Mohamed Mounir Majidi, Secrétaire particulier du Roi. L’ouverture de ce procès en diffamation est fixée au 8 juillet prochain.

Mounir Majidi Ahmed Benchemsi

Le journaliste Ahmed Reda Benchemsi avait disparu du paysage médiatique marocain.
Après avoir vendu ses parts dans l’hebdomadaire «Tel Quel» qu’il a fondé en 2001 et dirigé pendant 10 ans, puis quitté le Maroc pour les Etats Unis où il a intégré l’Université de Stanford (son « ami» le Prince Moulay Hicham ayant créé dans cette université un programme de recherche financé par la Fondation Moulay Hicham), il a cependant gardé un lien avec le métier via le site freearabs.com qu’il a cofondé, mais surtout via son blog où il a continué de faire paraître des articles où la situation politique et économique de son pays ne trouvait –et ne trouve toujours- aucune grâce à ses yeux.

Les faits

C’est l’un de ces articles qui lui vaut aujourd’hui la procédure judiciaire engagée contre lui par Mohamed Mounir Majidi, Secrétaire particulier du Roi. Un article où de graves accusations de corruption et de trafic d’influence sont portées contre Mounir Majidi lui-même, mais aussi contre plusieurs départements ministériels et financiers (accusés, pour le moins, de laxisme, sinon de complicité) et contre l’Etat marocain dans son ensemble, A.R. Benchemsi n’hésitant pas à mettre en cause, plus ou moins directement, le Roi.
Tant que l’article (et ceux, tout aussi virulents qui l’ont précédé) restait sur le blog personnel de Benchemsi, les parties accusées –bien qu’ayant toute latitude pour le faire- n’ont pas jugé nécessaire de saisir la Justice.
Mais, dès lors que ses accusations ont été reprises par des tribunes internationales sérieuses, notamment le journal Le Monde qui les publiait, le 25 juin 2012, sous le titre (à lui seul dévastateur): «La grande corruption règne en maître au Maroc», l’option du recours aux tribunaux s’imposait d’elle-même.
Une plainte – avec constitution de partie civile- a donc été déposée contre l’auteur des accusations, Ahmed Reda Benchemsi et celui qui les a reprises à son compte, le directeur du journal Le Monde, Louis Dreyfus. Selon la presse, Louis Dreyfus a déjà été mis en examen. Pour ce qui concerne A.R. Benchemsi, la 1ère audience du procès devait avoir lieu à Paris, le 16 mai. Elle a été reportée au 8 juillet prochain.

Benchemsi, optimisme et menaces...

Dans les déclarations qu’il a faites aux médias (aux sites électroniques Yabladi et Lakom, à son ex-journal Tel Quel), ainsi que dans ses tweet, Benchemsi ne se reconnaît pas la moindre erreur dans ce qu’il a publié. «Je maintiens toutes mes affirmations» envoie-t-il dans un tweet. «Je peux prouver chacun des mots que j’ai écrit dans cet article. Et même aller au-delà», poursuit-il dans un entretien accordé au site Yabladi. «Il n’y a aucune diffamation», soutient-il encore.
Parallèlement, il affiche un optimisme total. «Je suis très confiant en l’issue de ce procès», répète-t-il dans ses tweet et annonces à la presse, ajoutant: «j’y suis prêt».
Une assurance que contredisent cependant les menaces à peine voilées que répand ici et là Benchemsi. «Ce procès sera pour moi une nouvelle opportunité de déballer publiquement les dessous du Makhzen économique» lance-t-il sur Twitter. Puis au site Yabladi: «Je ne comprends pas sa stratégie, si stratégie il y a. M. Majidi m’attaque alors qu’il sait parfaitement que j’ai raison. Le seul résultat qu’il va obtenir, c’est un grand déballage juridico-médiatique de ses affaires et pratiques de business et du Makhzen économique en général. Moi j’y suis prêt, mais lui est juste en train de se tirer une balle dans le pied». Et enfin à Lakom: «Ce procès est une erreur pour M. Majidi. Ce sera l’occasion de remettre sur la table les dessous du Makhzen économique».
Le message est clair. Il met en avant la capacité de nuisance de l’auteur si le procès est maintenu.
Mais Benchemsi confond ici déballage médiatique et procédure judiciaire.
Or, si sur le plan médiatique, il peut en effet porter quelques coups (encore que les médias sérieux veilleraient à éviter de se retrouver à leur tour devant la justice), sur le plan judiciaire, il faudra bien plus que des menaces: il faudra des preuves tangibles et concrètes.

France | Le pays qui doute de tout et surtout de lui

Prouver quoi ?

En effet, devant la Justice, quand un délit est dénoncé, rien d’autre ne compte que la preuve de ce délit.
Mounir Majidi dénonce la diffamation et il a les preuves de ce qu’il dénonce. L’article publié par le journal Le Monde en est plein.
En revanche, que pourrait prouver Ahmed Reda Benchemsi ?
La seule chose qui vaudrait aux yeux des juges français, serait de prouver que M. Majidi et tous ceux qui ont été (nommément) mis en cause par les écrits de Benchemsi, ont agi dans l’illégalité au regard de la loi marocaine. C’est cela qui ôterait aux allégations du journaliste leur caractère diffamatoire et lui permettrait éventuellement d’obtenir gain de cause.
Or, lui et son avocat Maître William Bourdon seraient bien en peine de présenter cette preuve-là. Pour la simple raison que le délit n’existe pas. Il ne peut être rien reproché à Mounir Majidi, ni à quiconque d’autre, au regard de la loi !
Le Secrétaire particulier du Roi a des entreprises ? Et alors ? La Constitution marocaine donne ce droit à tous les citoyens du pays. Il ferait même du lobbying pour ses affaires qu’il ne pourrait être incriminé pour cela: tous les hommes d’affaires en font pour les leurs, au Maroc, comme dans tous les pays du monde. Ce qui compte, c’est d’agir dans le cadre de la loi. Et Mounir Majidi le fait.
Sur le plan juridique et judiciaire, il n’y a rien à ajouter !

SwissLeaks : Le Roi du Maroc clairement visé

Ce procès est une aberration

Le fait que A.R. Benchemsi évoque avec force le volet politique et médiatique appelle quelques remarques.
Il est absurde de penser que la Justice française puisse se pencher et encore moins se prononcer sur ce qu’il appelle «le Makhzen économique».
Il est absurde que la Justice française ait à connaître de ce que Benchemsi menace de soulever devant elle et qui n’est rien d’autre que la remise en cause des systèmes politique et économique du Maroc qu’il caricature à l’extrême.
Dans ce sens, ce procès est une aberration.
Mais Mounir Magidi n’avait pas d’autre choix. S’il avait attaqué Benchemsi devant les tribunaux nationaux, ce dernier aurait crié à la partialité de la Justice marocaine et aurait contesté le verdict. Ce qui n’aurait pas réellement rendu justice au Secrétaire particulier du Roi et à tous ceux qui ont été, comme lui, visés par les accusations de l’ex-directeur de Tel Quel.
Quant à ce qui concerne l’aspect politique de cette affaire et l’appréciation qui peut être portée sur le Maroc d’aujourd’hui, les arguments de A.R. Benchemsi en valent d’autres…

L’acharnement politique

Lui et ceux qui partagent ses opinions ont choisi l’acharnement politique contre le Maroc, son Roi, ses institutions et tous ses choix politiques, économiques et sociaux.
La liberté de pensée et la liberté d’expression leur permettent cela.
Mais la démocratie interdit la pensée unique.
Ils sont bien plus nombreux ceux qui vivent au Maroc, qui croient en leur pays, qui travaillent à en multiplier les avancées et qui sont heureux de le voir sur une bonne voie, quoi qu’en disent les détracteurs.
Le Maroc n’est-il pas sur une bonne voie, par exemple, quand des chantiers structurants sont lancés aux quatre coins du pays ? Quand les infrastructures de base (routes, autoroutes, ports, aéroports…) sont développées et renforcées ? Quand des projets audacieux (comme la Centrale solaire de Ouarzazate, la plus grande au monde) voient le jour ? Cela veut dire que le pays a décidé à la fois de répartir les fruits de sa croissance, comme l’exige la bonne gouvernance des Etats, et de booster cette même croissance…
Si la classe dirigeante au Maroc était comme la décrivent Benchemsi et consorts, y aurait-il eu tout cela ?
Quant à s’enrichir au Maroc, cela est permis à tous. Comme il est permis à tous de profiter du libéralisme choisi par le pays. Les amis et/ou mentors princiers de Ahmed Reda Benchemsi ne s’en privent pas, d’ailleurs… Mais eux, il ne leur est rien reproché.

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Fin de la visite de travail au Maroc du Président du gouvernement espagnol

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2 Commentaires

  1. Ms. Tara Rigler

    Affaires. Selim dans l’œil du cyclone

    Selim Belmaachi
    (DR)

    Le secrétaire particulier de Mounir Majidi est au centre d’une polémique qui enfle jour après jour : a-t-il réellement usé de sa proximité avec Majidi pour s’adjuger, à prix modique, des terres des Habous à Taroudant ? Mounir Majidi le lui pardonnera-t-il ? Enquête.

    Depuis près d’une semaine, l’information fait les gros titres de la presse quotidienne : Selim Belmaachi, secrétaire particulier de Mounir Majidi et secrétaire de Siger, le holding royal, aurait été démis de ses fonctions. Il aurait ainsi été “puni” pour avoir usé de sa

    proximité avec Majidi pour acquérir, à prix symbolique, des terres appartenant aux Habous dans la région de Taroudant. Quoique rédigées au conditionnel, les informations parues cette semaine font même état d’une éventuelle restructuration du secrétariat particulier de Majidi et le retour en grâce d’éléments bannis par Selim. “Rien de tout cela n’est encore officiel et Selim a simplement été mis à l’écart. Ses activités ont été gelées provisoirement”, explique une source proche du cercle royal. Qu’est-ce à dire ? Mystère. D’autant que, fidèle à sa réputation, le principal intéressé (à savoir Selim) se refuse à tout commentaire, laissant à ses amis le soin de le défendre. “Tout ce qui s’est dit sur cette histoire n’est que pure bêtise. C’est surtout révélateur de la haine et de la mauvaise foi à l’encontre de Selim Belmaachi”, s’emporte une source proche et “autorisée”. Soit. Mais Selim exerce-t-il encore ses fonctions à la tête de Siger et au sein du cabinet royal ? “Il n’y a aucun doute là-dessus”, répond la même source, qui poursuit sur un ton plus calme : “C’est pour autant une fonction comme une autre, qui n’est donc pas éternelle. Si demain elle est occupée par quelqu’un d’autre, le monde ne s’écroulera pas pour autant”. Dans un accès de colère, Majidi aurait-il simplement demandé à Selim de disparaître de la circulation, le temps de prendre une décision définitive ? Tout porte à le croire, d’autant que depuis quelques jours, Selim est en vacances à l’étranger, probablement aux Etats-Unis. “Il ne rentre que dans une quinzaine de jours”, répond l’un de ses collaborateurs.

    Flash-back
    La mésaventure de Selim Belmaachi commence le samedi 26 mai 2007. Al Ahdat Al Maghribia publie l’information en gros caractères et en Une du journal : “Nouveau scandale foncier, le secrétaire particulier du roi bénéficie d’un terrain à prix symbolique à Taroudant”. On y apprend que Selim a acquis, en juillet 2005, un terrain de quatre hectares et demi, situé en pleine zone touristique de Taroudant, à seulement 50 DH le mètre carré. “Alors que le prix de référence local est normalement supérieur à 4000 DH”, écrit le quotidien. Pire, la transaction a été effectuée en un temps record, “grâce aux interventions du ministre des Habous et des Affaires islamiques en personne, alors que la loi n’autorise aucune transaction sans appel d’offres préalable”, explique encore le journal. L’affaire, qui a déjà défrayé la chronique dans la région d’Agadir, alimente alors les discussions de salon à Rabat et Casablanca. “C’est un coup d’El Himma, c’est son entourage qui a soufflé l’information”, jurait-on ici et là. Toujours est-il qu’au fil des jours, “l’affaire” prend suffisamment d’ampleur pour que le ministère des Affaires islamiques décide de réagir officiellement. Ahmed Taoufiq se fend alors d’un communiqué qui ne nie pas l’information, mais insiste sur le caractère “tout à fait légal de la transaction”. “Le ministère se base sur l’estimation de la valeur du terrain lorsqu’il s’agit de grandes surfaces. Pour le cas de Taroudant, le ministère a validé la demande d’achat à 50 DH le mètre carré, après avoir consulté le nadir local à propos des prix de terrain actuellement en vigueur dans la région”, pouvait-on lire sur le communiqué de Taoufiq. Mais le dossier n’en est pas clos pour autant. “Selim a bénéficié de ces terres grâce à son poste influent dans l’appareil d’Etat et en jouant de sa proximité avec le roi”, écrit cet éditorialiste de la place. Episode suivant : certains partis se saisissent de l’affaire. Opportunisme politique ou règlement de comptes, c’est finalement le PJD qui décide de poser une question orale au Parlement, en refusant de citer nommément Selim Belmaachi. “Nous exerçons notre rôle de contrôle du gouvernement. Nous exigeons des explications à propos d’une affaire qui intéresse l’opinion publique et qui implique de hauts responsables dans l’Etat. Ce n’est pas nécessaire de citer des noms”, explique Lahcen Daoudi, membre du secrétariat général du PJD. Ahmed Taoufiq ne se fait pas prier pour répondre. Il dit d’abord toute sa tristesse d’avoir été mêlé à cette affaire et apporte une nuance de taille : “Le prix du mètre carré viabilisé dans la région est de 450 DH et non de 4500 DH. Viabiliser un terrain coûte en moyenne 400 DH au mètre carré, ajoutez cela aux 50 DH qui ont été payés et vous vous rendrez compte qu’il n’y a pas lieu de parler de privilège” (lire aussi l’encadré ci-contre). Le ministre s’en sort habilement, mais l’affaire continue de défrayer la chronique. Dans les couloirs du Palais, la tension n’est pas tombée, bien au contraire. Selon des informations recoupées, Selim aurait été convoqué par Majidi et sévèrement tancé en présence du conseiller royal Mohamed Moâtassim. “Majidi aurait diligenté une enquête en interne et consulté des juristes et des théologiens qui n’auraient relevé aucun vice de forme dans la transaction. En revanche, ils auraient tous signalé que les grands responsables de de l’Etat doivent rester au-dessus de pareilles affaires et ont l’obligation de ne pas toucher aux propriétés des Habous, dont Majidi est personnellement responsable selon la religion”, croit savoir un homme d’affaires casablancais, bien introduit dans les milieux officiels. Que se passera-t-il lors du retour de vacances de Selim Belmaachi ? Mounir Majidi se contentera-t-il d’un énième avertissement à son secrétaire particulier ? Les rivaux de Selim au sein du cabinet royal sauteront-ils sur l’occasion pour lui asséner le coup de grâce ? Dans tous les cas, l’affaire Selim risque d’être le désormais traditionnel feuilleton de l’été.

    Zoom. Le prix de la discorde

    Une grande partie de la presse (dont TelQuel) a rapporté que la valeur réelle du terrain acquis par Selim Belmaachi à Taroudant était de 4500 DH le mètre carré, soit 90 fois le prix payé par le secrétaire particulier de Majidi. Après une seconde vérification, ce montant paraît exagéré. “Un hectare se négocie à Taroudant entre 300 et 1000 DH le mètre carré, s’il se trouve à l’intérieur des remparts. Pour qu’il soit vendu à 4500 DH, il devrait y avoir du pétrole ou un monument historique”, ironise cet expert immobilier basé à Marrakech. Même son de cloche chez ce militant associatif à Taroudant : “J’ai récemment acheté un terrain à 700 DH le mètre carré dans un lotissement entièrement viabilisé. Les terrains les plus chers se trouvent à l’intérieur des remparts et dépassent rarement les 1500 DH le mètre carré”, explique-t-il. Le terrain acquis par Selim se trouve, lui, à l’extérieur des anciennes murailles de la ville. Il a été acquis en 2005 et, selon notre expert immobilier, “les terrains de l’époque se négociaient entre 300 et 500 DH”. Cela fait que Selim l’a quand même payé neuf fois moins cher que la normale et sans passer par un appel d’offres. Notre expert immobilier apporte enfin une nuance de taille : “Reste à savoir ce que les autorités ont décidé de faire de cette partie de la ville. Si leurs plans d’aménagement y autorisent la construction d’un hôtel de dix étages par exemple, cela change totalement la donne”.

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