Le monde post-soviétique (2ème partie). Le poids de l’islam

Mosquee kul sharif russie

L’islam est bien sûr la religion de nombreux pays issus de l’éclatement de l’Union soviétique. Mais c’est aussi une religion importante de la Russie actuelle.

Fédération de Russie

L’islam est implanté dans certaines régions, comme le Caucase du Nord, depuis plus de 1.300 ans. La plupart des musulmans vivent au Nord-Caucase, ainsi que près de la Volga et dans l’Oural. La plupart des sources donnent une proportion de 13% à 15% de musulmans, soit 19 à 22 millions.

Le centre politique et culturel de l’islam en Russie est Kazan. Cette ville fait figure de capitale officieuse de l’islam, à côté de la capitale officielle qu’est Moscou. Les Tatares sont le peuple musulman le plus nombreux en Russie. Ils sont 6 millions, ce qui représente 4% de la population de Russie. C’est le deuxième peuple le plus nombreux après les Russes qui représentent 80% des habitants de Russie. Seulement, un tiers des Tatars vivent au Tatarstan (dont la capitale est Kazan) où ils constituent la moitié de la population. Environ 40% des habitants du Tatarstan sont Russes. En dehors de cette république autonome, leur territoire s’étend entre la Volga et l’Oural où ils cohabitent avec d’autres peuples musulmans, du Nord-Caucase jusqu’à l’Asie centrale. On sait leur importance en Crimée.
En raison du développement historique de l’islam en Russie, on y trouve trois variantes traditionnelles. La majorité des musulmans de la Fédération de Russie fait partie de l’école de droit hanafite. Dans le Nord-Caucase et spécialement au Daguestan, l’école chaféite et le soufisme prévalent du fait des interactions historiques avec les pays arabes. Avec l’effondrement de l’Union soviétique, sont arrivés aussi le salafisme et le wahhabisme.
Contrairement aux craintes de certains, la guerre de Tchétchénie n’a pas provoqué de solidarité majeure avec la Palestine, ni de polarisation des musulmans de Russie. De même auparavant, la révolution iranienne ou la guerre russe d’Afghanistan n’avaient pas non plus suscité la solidarité des musulmans de Russie. Il est vrai que le long de la Volga et à Kazan, les musulmans, les chrétiens et les athées vivent ensemble sans heurts, ce qui constitue un éminent modèle de cohabitation interreligieuse trop souvent oublié.
Pourtant, dans les derniers temps, des idées hostiles à l’islam se sont répandues dans la population, ce qui a conduit à des discriminations massives de la minorité musulmane. Il y a aussi des différences essentielles de perception des peuples musulmans du côté des Russes. Depuis la complication des relations du fait de la guerre de Tchétchénie, de nombreux Russes voient hâtivement tous les Caucasiens comme des terroristes ou des criminels potentiels qui enlèvent des personnes pour extorquer de l’argent. Parmi les musulmans, les Tchétchènes sont considérés comme les champions du crime organisé qui contrôleraient le milieu souterrain de Moscou. Les musulmans du Caucase sont classiquement assimilés à des wahhabites, mais les muftis se réclament aussi parfois de cet islam.

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Dans l’ex-URSS

Idéologie communiste et athéiste oblige, dans la totalité de l’Union soviétique, tout fait religieux fut officiellement interdit et réprimé pendant la majeure partie du XXe siècle. Les indépendances de 1991 accélérèrent le phénomène. Pour marquer la rupture avec
l’idéologie soviétique, les anciens communistes, devenus les nouveaux dirigeants, adoptèrent une ligne politique fondée sur un nationalisme réaffirmé qui les conduisit à changer radicalement d’attitude à l’égard de l’islam. Il n’était plus question de réprimer la religion mais, bien au contraire, de la restaurer dans son rôle central de marqueur culturel et identitaire. La Turquie, qui fut le premier pays à reconnaître les nouveaux États indépendants, dont la plupart lui sont proches par la langue, la culture et la religion, a été à l’origine de nombreux mouvements prosélytes. La plupart des pays musulmans de l’ex-URSS ont cherché à définir ce que devait être l’islam dit national, c’est-à-dire un islam répondant à des critères stricts, conformes aux intérêts de la nation et établis dans des structures administratives de gestion et de contrôle du culte. Les élites héritées de l’ère soviétique, encore marquées par le sécularisme forcené de l’ancien régime, entretiennent un rapport ambigu au religieux. Elles en reconnaissent l’importance en qualité de marqueur identitaire et d’outil politique tout en redoutant sa force de contestation et de mobilisation.
Entre 1924 et 1936, les frontières de l’Asie centrale furent redessinées et cinq républiques soviétiques créées sur des bases ethniques et géographiques: le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. Elles acquirent toutes leur indépendance en 1991, à la dislocation de l’URSS.

Le Kazakhstan

Le Kazakhstan, vaste et peu peuplé (environ 16 millions d’habitants pour 2,7 millions de km2), compte une forte minorité russe et chrétienne dans les «terres vierges» du nord (il s’agit de steppes défrichées et mises en culture dans les années 1950). Les Slaves constituent environ un tiers de la population face à une moitié de Kazakhs turcophones et traditionnellement nomades. La région fut islamisée au IXe siècle et ravagée par les Mongols de Gengis Khan au XIIIe siècle. Intégrée à l’empire russe au cours du XIXe siècle, elle fut utilisée comme terre de déportation par Staline.

L’Ouzbékistan

Plus peuplé que son grand voisin et riche en pétrole et gaz naturel, l’Ouzbékistan conserve à Samarkand et Boukhara le souvenir de Tamerlan et de la civilisation irano-mongole. Le pays constituait une étape importante sur la route de la soie, entre Chine et Europe. Depuis l’indépendance du pays, en 1991, le président Islam Karimov y accapare le pouvoir.

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Le Tadjikistan

Constitué de plateaux peu fertiles, le Tadjikistan a été séparé de l’Ouzbékistan en 1929 pour former une république fédérée de l’URSS à part entière. Cette création a coupé le pays de Samarkand et de Boukhara, les anciens grands centres de la culture persane en Asie centrale, alors que le Tadjikistan est peuplé d’une majorité de Tadjiks, musulmans de langue iranienne, par opposition aux Turkmènes, Ouzbeks, Kazakhs et Kirghizes de langue turque. Entre 1992 et 1996, une guerre civile pour l’accès au pouvoir a déchiré le pays entre pouvoir néo-communiste, démocrates et islamistes.

Le Turkménistan

Le Turkménistan compte environ 5 millions d’habitants, dont 75% de Turkmènes. Le désert de Karakoum couvre les trois quarts de sa superficie. Sur la scène internationale, il a choisi d’adopter une posture de «neutralité perpétuelle» après son accession à l’indépendance, tandis qu’à l’intérieur, le pays est passé du régime soviétique à un système présidentiel autoritaire à parti unique, dirigé par le président Niazov.

Le Kirghizistan

Le Kirghizistan, peuplé d’une faible majorité de Kirghizes et d’un tiers de Russes, est un pays montagneux qui a même parfois été surnommé «la Suisse d’Asie centrale». C’est également le pays qui a le mieux résisté à la pente autoritaire après l’effondrement de l’URSS.

L’Azerbaïdjan

Quant à ce petit pays du Caucase, sur la mer Caspienne, il abrite environ 8,5 millions d’habitants (2008), dont 80% d’Azéris. Ces musulmans parlent une langue proche du turc et sont majoritairement chiites. Son sous-sol est riche en pétrole et en gaz.
Intégré en 1828 à l’empire russe, l’Azerbaïdjan devient brièvement une république indépendante en 1918. En 1922, il est intégré à la Fédération transcaucasienne et à l’URSS. La région autonome du Haut-Karabakh, peuplée majoritairement d’Arméniens, lui est rattachée. Dans les années 1980, la politique de glasnost menée par Gorbatchev encourage les Arméniens à demander le rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie. Le gouvernement soviétique refuse cette perspective mais des pogroms anti-arméniens, alimentés par le réveil du nationalisme azéri, secouent l’Azerbaïdjan et sa capitale Bakou. En 1990, l’Arménie proclame le rattachement du Haut-Karabakh à son territoire. L’Azerbaïdjan est à nouveau embrasé par une flambée de violence anti-arménienne. L’Armée Rouge intervient brutalement à Bakou pour rétablir l’ordre («Janvier noir»).
En 1991, prenant acte de la dislocation de l’URSS, le Soviet suprême d’Azerbaïdjan déclare l’indépendance du pays qui adhère à la CEI. En 1994, les Arméniens prennent le contrôle du Haut-Karabakh. Depuis, un statu quo précaire prévaut, emblématique des «conflits gelés» qui fragilisent les pays post-soviétiques.

On le voit bien, le conflit ukrainien est un arbre qui ne saurait cacher la forêt des problèmes en suspens créés par l’effondrement de l’URSS, élément fondamental de notre siècle nouveau.

Patrice Zehr

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