Présidentielle française : Marine Le Pen peut-elle gagner?

Présidentielle française : Marine Le Pen peut-elle gagner?

C’est la question, bien sûr, que tout le monde se pose.

Une grande partie de la classe politique et de la presse s’en inquiète.

Une inquiétude très affichée, qui est sincère ou stratégique. Stratégique, car il s’agit d’éviter une démobilisation des électorats d’Emmanuel Macron. Cette démobilisation, en raison d’une victoire jugée certaine et d’un accroissement des abstentionnistes, est un danger objectif pour le score final de Macron au second tour.

Cela étant, les chiffres sont parlants. Sur un simple plan mathématique et une estimation raisonnable des reports de voix, Marine Le Pen n’a aucune chance d’être élue. Il faudrait pour qu’elle gagne un drame national ou une erreur fatale de son rival.

Cela étant, sa défaite peut être très relative.

Il est bien évident que le quinquennat dépendra largement du score de Marine Le Pen au second tour, puis du résultat des législatives.

Le FN  à 25-35% ou plus de 40% au second tour, ce n’est pas la même chose. Plus la candidate Bleue Marine sera haute, plus elle sera incontournable pour la suite des événements. Pour réussir son pari, Macron doit être très haut. C’est la condition de la mobilisation en faveur d’une majorité présidentielle aux législatives.

C’est le grand danger pour le candidat d’«En Marche», une victoire en trompe l’œil.

Un président mal élu risque de se retrouver sans majorité présidentielle. Sans majorité présidentielle, le président préside, certes, mais ne gouverne pas. Il n’est pas en mesure d’appliquer son programme: c’est le scénario  de la cohabitation qui a toujours débouché sur de l’immobilisme. C’est, pour certains au FN, la meilleure hypothèse pour leur candidate, chef de l’opposition face a un pouvoir impuissant.

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Pour Macron, l’objectif est de surfer sur une belle dynamique du second tour, pour obtenir dans la foulée une majorité parlementaire absolue. C’est possible, mais ce n’est pas certain.

En effet, si les partis dominants, socialistes et républicains, ont été éliminés de la présidentielle, un coup de tonnerre incroyable, ils restent politiquement implantés et leurs électeurs n’ont pas disparu. Macron pourra compter sur de nombreux soutiens sincères ou intéressés de candidats de la gauche et de la droite qui voudront le rejoindre. Il ne pourra pas tous les accepter.

«Les Républicains» ont un objectif, battre Marine Le Pen, puis devenir majoritaires au parlement pour obliger Macron à une cohabitation avec un  Premier ministre issu de leurs rangs. Les socialistes, majoritaires dans l’actuelle assemblée, vont tout faire pour ne pas disparaître. Le FN, lui, peut espérer un nombre cette fois important d’élus, tout comme les partisans de Mélenchon.

Ces législatives d’affrontement des 4 France s’annoncent absolument imprévisibles. Or, Macron n’aura vraiment gagné qu’avec une majorité présidentielle. Il tente donc de rassurer tous ceux qui ne sont pas encore séduits par lui. Les classes populaires bien sûr, où il est faible et craint comme un super libéral mondialiste. Et la droite de la droite filloniste qui craint son discours sur l identité et le communautarisme.

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Mais, c’est encore plus difficile pour Marine Le Pen. Elle doit, pour gagner, réussir l’impossible: engranger près de 10 millions de suffrages supplémentaires; c’est impossible. Il lui en faudrait beaucoup moins en cas de montée massive de l’abstention.

Macron doit donc surtout ne pas être suffisant. Il ne doit pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Cette tentation de triomphalisme a plombé le début de sa campagne du second tour. Il a depuis redressé la barre.

Cependant, les titres de la presse hebdomadaire sur son pari réussi donnent l’impression que, pour les médias proches de lui, les plus nombreux et de très loin, il a déjà gagné. D’où cette montée au créneau dans l’audiovisuel de ses soutiens pour diaboliser Le Pen et assurer que rien n’est joué.

On l’aura compris: le danger pour Macron, c’est la démobilisation des  siens et l’abstention des autres. C’est le risque qu’il obtienne, le 7 mai, une victoire à la Pyrrhus.  Marine Le Pen connaîtrait une défaite relative qui serait, en fait, «une divine surprise» très féconde pour les législatives.

Marine Le Pen, sauf imprévu majeur, ne peut gagner, mais la victoire de Macron peut être très relative. C’est son nouveau défi: non pas gagner, mais écraser sa rivale.

Patrice Zehr

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