Syndicats : Les coups ne viennent pas forcément d’en haut !

Bien sûr qu’il ne faut pas tuer les syndicats. Comme il ne faut pas tuer les partis politiques. Comme il ne faut pas tuer la presse… Ce sont là les fondements de la démocratie. Le dire devient une Lapalissade.

Cependant, les uns comme les autres connaissent aujourd’hui une descente aux enfers qui menace de leur être fatale.

C’est le 1er Mai. Concentrons-nous donc sur les syndicats. Ce sont eux qui, ce jour-là, remplissent la rue de leur toute-puissance, réelle ou supposée. Défilés de «la classe laborieuse», mégaphones amplifiant les slogans revendicatifs, banderoles chargées d’injonctions adressées aux gouvernants… Entre ambiance de surchauffe et liesse communicative, la rue devient Agora pour vox populi… Avant de finir le soir couverte de tracts aux couleurs des syndicats, d’imprimés froissés et autres fanions en papier (du boulot pour les éboueurs, le lendemain !).

Et que reste-t-il de cette journée ? La satisfaction d’un exercice de catharsis, côté marcheurs ; et la satisfaction d’une démonstration de force, côté syndicats.

Mais les démonstrations du 1er Mai ne leurrent plus personne. Pas même les syndicats qui savent bien qu’ils sont en perte de vitesse.

Les raisons de ce déclin sont nombreuses. Elles ne sont cependant pas celles qu’avancent les Directions des Centrales syndicales à leurs adhérents.

Qu’avancent les «Zaïms» pour expliquer l’affaiblissement de leur Centrale ? Un seul argument: la politique du gouvernement accusé de restreindre les libertés des syndicats et de rester sourd à leurs «revendications légitimes».

Or, s’il y a du vrai dans cette argumentation, celle-ci est loin d’expliquer à elle seule la Bérézina du mouvement syndical au Maroc.

La 1ère cause de l’affaiblissement des syndicats n’est autre que leur émiettement, souvent dû à un «saucissonnage» que ne justifient ni un référentiel différent, ni une base de militants plus large… Juste l’égo de chefs qui veulent être «Calife à la place du Calife».

Syndicats | Les Centrales relaient les inquiétudes croissantes des salariés

Ainsi, le Maroc se retrouve aujourd’hui avec un peu moins d’une trentaine de syndicats (28 recensés, à ce jour) dont beaucoup n’ont aucune représentativité et donc, aucune utilité.

Ceci, alors que l’utilité des syndicats est déjà fortement battue en brèche –et c’est la 2ème raison de leur déclin- par l’importance croissante des réseaux sociaux. Lorsque le Maroc a connu la fameuse campagne de boycott (lancée sur les réseaux sociaux en avril 2018), les syndicats n’ont pu, à aucun moment, prendre la situation en mains. De plus en plus, d’ailleurs, ils perdent de leur esprit d’initiative et n’interviennent que pour «récupérer» des affaires qui ont été fortement médiatisées. C’est, par exemple, ce qui s’est passé avec l’affaire des enseignants dits «contractuels».

Mais les causes de la déroute des syndicats sont encore plus profondes.

Elles tiennent à ce que ces derniers se soient éloignés de leur mission première, qui est de se mettre exclusivement au service de la classe ouvrière… Pour se laisser entraîner sur d’autres terrains. Notamment, celui de la politique politicienne et de la compétition médiatique…

Il est vrai que certains syndicats sont adossés à des partis politiques qui se retrouvent tantôt dans la majorité gouvernementale, tantôt dans l’opposition. Il est vrai aussi que le système parlementaire marocain –qui est basé sur le bicaméralisme- prévoit une Chambre des Conseillers où sont représentés les syndicats (outre le patronat, les Chambres professionnelles, les collectivités territoriales) Et que cela politise partiellement l’action syndicale. Cependant, de nombreux syndicats se sont laissé séduire par la politique, au point d’en oublier ce pourquoi ils sont nés !

Le vrai travail que doivent effectuer les syndicats est ainsi négligé (si tant est que certains d’entre eux sachent en quoi il consiste). Combien, en effet, y a-t-il de syndicats qui veillent à entretenir un contact permanent avec les travailleurs ? Ou qui se soucient de toujours garder le pouce sur le pouls de cette «classe laborieuse» (Attabaka Al Kadiha) dont ils se réclament ? Ou bien qui anticipent en allant au-devant de leurs adhérents pour s’enquérir de leur situation et recueillir leurs doléances, de sorte à pouvoir agir au plus vite, en cas de crise ? Ou encore qui organisent le travail syndical de façon rationnelle, en programmant des rencontres régulières avec les employeurs, le patronat en général et le gouvernement, indépendamment des rencontres qui ont lieu (ou pas) dans le cadre du dialogue social ? Ou enfin qui négocient l’instauration d’une formation continue pour les travailleurs au sein de l’entreprise, afin de permettre à la fois une plus sûre qualité de travail pour l’entreprise et une plus rapide possibilité de promotion pour le travailleur ?

Pascal Lambolez, conseiller, expert à la Fédération des Mines et Energie (CGT) et intervenant international dans les questions de vie syndicale

Les uns attirés par les lumières de la médiatisation auxquelles ils s’exposent plus souvent qu’à leur tour, les autres plongés dans une somnolence dont on ne les voit sortir qu’une fois par an à l’occasion du 1er Mai, les syndicats ont perdu la confiance des salariés qui les accusent, en plus, de se servir plutôt que de les servir.

C’est bien tout cela qui contribue à assombrir l’image des syndicats aux yeux de l’opinion publique… Quand bien même ils revendiquent les acquis sociaux accordés dans le cadre du dialogue social (comme c’est le cas aujourd’hui), ou continuent de réclamer ce qu’il reste encore à obtenir (comme la loi sur la grève ou la loi sur les syndicats…).

L’avenir des syndicats est entre leurs mains. Et seul le travail paiera. Car désormais, la population est alerte, exigeante et n’hésite plus à prendre elle-même en charge les dossiers qui ne le sont pas par ceux qui devraient le faire.    

Bahia Amrani

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