
Les droits humains et la consommation des drogues ont été au centre d’une conférence thématique, tenue mardi à Rabat, dans le cadre d’un partenariat entre le Conseil de l’Europe et les ministères de la Justice, et de la Santé et de la protection sociale.
Dans une allocution, le directeur des affaires pénales, des grâces et de la détection du crime au ministère de la Justice, Hicham Mellati, a insisté sur l’impératif d’aborder la question de la consommation des drogues en dehors du cadre judiciaire et des politiques sécuritaires et pénales, plaidant pour des approches alternatives visant à mettre fin à l’addiction et à proposer des solutions appropriées.
Il a souligné, dans ce sens, que le Maroc inscrit son action dans une démarche équilibrée dans le cadre de “l’approche extra-judiciaire”, où le toxicomane a la possibilité de choisir le traitement et, par conséquent, d’interrompre les procédures judiciaires.
Dans le cadre des mesures préventives prises par le tribunal, la loi prévoit, outre la peine initiale, une mesure préventive impliquant le placement dans un établissement thérapeutique, a-t-il souligné, notant que la loi sur les peines alternatives a également fait du traitement de la toxicomanie une peine alternative dans le cadre des mesures thérapeutiques prévues.
Pour sa part, le président de la section de suivi des affaires pénales privées à la présidence du Ministère public, Hafid Bahddou, a affirmé que les politiques nationales liées à la lutte contre la drogue favorisent désormais la prévention et le traitement, tout en accordant une attention particulière à la dignité des personnes concernées et à leur droit aux soins de santé.
Il a également fait état d’un passage progressif d’une approche traditionnelle fondée essentiellement, mais pas exclusivement, sur la répression à une approche plus globale qui tient naturellement compte de la dimension humaine, de la dignité de l’individu et de son droit au traitement et à l’intégration.
M. Bahddou a relevé, à ce propos, que la promotion du traitement judiciaire des questions de consommation des drogues sur la base des droits de l’homme requiert le renforcement de l’action commune des différentes institutions et des capacités des intervenants dans les domaines juridiques, de santé et social.
Mettant en avant la contribution du Maroc dans le cadre des conventions internationales relatives à la lutte contre la drogue, il a fait observer que “le moment est venu pour relever le niveau d’interaction avec ces conventions et de les appréhender constamment dans le cadre de cette dimension humaine”.
Pour sa part, le chef de l’Unité de suivi des affaires de drogue au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Hamid Hami Eddine, a affirmé que la question des droits de l’Homme et de la consommation de drogue soulève un ensemble de problèmes où s’entrecroisent droit pénal, santé publique et préservation de la dignité humaine, ce qui exige l’adoption d’une approche moderne en matière de traitement des questions relatives à la drogue selon une perspective intégrée des droits de l’Homme.
Les expériences et les faits ont démontré que le traitement de la question de consommation des drogues selon une approche exclusivement répressive engendre un coût social, sanitaire et judiciaire élevé, a-t-il poursuivi, notant que cette approche contribue “à exacerber la vulnérabilité et la marginalisation, alourdit la charge des tribunaux et des établissements pénitentiaires et limite l’efficacité des efforts déployés dans ce contexte”.
En harmonie avec cette vision, le législateur marocain a adopté une double approche fondée, d’une part, sur la dissuasion juridique, et d’autre part, sur le traitement et la réhabilitation à même de protéger la société et de respecter la dignité de l’individu et de son droit au rétablissement.
Quant au représentant du ministère de la Santé, Omar Bouram, il a indiqué que garantir un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt public et de la société et les obligations de la protection des droits fondamentaux des personnes touchées par les drogues et l’addiction demeure une préoccupation et un défi que les Etats doivent relever pour atteindre des les Objectifs du développement durable.
Il a fait remarquer que la prise en considération des droits de l’Homme dans les politiques relatives aux drogues constitue un processus continu pour l’application des normes juridiques et les principes liés aux droits de l’Homme, ainsi que pour l’élaboration des politiques dans ce secteur, leur mise en œuvre et leur évaluation, soulignant que cette rencontre est l’opportunité de renforcer les aspects liés aux droits de l’Homme dans ce genre de politiques, à travers notamment la consolidation des compétences des acteurs concernés.
De son côté, la cheffe du Bureau du Conseil de l’Europe au Maroc, Carmen Morte Gomez, a fait observer que “l’addiction est considérée comme l’un des défis les plus complexes auxquels font face les sociétés aujourd’hui, vu qu’elle requiert des réponses coordonnées associant justice, santé, sécurité, protection sociale et droits de l’Homme”, insistant sur la nécessité de protéger les consommateurs de drogues ou de psychotropes, de les soutenir et de les traiter avec dignité.
Elle a fait savoir que le Conseil de l’Europe attache un intérêt particulier à cette vision et appuie, depuis plus de 50 ans, les Etats dans l’élaboration de politiques fondées sur la dignité humaine et la santé publique, par le biais du Groupe “Pompidou”, groupe de coopération internationale du Conseil de l’Europe sur les drogues et les addictions.
Au menu de ce séminaire, figure le lancement du Programme de formation aux droits humaines pour les professionnels du droit (HELP), qui vise à fournir une formation de qualité dans le domaine des droits de l’Homme au profit des juges, des procureurs et des avocats, ainsi que des organismes chargés de l’application de la loi, afin de leur permettre de mieux protéger les droits de l’Homme au niveau national et de s’informer des normes et jurisprudences en constante évolution des judiciaires européennes.
LR/MAP
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