Procès à distance, une expérience pionnière dans le système judiciaire national

Ministère de la justice

Les participants à un colloque national sur “le procès à distance et les garanties d’une justice équitable”, organisé mardi à Rabat par le ministère de la Justice, ont relevé que l’adoption de cette technique pendant une année constitue une expérience pionnière en vue de l’amélioration du système judiciaire au Maroc.

Lors de ce colloque initié en partenariat et en coopération avec le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) et le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), le ministre de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader, a indiqué que cet événement se veut une véritable halte de réflexion pour évaluer cette expérience pionnière et prometteuse dans le système judiciaire marocain, une année jour pour jour après la mise en pratique de ce mode de procès.

La date du 24 avril 2020 symbolise, en effet, le défi, la détermination et la volonté de relever les enjeux dictés par le contexte épidémiologique, a-t-il ajouté.

Le recours aux procès à distance, via visioconférence, était une décision conjointe du ministère de la Justice, du CSPJ et la présidence du ministère public, a poursuivi M. Ben Abdelkader, soulignant que le ministère de la Justice a mobilisé, dans le cadre des prérogatives qui sont les siennes, les ressources logistiques, techniques et humaines de même qu’il a assuré la coordination entre les différents intervenants.

Vu la sensibilité et la nature des informations communiquées lors des audiences et auditions, a assuré le ministre, le système audiovisuel interne sécurisé du ministère a été mis en service en priorisant la sécurité informatique et en respectant toutes les orientations émises par la direction de la sécurité des systèmes d’information à l’Administration de la Défense nationale.

De son côté, le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, Mohamed Abdennabaoui, a affirmé que l’expérience des procès à distance, imposée par la covid-19, et tout ce qui a en découlé en termes des efforts consentis par le ministère de la Justice, la Délégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) aux côtés des magistrats, du parquet général, du personnel de la Justice et des membres des instances de défense, ont permis aux juridictions, durant une année, de tenir plus de 19.000 séances.

Durant ces séances, ont été examinées 370.000 affaires concernant des détenus qui ont comparu devant les tribunaux plus de 433.000 fois, a-t-il précisé, ajoutant que les juridictions ont examiné plus de 133.000 affaires, dont certaines ont débouché sur la libération de 12.000 détenus qui ont retrouvé leur liberté immédiatement après le prononcé du jugement, à raison de 1.000 détenus chaque mois.

“Une loi encadrant les procès à distance est une bonne chose à laquelle aspirent l’ensemble des intervenants dans le système de la justice”, a-t-il lancé, disant aspirer à la promulgation de ce texte dans les plus brefs délais pour que le Maroc se dote d’un mécanisme juridique approprié permettant de tenir des procès à distance en post-covid.

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Selon lui, d’autres facteurs étayent la pertinence de ce choix, dont la protection des témoins et des dénonciateurs, la distance entre pénitenciers et juridictions, ce qui nécessite beaucoup de temps et autant de dépenses pour le transport, outre le nombre élevé des gardes mobilisés, surtout que 800 détenus comparaissent chaque jour devant les tribunaux de Rabat et 1.200 autres à Casablanca.

Pour sa part, le Procureur général du Roi près la Cour de cassation, président du Ministère public, El Hassan Daki, a fait observer que les procès à distance ont garanti la continuité du fonctionnement normal des tribunaux qui ont pu ainsi assurer leurs missions constitutionnelles, en consécration du droit au procès équitable dans des délais raisonnables.

Il a ensuite rappelé que l’adoption de cette technique s’est faite conformément à ce qui est en vigueur dans plusieurs législations étrangères avant le surgissement du coronavirus, d’autant plus que les procès à distance s’adossent à plusieurs références consignées dans nombre de traités internationaux afférant à la lutte contre le crime, dont la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale de 2000 (article 18) et la Convention des Nations unies contre la corruption (2003).

L’activation des procès en justice en ces temps exceptionnels, qui a induit des défis juridiques et de droits de l’homme, est une chose à la fois inédite et impérieuse dans l’historique du système judiiaire au Maroc, a enchainé M. Daki, estimant que cette méthode a permis de gérer les services de justice avec “efficience et une bonne gouvernance” car ayant évité la propagation du coronavirus et contribué à la protection de la santé des administrés et des citoyens, en harmonie avec les autres mesures préventives prises par les autorités concernées afin d’enrayer la pandémie.

Du 27 avril 2020 au 16 avril 2021, les procès à distance ont permis de tenir 19.139 séances concernant 310.067 affaires et au profit de 433.323 détenus, dont 11.748 ont été libérés. Sans cette technique, ces derniers n’auraient pas pu être jugés et allaient donc rester en détention.

Quant au Délégué général de la Délégation Générale à l’Administration Pénitentiaire et à la Réinsertion, Mohamed Salah Tamek, il a fait état d’un pas en avant dans le cadre des efforts visant à donner à la Justice une face moderne en phase avec la révolution numérique et qui est capable d’améliorer ce secteur, conformément à la clairvoyante vision Royale qui a fait de la réforme de la justice un chantier constamment ouvert.

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Le procès à distance tire sa légitimité et son réalisme de plusieurs considérations positives, a-t-il affirmé, expliquant qu’il permet de gagner du temps et d’épargner beaucoup d’efforts et, par ricochet, de statuer sur les dossiers dans des délais raisonnables et de ne pas léser les droits des justiciables.

Aussi, a-t-il argué, cette technique contribue à la rationalisation des dépenses publiques car minimisant les coûts liés aux moyens logistiques et aux ressources humaines liés au transport des détenus des prisons vers les tribunaux et vice versa, en plus des contraintes sécuritaires inhérentes à la garde des détenus.

La présidente du CNDH, Amina Bouayach, a de son côté rappelé que le Conseil avait accueilli favorablement le lancement des procès à distance à la lumière des mesures édictées pour atténuer l’impact de la pandémie sur le cours normal de la justice et dans le cadre du respect des délais finaux pour le traitement des actions en justice.

D’après elle, cette technique ne constitue pas, en principe, une violation ou une menace aux conditions d’un procès équitable qui restent tributaires à la consécration des principes de la nécessité, de la proportionnalité et de la légalité ainsi qu’à l’équité, à la suprématie du droit, à l’équilibre entre les parties concernées et au respect des droits de la défense.

Mme Bouayach a par la suite souligné que l’activation rapide du procès à distance, en raison du contexte pandémique, a soulevé des interrogations sur la légalité de cette méthode et sur la protection des droits de l’homme pour les justiciables en ce qui concerne l’organisation des audiences préliminaires dans l’acte d’accusation et des recours à distance via visioconférence.

Elle a à ce propos fait remarquer que le Conseil, selon les données de terrain dont il dispose suite à son suivi de nombre de procès à distance dans des affaires criminelles, délictuelles et de flagrance, a relevé que ces procès ne se sont pas déroulés sans problématiques inquiétantes en lien, entre autres, avec la situation des personnes en détention provisoire qui tenaient, au même titre que leur défense, à être présents.

Egalement, a-t-elle noté, les efforts déployés n’ont pas pris en considération certaines catégories et leur droit d’accès à la justice, parmi lesquels les personnes en situation d’handicap, notamment celles présentant des déficiences auditives et visuelles.

Ce colloque a connu la participation d’un parterre de responsables et de représentants des départements et institutions concernés et de plusieurs sensibilités de la société civile.

LR/MAP

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