Peine de mort Oui, mais alors quoi ?

Les abolitionnistes font suffisamment de bruit pour qu’on s’en souvienne: le 10 octobre est la journée mondiale contre la peine de mort. C’est l’occasion pour eux de sensibiliser les populations à travers le monde à la cause qu’ils défendent, mais aussi et surtout d’exhorter les Etats et gouvernements à abolir cette peine, ou du moins à décréter un moratoire, avant d’adhérer pleinement aux conventions internationales consacrant la suppression totale de la peine capitale.

Le 10 octobre a également été baptisé journée européenne contre la peine de mort, les instances de l’Union européenne faisant leur ce combat et considérant que «l’abolition universelle de la peine de mort est l’un des principaux objectifs de la politique de l’UE dans le domaine des droits de l’homme».

Ainsi, en ce 10 octobre 2012, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe (qui compte 47 États membres, dont les 27 de l’UE) ont lancé un nouvel appel à tous les États européens qui n’ont pas encore aboli la peine de mort «en droit et en toutes circonstances», à le faire et à ratifier les protocoles à la Convention européenne des droits de l’homme prévus à cet effet.

Bien au-delà des pays membres, l’Union européenne -qui précise qu’elle est «opposée à l’application de la peine capitale dans tous les cas et quelles que soient les circonstances»- lance un appel à tous les pays du monde afin qu’ils soutiennent la future résolution de l’ONU. Celle relative à un moratoire mondial sur l’application de la peine de mort qui devra être votée en décembre prochain, dans le cadre de la 67ème Assemblée générale des Nations unies.

Aziz Akhannouch participe à Bruxelles au Forum “Global Gateway”

Au Maroc, les abolitionnistes ne sont pas moins mobilisés. Regroupés au sein de la Coalition marocaine contre la peine de mort (CMCPM), ils espèrent que le pays donnera l’exemple dans la région (dans le monde arabe, seul Djibouti a aboli la peine de mort). Leur espoir est d’autant plus grand que le Royaume applique le moratoire de facto. Même si les tribunaux continuent de condamner à mort, il n’y a pas eu d’exécution depuis 19 ans (depuis celle en 1993 du commissaire Tabit, l’agent si imbu de son statut qu’en abusant sexuellement de dizaines de femmes et de filles mineures, il a aussi immortalisé ses délits dans des cassettes vidéo, constituant lui-même les preuves à charge qui l’ont perdu).

Les membres de cette coalition –créée en 2003 et qui compte une quinzaine d’associations de défense des droits de l’homme, dont l’Association des Barreaux du Maroc- en appellent à l’application des recommandations de l’IER (Instance équité et réconciliation: une commission nationale chargée en janvier 2004 d’établir la vérité sur les années de plomb et de proposer les moyens d’en tourner la page). Les membres de la coalition appellent également à la prise en compte des dispositions de la nouvelle constitution, notamment l’article 20 qui consacre le «droit à la vie».

Bien sûr, les appels des abolitionnistes sont légitimes et leurs arguments globalement bien fondés. Le droit à la vie est le plus fondamental des droits de l’homme. La peine de mort est une sanction irréversible, fortement à déplorer en cas d’erreur judiciaire. L’abolition de la peine capitale est une réponse civilisée de la société… Les dictateurs se servent parfois de la peine capitale qu’autorise la loi pour éliminer leurs opposants politiques. L’attente angoissée des condamnés dans les couloirs de la mort est une grande torture à elle seule. Et puis, la peine de mort n’est même pas toujours dissuasive…

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Certes, certes… Néanmoins, qu’est ce qui pourrait avoir un pouvoir de dissuasion aussi fort que la peine de mort ? Là est la question. Pour tous ceux qui posent cette question, un moratoire suffit amplement. Car si les droits de l’homme, la torture psychologique et l’irréversibilité d’une mort injuste sont à considérer dans le cas des condamnés, ils le sont encore plus dans le cas des victimes de ces condamnés !

Il nous faut bien le reconnaître, cette question également est légitime. Elle se pose quand des malfrats détraqués tuent des enfants après en avoir abusé sexuellement (Ouarzazate, Tanger). Ou quand des voleurs poignardent sans scrupules les citoyens auxquels ils prennent leurs biens (Rabat, Casablanca). Ou encore quand (c’est une des dernières condamnations à mort au Maroc) un extrémiste tue aveuglément de paisibles estivants en faisant exploser un café (l’Argana de Marrakech). Qu’est ce qui pourrait bien dissuader de pareils énergumènes ?  

C’est parce qu’ils n’ont pas encore répondu à cette question que 58 pays n’ont pas encore aboli la peine de mort.

Quant au citoyen lambda, si l’enfant violé, les personnes poignardées, ou les vacanciers tués, sont des membres chers de sa famille, sa réaction spontanée est de vouloir tuer l’auteur des crimes de ses propres mains, peine capitale abolie ou pas… D’où l’absence de mobilisation populaire autour de cette question.

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