«En Afrique, il y a un problème de démographie»

Jean louis testud depute maire de suresnes

Entretien avec Jean Louis Testud, député-maire de Suresnes (France) et membre du Conseil de l’Europe

Quelle appréciation faites-vous du Maroc?

Le Maroc est un des rares pays où il n’y a pas de richesses naturelles et qui offre pourtant à sa population un bon cadre de vie et de meilleures perspectives d’avenir que d’autres pays voisins qui sont beaucoup plus riches que lui. C’est un pays qui a fait énormément de progrès dans la gestion décentralisée des villes et des communes et qui est, je dirais même très avancé et exemplaire. Je trouve aussi qu’il est un très bel exemple de démocratie.

La démocratie peut-elle survivre à votre avis dans un contexte de crise économique, sociale et politique?

C’est justement dans un contexte difficile qu’il faut plus de démocratie parce que, aujourd’hui, les pays riches ont moins de moyens financiers. Ils doivent être plus rigoureux et plus sélectifs. La coopération décentralisée française engagée avec les pays amis permet justement de renforcer la démocratie et surtout d’éviter les déperditions. Il faut donc redoubler d’efforts de façon à améliorer la vie des citoyens.

Quel regard portez-vous sur le projet de régionalisation avancée mis sur pied par le Maroc?

Je pense que c’est un excellent chantier et une excellente initiative qui permettra l’avancée du Maroc dans le développement. Moi, personnellement, je suis pour le renforcement des liens avec le Maroc. Il faut rendre puissant ce pays ami dans sa démocratie et son développement économique. Je me félicite donc et fais partie de ceux qui se félicitent que Renault ait monté une usine au Maroc. Air France et la RAM vont aussi monter un centre de maintenance pour avions Airbus. Plus nous aiderons le Maroc à se développer économiquement, plus il s’engagera dans la modernité et il n’aura rien à envier à la France, à l’Italie ou à n’importe quel autre pays.

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Que dire de l’urbanisation de l’Afrique ? Tout va bientôt être urbanisé, alors que dans une grande partie du Continent, on trouve encore des bidonvilles où les populations vivent dans des conditions précaires…

Il faut améliorer cette situation. Il y a un sujet dont personne ne veut parler; c’est la démographie. Il faut que les pays africains s’engagent dans ce sens.

Et les organisations internationales?

Les organisations internationales et l’ONU n’osent pas parler de ce sujet qui reste encore un tabou. Aussi faut-il qu’ils engagent un réel débat sur le sujet. Quand une famille en Afrique a 8 ou 9 enfants, comment voulez-vous qu’un pays africain offre un cadre de vie décent, s’il triple ou double sa population en une génération? Ce n’est pas possible! Et puis, les pays africains n’ont pas toujours des richesses. Ils n’ont pas non plus assez de terres fertiles pour se nourrir. Ils deviennent de ce fait des assistés.

Quel est donc le vrai débat?

A mon avis personnel, le vrai débat, c’est d’engager une réflexion sur la démographie.

Et si on ne l’engageait pas?

Eh bien, on pourra toujours essayer de trouver des solutions pour enrayer cette urbanisation, la bidonvilisation. Si on peut leur offrir un métier, c’est leur garantir la dignité. Dans le cas contraire, ils deviennent des assistés. Donc, il faut s’attaquer aux racines de la chose, aux origines. Et là, c’est la démographie, l’urbanisation, la production agricole et la répartition des richesses.

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La problématique de la démographie se heurte dans les pays africains à des considérations religieuses. Les populations refusent que l’on s’immisce dans leur intimité. Comment les convaincre du bien-fondé de la cause?

Il faut d’abord engager un dialogue avec les autorités religieuses. C’est ce qu’a fait l’Eglise catholique. Il faut prendre en considération les progrès de la société. Bien sûr, le religieux est quelque chose qu’il faut éminemment respecter, mais il n’est pas là pour régler les problèmes. Et puis, la société évolue dans tous les domaines. Il faut donc que les religieux prennent cela en considération. Au Maroc, vous avez un islam tolérant, ouvert et de diversité. Le problème de la démographie est peut-être moindre.

Le Maroc a mis sur place une politique de migration qualifiée de première en Afrique et dans le monde arabe. Qu’en pensez-vous ?

En France, cette problématique constitue un vrai souci pour nous, Européens. Je suis personnellement pour une immigration choisie à l’image de ce qui se fait aux Etats-Unis d’Amérique et partout dans le monde, à savoir ne recevoir que ceux que nous sommes en mesure d’accueillir. Là, nous les accueillerons dignement pour qu’ils puissent avoir un vrai salaire et une vraie situation. Je pense que le Maroc, qui va devenir un pays où il fait bon vivre et où il y a de la main-d’œuvre, doit être conscient qu’aider les frères africains, ce n’est pas forcément les accueillir, mais peut-être les aider sur place à monter une activité.

Interview réalisée par Mohammed Nafaa

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3 Commentaires

  1. Mariaud éric

    En ce qui me concerne je dénonce le tabou de la démographie comme un faux prétexte. La puissance des pouvoir dépend de la misère nécessiteuse dont ils disposent, et ils soudoient tout les groupes réactionnaires qui se dressent par n’importe quel biais contre les mises en garde de la surpopulation. J’en veux pour preuve que là ou l’information et les moyens sont donné la population décroit comme dans certains pays d’Europe Occidentale,au grand damne des affairistes. Il faudra bien qu’un jour cet abcès finisse par crever.

  2. Denis Garnier

    La question démographique africaine est une question majeure. Il faut savoir que globalement la population du continent pourrait passer de 1 à 4 milliards d’ici à 2100. L’Afrique pourrait donc, à elle seule, compter QUATRE fois plus d’habitants que la planète toute entière en 1800 !
    Evidemment tous les pays ne seront pas touchés de la même manière et le Maroc a de fortes chances de bien s’en sortir sur ce plan.
    Mais que dire du Nigéria qui n’est même pas grand comme 2 fois la France et qui pourrait avoir 900 millions d’habitants à lui tout seul ? D’autres pays, plus petits certes vont avoir de très gros problèmes de densité de population, tels le Burundi, le Rwanda, l’Ouganda et le Malawi…

  3. Didier Barthès

    Bonjour,
    « Le vrai débat c’est d’engager une réflexion sur la démographie »
    Oui bien sûr, et l’autre vraie question c’est : Pourquoi ce sujet est-il tabou ? Pourquoi l’évidence reste-t-elle quasi interdite de discussion ? Pourquoi même les mouvements écologistes sont-ils si réticents à l’aborder ? La Terre est de surface finie, c’est une réalité qui transcende tous les clivages politiques et tous les choix de société. A ma connaissance en France, seule l’association Démographie Responsable ose évoquer le sujet.
    En 2000 ans l’homme a multiplié ses effectifs par 35, il relève du simple bon sens que certaines courbes ne peuvent être poursuivies et que la protection de l’environnement suppose de laisser libres certains territoires pour que la nature puisse s’y épanouir. Cet objectif là n’est pas compatible avec l’expansion permanente de nos effectifs. Merci à Monsieur Jean-Louis Testud d’avoir eu le courage d’aborder le sujet.

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