Arabie saoudite : L’or noir sous le volcan

Les attaques, revendiquées par les rebelles Houtis, mais imputées le plus souvent à l’Iran, contre des installations pétrolières ont révélé la vulnérabilité extrême de l’Arabie saoudite.

La protection américaine, la technologie de pointe achetée par Riyad, ont été mises en échec. C’est un coup dur pour le Prince Mohammed Ben Salmane, déjà en position délicate depuis l’affaire de l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Un an après l’assassinat dans le consulat de son pays à Istanbul, le Prince héritier saoudien ne peut plus compter sur ses alliés d’hier. Le dauphin fait face à «un isolement énorme et qui s’accroît», résume à L’Orient-Le Jour Jean-François Seznec, chercheur au Middle East Institute. «C’était un crime horrible. Mais j’assume, a déclaré le Prince, mon entière responsabilité en tant que dirigeant de l’Arabie saoudite. En particulier, puisque c’est le fait d’individus travaillant pour le gouvernement saoudien». Fini le temps où il incarnait la revanche de l’Arabie saoudite contre l’Iran et où il promettait d’en finir en quelques semaines avec les houthistes au Yémen. Finis aussi les slogans bellicistes et les tournées triomphales aux États-Unis et en Europe. «La solution politique et pacifique est bien meilleure que la solution militaire», confie le Prince héritier saoudien à la chaîne américaine PBS, dans un long documentaire diffusé le 27 septembre.

Paradoxalement, l’attaque des sites pétroliers saoudiens, le 14 septembre, par des drones et missiles de croisière dont l’origine est discutée, mais qui servent la politique iranienne, pourrait débloquer la situation. L’Arabie Saoudite a d’abord constaté que son puissant allié américain n’a pas été capable de la défendre et que son propre gigantesque arsenal militaire ne fonctionnait pas. En voyage éclair à Riyad, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a signifié qu’il n’était pas question de faire la guerre à l’Iran et qu’une réponse «non militaire» devait être privilégiée. En clair: l’Arabie Saoudite doit reconnaître l’émergence de l’Iran comme puissance régionale et accepter de discuter avant que sa position ne soit à nouveau affaiblie. Cette stratégie n’exclut pas un discours tactique de Donald Trump, accentuant une nouvelle fois les sanctions contre Téhéran pour satisfaire ses alliés, notamment en Israël.

Ryad | L'Arabie saoudite rouvre ses frontières

Un changement de ton, cependant, qui est lié à une analyse, après les bombardements d’installations pétrolières aux conséquences économiques d’une guerre. Une guerre entre l’Arabie saoudite et l’Iran provoquerait un «effondrement total de l’économie mondiale», a estimé  le Prince Mohammed Ben Salmane dans un entretien télévisé aux Etats-Unis, appelant la communauté internationale à «dissuader» Téhéran. «Si le monde n’agit pas fortement, fermement, pour dissuader l’Iran, nous assisterons à une escalade encore plus grave qui menacera les intérêts mondiaux», a affirmé le Prince héritier lors de l’émission «60 Minutes» sur la chaîne CBS. Selon lui, les conséquences toucheraient la planète entière: «La région représente environ 30% de l’approvisionnement mondial en énergie, à peu près 20% du trafic mondial de marchandises, environ 4% du PIB du monde. Imaginez que ces trois choses-là s’arrêtent toutes». Il a estimé absurde l’attaque menée le 14 septembre contre des installations pétrolières saoudiennes, et que Ryad et Washington attribuent à l’Iran. «Il n’y a pas d’objectif stratégique. Seul un dingue attaquerait 5% de l’approvisionnement mondial. Le seul but stratégique est de prouver qu’ils sont stupides et c’est ce qu’ils ont fait», a lancé le Prince.

Syrie. Frappes ou pas frappes?

Le constat d’échec de la politique américaine et de ses alliés des monarchies pétrolières impose de trouver une issue acceptable avant l’élection présidentielle américaine de novembre 2020. Tout a été dit sur le fiasco militaire et politique en Afghanistan et en Irak, mais le pire serait une défaite humiliante de l’Arabie Saoudite au Yémen. Tandis que les Emirats Arabes Unis, principal partenaire dans la coalition arabe, ne veulent plus être en première ligne dans ce conflit sans fin, Riyad envisage la possibilité d’un cessez-le-feu. Dans le même temps, la politique américaine de «pressions maximales» contre l’Iran n’a pas eu les résultats escomptés. La République islamique résiste assez bien, malgré la catastrophe économique imposée aux Iraniens et l’exacerbation des conflits politiques internes.

Dans son discours à l’ONU, le Président iranien a proposé une «coalition de l’espoir» et «une initiative de la paix d’Ormuz» avec tous les pays riverains, en incitant l’Arabie à constater que son voisin historique et futur est l’Iran et non pas les lointains Etats-Unis. La Chine, jusqu’ici très discrète, mais principal client du pétrole et du gaz du Golfe Persique, a complété l’initiative iranienne en proposant d’y associer, outre la Chine: le Japon, l’Inde, la Russie et l’Europe. Il s’agirait d’un accord de sécurité régionale, dirigé par les pays asiatiques, les nouveaux émergents, excluant les Etats-Unis qui ne sont plus crédibles.

Et voila qu’émerge une nouvelle «communauté internationale» !

Patrice Zehr

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