Frontières maritimes : Le Maroc perdra-t-il ses droits ?

Frontieres maritimes Maroc

Dans la zone maritime, de considérables intérêts souverains sont en jeu.
Chaque Etat qui a une frontière maritime a le droit, outre sa zone économique exclusive de 200 miles, de demander l’extension de cette zone, dans un délai de 10 années après avoir signé la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer. Si elle lui est accordée, il exerce sur cette extension les mêmes droits que sur son propre territoire (droit de contrôle, droit d’exploitation des ressources naturelles et sous-marines, etc).
Or, le Maroc a signé cette convention en 2007. Sept années se sont écoulées et il n’a toujours pas déposé sa demande d’extension du plateau continental, notamment côté Atlantique où l’Espagne et le Portugal l’ont déjà fait.
La Mauritanie aussi a déposé les premières informations, le dossier devant suivre…
Au Maroc, les experts s’inquiètent.
Le Pr Naïma Hamoumi, enseignante et chercheure universitaire, qui se penche sur cette question depuis plusieurs années et a à son actif près d’une demi-douzaine d’ouvrages et écrits consacrés à ce sujet, sonne l’alarme.
De gros problèmes juridiques et diplomatiques sont à résoudre.
Ce dossier explique le pourquoi et le comment.

Le Reporter
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A quand une stratégie efficiente pour la délimitation du plateau continental marocain ?

Le Maroc occupe une situation géographique privilégiée qui lui permet d’avoir des façades maritimes sur trois domaines marins différents: la mer Méditerranéenne, le Détroit de Gibraltar et l’océan Atlantique. Ces espaces qui représentent une ressource naturelle inestimable et contribuent largement à l’économie du pays, sont appelés à jouer un rôle plus important à l’avenir.

Cependant, il y a en général, une méconnaissance des caractéristiques géologiques des fonds marins (substratum et couverture sédimentaire). Cet état de fait est d’autant plus grave que la délimitation précise des espaces maritimes sous souveraineté marocaine se pose aujourd’hui avec acuité.
Dans cette perspective c’est la marge atlantique qui est concernée. La délimitation maritime dans les autres domaines n’est pas à l’ordre du jour du fait des dimensions réduites du Détroit de Gibraltar et des distances entre les nombreux Etats autour de la mer Méditerranée.

Par ailleurs, à ce jour, aucune stratégie nationale, associant les compétences et le savoir faire universitaires nationaux, n’a été initiée pour la préparation du dossier scientifique et technique permettant d’appuyer la demande d’extension.

Que dit la convention internationale sur le Droit de la mer ?

La Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer (CNUDM/ United Nations Convention on the law of the sea /UNCLOS) a été adoptée le 10 décembre 1982 à Montégo Bay et elle est entrée en vigueur le 16 novembre 1994. Les articles 76 à 85 (Partie VI), définissent le plateau continental au sens juridique, les modalités de son extension et les obligations des Etats côtiers.

La ratification de cette convention accorde aux Etats côtiers le droit de présenter à la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies, dans un délai de dix ans maximum, une demande d’extension du plateau continental au-delà de 200 miles marins, mais ne dépassant pas les 350 miles (Fig. 1), étayée et justifiée par un argumentaire juridique et scientifique (article 76, Partie VI).

Le Maroc qui possède une ZEE (zone économique exclusive) de 200 miles marins (Dahir portant promulgation de la loi n° 1-81 du 8 avril 1981), a exprimé son intention de devenir partie de cette convention internationale en la signant dès le 10 décembre 1982, mais il ne l’a ratifiée que 13 années plu tard (le 31 mai 2007). Ainsi la convention est entrée en vigueur pour le Maroc le 31 juin 2007 (B0 n° 5714 du 5 mars 2009-Dahir n° 1-04-134 du 17 Joumada I 1429, 23 mai 2008). Le Gouvernement marocain est donc tenu de déposer la demande d’extension du plateau continental de la marge atlantique en 2017.

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Quels sont les défis et les enjeux pour le Royaume ?

La première contrainte qui se pose, c’est le délai qui est de moins de 3 ans pour la présentation de la demande d’extension du plateau continental de la marge atlantique, auprès de la commission du plateau relevant des Nations Unies. Et il n’est pas permis de rater ce rendez vous car tout Etat côtier qui ne présente pas sa demande d’extension au delà des 200 miles, ne pourra pas exercer ses droits sur cette portion du plateau continental.

Il existe bien sûr pour les pays en voie de développement, la possibilité de ne présenter dans le délai de 10 ans que des informations préliminaires indicatives sur les limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 miles, une description de l’Etat d’avancement du dossier et une prévision de la date à laquelle le dossier sera soumis. Mais encore faut-il pouvoir réunir toutes ces informations dans un délai convenable.

De surcroît, les enjeux sont à la fois économiques et géopolitiques puisque le Maroc partage ses espaces marins avec l’Espagne et le Portugal. La proximité géographique des îles Canaries et des îles Madère pose des problèmes pour les délimitations maritimes et donc des chevauchements entre les demandes d’extension. L’Espagne exige l’application de la règle médiane. Or, les Iles Canaries ne peuvent pas être considérées comme un archipel. De plus, bien qu’aucune délimitation maritime entre deux Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face, ne doive être effectuée, unilatéralement par l’un de ces Etats, le Gouvernement espagnol et le Gouvernement du Portugal ont déjà déposé en 2009 leur demande d’extension du plateau continental au-delà des 200 miles auprès de la Commission des limites du plateau continental. La République islamique de Mauritanie a également déposé un dossier avec les informations préliminaires en 2009.

Par ailleurs, il se pose également le problème de l’exploration et de l’exploitation des ressources non vivantes. Des indices d’hydrocarbures ont été reconnus dans la marge atlantique au large d’Essaouira et entre Tan Tan et Laayoune et des volcans de boue liés à des hydrates de gaz ont été mis en évidence dans la marge atlantique nord dès l’année 1999.

Où en est l’état d’avancement de la préparation du Maroc ?

Malgré les engagements du Maroc à travers la signature de la convention en 1982 et sa ratification en 2007, ainsi que l’existence d’enjeux d’ordre scientifique, socioéconomique et environnemental, aucune stratégie nationale incluant un programme de cartographie géologique de la marge atlantique entre Tanger et Lagouira, n’a vu le jour. De ce fait, il est aujourd’hui difficile de connaître avec précision l’étendue, la topographie détaillée, la nature lithologique et la structuration du plateau continental, ainsi que les ressources non vivantes qui lui sont associées.

Une commission nationale a été mise en place fin 2012 pour la préparation du dossier juridique et technique relatif à la demande de l’extension du plateau continental marocain. Cette commission qui est présidée par le Chef du Gouvernement, est constituée par des représentants du Ministère de l’Intérieur, du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, de la Marine Royale, du Secrétariat Général du Gouvernement, du Ministère délégué auprès du Ministère de l’Economie et des Finances, chargé du Budget, du Ministère délégué du Chef de Gouvernement, chargé de la Défense nationale et de l’ONHYM. Les scientifiques universitaires (géologues et géophysiciens) marocains n’ont pas été impliqués dans cette commission. Et ce, bien que leur participation aux études océanographiques qui devront être menées et à l’élaboration des documents d’appui du dossier scientifique et technique de la demande d’extension, est incontournable.

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Mais nous pouvons sauver la mise

Aujourd’hui la guerre des chapelles et les comportements hégémoniques aussi bien à l’échelle des individus que des instituions, qui ont constitué un frein au développement des sciences de la mer dans le Royaume ne sont plus permises. Et ce, d’autant plus que le Maroc a pris beaucoup de retard avant d’initier la préparation du dossier pour la demande d’extension de son plateau continental et que les pays voisins (Espagne, Portugal et Mauritanie), ont déjà déposé leur demande de manière unilatérale.

Il n’est pas non plus permis d’exclure l’expertise universitaire nationale et de faire l’économie des données existantes à l’université. En effet, d’une part, la demande doit être étayée par des données et des arguments géologiques, géophysiques et géomorphologiques, tel que stipulé dans l’article 76 (Partie VI) de la Convention internationale de la mer. D’autre part, l’implication des universitaires permettra de mieux cibler les partenaires des Etats développés qui pourraient aider à l’élaboration du dossier scientifique par leurs moyens financiers et techniques, conformément à la résolution A/RES/63/11, adoptée lors de l’Assemblée générale des Nations Unies du 5 décembre 2008.

Devant une question aussi stratégique qui touche aux intérêts du Royaume et à sa souveraineté sur son espace maritime et ses ressources naturelles, il est donc impératif, premièrement que les universitaires soient impliqués et deuxièmement que tous les acteurs œuvrant dans le domaine marin se mobilisent et se solidarisent pour d’une part, fédérer leurs moyens humains et matériels et d’autre part, mettre en commun les données scientifiques pertinentes dont ils disposent. En effet, l’élaboration d’un tel dossier nécessite la réalisation d’un recensement des données existantes et d’un programme de campagnes océanographiques pour les études géologiques et géophysiques.

Naima Hamoumi
(Professeur à la Faculté des sciences de Rabat, Université Mohammed V-Agdal)

                                                     Les zones juridiques de la CNUDM
                                                     (Hydrographie – Souveraineté, www.dfo-mpo.gc.ca)

CNUDM

 

Ce qu’il faut pour la constitution du dossier


Pr Naima Hamoumi l’explique, pour constituer son dossier de demande d’extension du plateau continental au-delà des 200 miles et le déposer auprès de la Commission des limites du plateau continental avant le dead line de 2017, le Maroc doit impérativement réaliser un état des lieux et un programme de campagnes océanographiques pour les études géologiques et géophysiques.
L’état des lieux consiste en ceci:
– L’inventaire des données géologiques, géomorphologiques et géophysique existantes
– L’analyse de la pertinence et de la fiabilité de ces données
– La corrélation des données et réalisation de mosaïques afin de distinguer les zones étudiées et les gaps.
Quant au programme de campagnes océanographiques dans les zones non étudiées, il comprend:
– Des levés bathymétriques,
– Des levés de sismique réflexion,
– Des levés de sismique réfraction,
– Une couverture d’imagerie acoustique (SSS),
– Des photographies et vidéo des fonds marins,
– Des prélèvements de sédiments (boxcores, carottes, forages etc..),
– Des études de laboratoire pour le dépouillement et l’analyse des données prélevées en mer.

Pr Naïma Hamoumi

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2 Commentaires

  1. le maroc est toujours protectorat multiple, et ses droits maritimes sont limités aussi bien sur le plateau océanique, sur le détroit de gibraltar et sur la méditerranée, vues les conventions porotectorales signées avec le portugal, l’espagne et la france. Ce qui explique pourquoi le maroc n’ a pas déposé une demande d’extention sur l’atlantique et ailleurs.
    La souveraineté marocaine est juste à l’inteérieur des terres, mais les espaces maritimes (méditerranée, détroit et atlantique) relèvent de la souveraineté européenne. En effet le maroc la sa pseudo indépendance du maroc était conditionnelle car négociée et non imposée.

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