Le Roi et le fou

Cette semaine, deux événements ont fortement ému au Maroc. Ils sont d’inégale importance et d’inégal impact, mais il est difficile de ne pas les mettre en parallèle.

Le premier événement porte le sceau du Roi ; le second, celui d’un salafiste.

Reprenons les deux événements, dans leurs grandes lignes.

Le Roi, comme on le sait, a gracié, jeudi 14 avril, 190 détenus, dont 96 ont été libérés immédiatement. Et parmi ces 96, il y avait de célèbres prisonniers politiques. Notamment, le militant associatif de Nador, Chakib El Khyari ; des séparatistes sahraouis: Ali Salem Tamek, Ibrahim Dahhane, Ahmed Naciri, Ahmed Mahmoud Haddi (surnommé Al Kinane) ; et des islamistes… Aussi bien des islamistes dits modérés, comme ceux jugés dans l’affaire Belliraj: Mustapha Mouatassim, Mohammed Marouani, Mohammed Amine Regala, Alaa Badella Maa-El Ainin et Abdelhafid Sriti… Que ceux, radicaux, de la Salafia qui ne sont pas moins de 14, dont deux bien connus: Ahmed Fizazi et Abdelkrim Chadli.

 

Certes, ces mesures de grâce ont été décidées sur la base d’un mémorandum soumis au Roi par le tout nouveau Conseil national des droits de l’homme (CNDH, qui a remplacé le CCDH le mois dernier). Mais c’est bien une volonté royale franche et déterminée qui a permis l’envoi de ce signal fort de libération de détenus politiques. De la même manière qu’ont été envoyés d’autres signaux, tout aussi forts, depuis le 9 mars dernier (date du discours royal historique ouvrant le chantier de la réforme de la constitution).

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Et de la même manière que seront encore envoyés de nouveaux signaux dans les jours à venir (comme l’a annoncé aux partis politiques le conseiller du Roi, Mohamed Moatassim). La libération d’une centaine d’autres détenus étant d’ores et déjà dans le pipe, selon nos informations.

Passées la surprise et l’émotion, l’événement a été globalement accueilli pour ce qu’il est: un grand geste, favorisant le climat de détente et d’ouverture politique que requiert la phase cruciale que traverse le Maroc, alors qu’il s’engage dans des chantiers inédits de réformes. C’est un geste d’espoir résolument tourné vers l’avenir.

On ne peut pas en dire autant de l’autre événement. Celui qui a suscité beaucoup d’émotion, mais en défrayant tragiquement la chronique. Il s’agit de cette affaire de Tanger, où un ex-détenu salafiste, remis en liberté depuis longtemps, a semé la terreur parmi les citoyens, le week end dernier. L’homme (un «fou de Dieu», disent les étrangers. Pour nous, c’est un fou tout court), a foncé, arme blanche à la main, sur un groupe d’étudiants marocains et espagnols, attablés dans un des plus vieux et plus renommés cafés de Tanger, hurlant «Allah Akbar» (Dieu est grand) et assénant aveuglément ses coups d’épée au groupe de jeunes, en tuant un et en blessant grièvement deux autres.

L’assassin a été arrêté et il ne pourra échapper à une peine d’emprisonnement qui ne lui permettra probablement même pas de regretter ses actes, tant son idéologie salifiste jihadiste l’inhibe (selon cette idéologie, il peut tuer ceux qu’il estime être des mécréants, cela lui ouvre même les portes du paradis).

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Les commentaires qui ont suivi ce drame n’ont pu s’empêcher de rapprocher ces deux événements (la grâce royale en faveur des islamistes et le crime du fou)… Mais en y voyant un lien, inexact, de cause à effet. Nombre de commentateurs ont en effet cru que le nervi jihadiste de Tanger était de ceux qui venaient d’être graciés. Ce n’est pas le cas. Son acte est tout simplement un geste de haine résolument tourné vers le passé. C’est un acte d’obscurantisme.

In fine, chacun de ces deux événements nous indique une direction différente -l’une diamétralement opposée à l’autre- nous laissant méditer sur le choix que nous voulons faire pour notre pays et l’engagement qui doit accompagner ce choix.

Bien qu’on ait beaucoup entendu ça depuis le début du printemps arabe, l’obscurantisme n’est pas un leurre. Ce n’est pas seulement le moyen qu’ont trouvé les dictateurs pour garder le peuple sous leur botte. C’est aussi une part de notre réalité qu’il faut combattre, par toujours plus de vigilance, toujours plus de démocratie. Encourageons donc les pas vers la démocratie, même si les plus exigeants d’entre nous les trouvent timides.

 

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