Où sont les élites ?

Dans l’émission «Hiwar» de ce mardi 5 avril, où la 1ère chaîne de télévision (Al Oula) recevait Abdelilah Benkirane, chef de file des islamistes du PJD (parti de la justice et du développement), le débat portait, bien évidemment, sur l’actuel chantier des réformes constitutionnelles et c’était un «chaud show».

  

Au milieu du débat, alors que les questions portaient sur la répartition des pouvoirs et la désignation du 1er ministre en fonction des résultats des élections (le 1er ministre devant être issu du parti arrivé premier aux élections), un des journalistes chargés de passer l’invité au grill lui a lancé: «il faut vous préparer pour le cas où vous arriveriez en tête…». Il n’avait pas terminé sa phrase que Abdelilah Benkirane s’écriait: «comment ça, me préparer ? Mais je suis prêt ! Pourquoi sous estimez-vous les gens ? Je suis prêt !». La salle a ri, bien sûr, de la brutalité de la réplique dont il était difficile de savoir si elle traduisait l’étendue de l’indignation ou celle de l’ambition. Et puis, le plateau est passé à d’autres échanges…

Pourtant, sans le vouloir, le journaliste a mis, là, le doigt sur un des plus gros problèmes qui se posent aux pays qui s’ouvrent aujourd’hui à la démocratie. En Tunisie, comme en Egypte, quand la rue a mis fin aux régimes en place et qu’il s’est agi de remettre le pouvoir entre de nouvelle mains, ces… mains ont manqué. A Tunis, les deux gouvernements provisoires ont compté des hommes du régime Benali et même, aujourd’hui, du régime Bourguiba. Et au Caire, c’est l’armée de Moubarak qui tient l’Egypte post-Moubarak.

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En Libye, la grande question que se pose la coalition, c’est précisément de savoir qui pourrait prendre le pouvoir après Kadhafi. Services secrets américains, français et anglais se relaient auprès du CNT libyen (Conseil National de Transition), actuel représentant des insurgés, pour tenter de résoudre ce problème. Mêmes questions au Yemen, voire en Syrie…

Dans les régimes autoritaires, comme ceux des pays arabes sur lesquels soufflent aujourd’hui les vents de la contestation, les élites sont soit trop proches des tenants du régime –et donc discréditées en même temps qu’eux lorsqu’ils tombent- soit totalement inaptes à exercer le pouvoir, faute d’expérience démocratique.

Dans un pays comme le Maroc, où le pluripartisme et le pluri syndicalisme, consacrés par la toute première constitution (1962), auraient dû permettre aux partis politiques et aux syndicats d’encadrer et de former des élites politiques, en toute liberté, le résultat est quasiment le même que dans les pires dictatures. Ces élites nous font cruellement défaut. Les partis politiques ont «leurs» élites, immuables, qui s’accrochent au pouvoir et aux privilèges plusieurs décennies durant, ne permettant aucune relève de leur vivant. Ceux qui intègrent les partis, croyant y trouver des écoles politiques où ils pourraient évoluer en gravissant les échelons un à un, désenchantent bien vite. Ils constatent que les accès à l’ascenseur sont verrouillés pour longtemps. D’où la défiance des jeunes et leur rejet des partis politiques.

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Abdelilah Benkirane est prêt, sans doute, mais combien son parti compte-t-il de cadres réellement compétents –et pas seulement armés de foi et de slogans- qui seraient aptes à prendre en charge des portefeuilles sensibles, techniques… ? Qui seraient aptes à relever le défi compétitif du Maroc sur un marché mondial impitoyable ? Il s’agit là du PJD, mais la question est valable pour tous les partis marocains.

Le discours royal du 9 mars prône une nouvelle répartition des pouvoirs qui, quel que soit son degré de perfection sur le papier, nécessitera pour sa mise en œuvre des élites à la hauteur de la nouvelle donne. Les partis politiques sont au cœur du système, comme l’exige la démocratie. Alors qu’ils négocient l’étendue de leur pouvoir, il leur faut aussi s’assurer d’être en mesure de l’exercer pleinement. Il leur faut donc vite devenir ce qu’ils auraient dû être depuis le début: de vraies pépinières d’élites !

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